XXVI - Invités Indésirables (2) - Partie 1

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18 août 1875 — Sultakara

Après avoir laissé Talius dans le salon, Assad se précipita avec Shems hors du château royal. Il traversa la grande place et remonta l'avenue principale, indifférent aux regards et appels curieux de ses sujets. Avec son chevalier maître, ils rejoignirent la porte Sud à grandes enjambées.

Parmi les trois points de contrôle de la capitale, la porte Sud se distinguaient de ses jumelles, les portes Est et Ouest, de par sa grandeur. Il s'agissait de l'entrée principale du royaume de Sultakara que venait d'emprunter un invité... particulier.

Se remémorant les murmures alarmés de son vassal, Assad accéléra le pas. Il arriva devant le pont-levis qui reliait les premières rues de la capitale aux douanes sultakaroises, traversa la grande arche qui marquait la limite de la ville et pénétra le châtelet d'entrée. Là-bas, deux chevaliers montaient la garde tandis qu'un troisième attendait le roi et le chevalier maître.

— Votre Altesse, murmura-t-il d'une voix mal assurée. Venez...

Guidés par le soldat, les deux hommes sortirent hors du châtelet.

— J'ai appelé le chevalier maître dès lors que... qu'il est venu, expliqua le chevalier, troublé. Je lui ai demandé de venir en personne. Finalement, je suis content que vous soyez venu vous aussi.

Les lèvres pincées, Assad ne répondit rien. Là, dans les vallées verdoyantes de Sultakara qui s'étendaient à perte de vue, l'herbe roulant au gré des zéphyrs estivaux, une singulière rougeur venait briser l'harmonie de la nature.

— Ce... n'était donc pas une plaisanterie ? souffla Assad, d'une voix blanche.

Un sourire narquois barrant son visage éborgné, une riche cape de brocart rouge jetée nonchalamment sur son épaule, les mains jointes sur une canne en ébène au pommeau d'argent, le port altier, le patriarche Dlavonine se tenait là avec son air tout plein de morgue.

— Sire Sulta, roucoula-t-il, mielleux. Je ne pense pas que nous nous soyons déjà vu auparavant.

Le sourire grandissant, il tendit une main devant lui. Sans même réfléchir, Assad dégaina son mortel sabre, tenant ainsi en respect le noble d'Arkhess. Shems suivit par sa propre épée. D'un air faussement déçu, Dlavonine baissa sa main.

— Déjà les hostilités ?

— Que veut Arkhess ? cracha Assad avec hargne.

Fermant à demi les yeux, Dlavonine s'attela à taire l'impatience qui menaçait de le saisir. Il allait devoir s'armer d'une belle persévérance avec le roi de Sultakara. En guise de réponse, il enleva sa cape, la jeta par terre et se débarrassa également de sa canne ainsi que de son propre sabre, rangé dans un fourreau ceignant son buste.

— Je viens en paix, dit-il docilement en pointant son bouc piquant semblable à des orties rouges vers ses effets gisant au sol.

— Je ne suis pas né de la dernière pluie, patriarche Dlavonine, grinça Assad. Je vous sais grand patriote. Quelle famille de noble, autre que la votre, pourrait prétendre à une aussi farouche attache à votre damné royaume ?

— Même à Sultakara, notre nom est aussi connu ? s'étonna le noble. Voilà qui est intéressant...

Il fanfaronnait, même pas impressionné par les armes tendues férocement vers lui.

Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle CristallinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant