XI - Morne Sultakara

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29 mars 1875 — Sultakara

Le vent frais de février caressait la chevelure lisse de Saphir. S'appuyant sur son père, elle contemplait la tombe de Zahya, les yeux emplis de larme. Imaginer sa chère maman reposant sous la terre lui était dure.

Venir ici lui faisait si mal au coeur... Chaque fois, c'était comme un coup de poing en plein ventre. Zahya n'était plus... Plus jamais elle ne la serrerait dans bras... Plus jamais elle ne viendra s'enquérir de son état... Plus jamais elle ne la réconfortera... Plus jamais, plus rien. Ses rêves demeuraient brisés, ses espoirs piétinés, tous par la folie vindicative de Lunera.

Se tenant avec davantage de ferveur aux bras de son père, Saphir leva les yeux au ciel. Maussade, comme son humeur des jours passés. Parviendra-t-elle à retrouver cette jovialité et cette énergie qui la caractérisaient tant auparavant ? Avec un sourire ironique, elle repensa à ses excursions avec Grenat hors du château. Elle était si inconsciente et intrépide à l'époque... La réalité l'avait rattrapée de plein fouet.

— Allons Saphir, nous rentrons, souffla la voix d'Assad, chargée de chagrin.

Elle acquiesça sans répondre. De toute manière, la princesse ne le pouvait pas, toujours privée de sa parole. Pour transmettre cependant l'intensité de ses sentiments, elle serra vigoureusement la main de son père. Chaque jour, il l'amenait ici pour se recueillir. Jamais il ne faillissait, elle en était touchée.

À force de garder le lit, malgré les visites qu'elle recevait, Saphir s'était affaiblie. Elle n'aurait pu rejoindre la tombe sans son aide. De toute manière, même si elle en avait été capable physiquement, la princesse ne s'y serait pas rendue seule. La douleur était encore trop grande et comprimait son coeur à la manière d'un étau.

Doucement, pas à pas, avec une patience à toute épreuve, Assad raccompagna sa fille dans ses appartements et la confia à Grenat, allouée spécialement à sa protection.

— Je reviendrai tout à l'heure, Amèrius m'attend.

Il déposa un baiser sur son front et se détourna pour monter jusqu'à son royal cabinet. Il salua d'un air distrait les soldats qui montaient la garde devant et pénétra les lieux, où il trouva son confrère d'Éterneige en train de lire un journal.

— Je suis là, merci d'avoir attendu.

— C'est normal, répondit Amèrius. Tu étais avec Saphir ?

— Oui, confirma Assad, évasif.

— Comment va-t-elle ?

— Son état ne s'améliore pas... En plus de son aphonie, elle ne mange plus, fait des cauchemars et ne cesse de s'affaiblir. Malgré tout... l'épisode de la dernière fois ne s'est pas renouvelé, je dors avec elle désormais.

— J'espère que...

— Tu lisais quoi ?

Respectant sa volonté de changer de sujet, Amèrius lui tendit le périodique. Assad lut le titre de l'article en question et grimaça. Il jeta la revue sur son bureau et se leva. Les mains jointes derrière son dos, il se rendit près de la fenêtre, où il posa sa tête contre le verre glacé.

— « Sanctions contre Sultakara : le scandale du Conseil des Rois », cita-t-il. Les journaux ont fait leurs choux gras... Même après trois semaines, ils continuent toujours de crier ô combien le roi Assad se rend coupable d'un terrible crime... Terhera n'a donc rien d'autre à faire ?

Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle CristallinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant