Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle Cristallin

XL - Résurgence Inespérée - Partie Finale

??? — ???

  Lunera ouvrit les yeux. Elle flottait dans un espace étrange, où ni ciel, ni terre n'existait. Un brouillard dense et lumineux nimbait les lieux de son essence vaporeuse. Pas un son n'investissait cette distorsion bizarre, si bien que Lunera crut un instant qu'elle était devenue sourde, handicapée par les fracas assourdissants de sa dernière bataille. Elle observa ses mains, immaculées. 

— Que... articula-t-elle. 

  Elle porta une main à sa gorge. Elle pouvait émettre un son ! 

— Pourquoi... ? Où suis-je... ?

  Aucun livre, ni aucune légende ne vantait les dires d'un pareil endroit. Était-elle toujours à Ganymède ? 

Non. 

  Ce n'était pas ça, Lunera en était intimement convaincue. Ganymède demeurait le continent le plus meurtri par la renaissance d'Uraera. Sa terre durement fragmentée par l'explosion du cristal et par les sortilèges meurtriers d'Uraera, Ganymède ne pouvait pas s'afficher sous un éclat aussi rayonnant. 

  Lunera essaya de marcher devant elle, ou du moins, d'esquisser un pas. Hélas, elle n'avait aucun appui stable ; tout flottait autour d'elle, aucune solidité ne venait l'aider dans son objectif.

— Est-ce que... je suis sur Terhera ? 

— Non, intervint alors une voix masculine. 

  Parcourue d'un frisson mêlant effroi et excitation, Lunera sentit son échine se redresser tandis qu'elle vit volte-face, son mouvement rendu naturel alors qu'elle n'y parvenait pas une seconde plus tôt.

  Cette voix, elle la reconnaîtrait entre mille. 

  Cette voix, était l'objet de toutes ses tortures. Même si fut un temps, cette voix berçait l'enfant qu'elle était.

  Cette voix, c'était celle de Darkodem. 

  Il se tenait là, devant elle, flottant également dans cet espace-temps singulier. Les anciennes habitudes avaient la vie dure ; Lunera se laissa aller à une contemplation de sa personne. D'allure aussi noble et raffinée qu'à l'accoutumée, Darkodem revêtait sa riche toge blanche brodée du symbole d'Uraera. La plume d'aigle juchée sur son sa longue chevelure resplendissait de vitalité, à l'image de son maître, qui d'ailleurs, avait un air apaisé que jamais Lunera ne lui avait connu. Ses yeux, autrefois noyés dans le même gouffre de ténèbres insondables où son âme prisonnière du maléfice d'Uraera avait échu, étaient souriants, délestés de toute malice passée, de toute folie meurtrière. 

  Le regard de Lunera vis-à-vis de lui avait changé du tout au tout après les abominables révélations d'Uraera. Elle n'avait guère eut le temps de réfléchir à tête reposée sur cette histoire terrassante, mais un fait demeurait certain ; Darkodem était innocent d'une certaine manière. Et cette simple information lui suffisait amplement. 

  Aussi, faisant fi d'un temps où elle se serait éloignée de son géniteur avec une grimace d'effroi, Lunera lui tendit une main, bénissant le ciel que cette entrevue - la dernière, elle le pressentait - lui soit accordée, aussi courte soit elle. 

— Père... murmura la jeune fille, la gorge nouée par l'émotion. 

  Darkodem ferma les yeux, infiniment touché par cette appellation où l'affection dominait, malgré les terreurs passées de son enfant.

— Lunera... murmura-t-il à son tour, la voix enrouée. 

  Il tendit ses deux mains à son tour et attrapa la sienne. Il la serra avec force, véhiculant par là ce que des mots ne parvenaient à exprimer.