XV - Métronome Funeste - Partie 2

9 4 0
                                    

— Merci de nous accueillir... sourit Tayitoma.

Elle s'assit sur le grand fauteuil que lui offrit la reine et ôta son chapeau.

— Excusez-nous pour notre subite demande mais... c'était urgent, voyez-vous, expliqua Dediaja.

— Ce n'est rien, voyons... Vous êtes mes invitées, déclara Lunera en se forçant à sourire.

Elle pressentait un entretien désagréable. À peine étaient-elles entrées que la souveraine souhaitait qu'elles s'en aillent vite. Déjà, elle ne supportait pas l'épaisse couche de fard que sa servante avait appliqué sur son visage pour masquer la pâleur de son visage, ne désirant pas que les matriarches se méprennent en croyant qu'elle avait peur. Et puis, les mines soucieuses des deux femmes l'inquiétaient, d'autant plus que Tayitoma n'ôtait jamais son chapeau et l'habituel regard éthéré et absent de Dediaja était marqué par une lucidité inédite.

Un majordome vint servir le thé que les deux nobles acceptèrent de bonne grâce. Elles sirotèrent leur boisson tranquillement, se complaisant dans un silence que la reine jugeait oppressant. La gorge sèche, Lunera put à peine tremper ses lèvres dans sa tasse, incapable d'avaler quoique ce soit. Une fois l'affable servant congédié, Tayitoma consentit enfin à parler.

— Nous sommes venues, commença-t-elle d'une voix grave inhabituelle, afin de vous présenter une requête... Votre Majesté.

De surprise, la reine faillit renverser sa tasse de porcelaine par terre. C'était la première fois que Tayitoma se plaçait pleinement sous la bannière de la reine Ariès. Jamais encore elle ne l'avait appelé d'une telle façon. Stupéfaite, les yeux écarquillés à l'extrême, elle guetta les pupilles jaunes de la matriarche Tayitoma, à la recherche de la moindre trace de perfidie dans son regard. Elle n'y lut qu'une sincérité pure. Lunera repensa - tristement - aux premiers conseils de Solèna lorsqu'elle fut intronisée : faire en sorte d'avoir la matriarche Tayitoma dans sa poche.

Solèna serait drôlement fière de moi...

Elle sentit un pincement au coeur en repensant à sa dispute avec la ministre.

— Poursuivez, matriarche, l'incita Ariès, presque émue.

Tayitoma posa sa tasse sur la table basse, se leva et replaça son couvre-chef sur sa tête.

— Je vous accorde, Votre Majesté, un grand respect, ainsi que la matriarche Dediaja.

Du coin de l'oeil, Lunera vit Dediaja acquiescer vigoureusement. Elle se concentra ensuite pleinement sur l'autre noble, intriguée par cette déférence qu'elle n'aurait jamais pensé obtenir de sa part.

— Dame Ariès... Les mois passés m'ont prouvé à quel point vous êtes bonne. Il se trouve que je place ma confiance en vous. Je suis certaine que vous serez capable d'apporter la prospérité à notre pays. Je doute que vous soyez éprise d'une once de mal vis-à-vis d'Arkhess.

Les anneaux rouges qui lévitaient et tournoyaient autour de la pointe du chapeau de Tayitoma s'agitaient étrangement vite. Ce n'était pas habituel chez elle. Était-ce dû au fait qu'elle dégageait une certaine appréhension ? Une angoisse qui se répercutait sur sa magie ?

Elle doit être vraiment ébranlée pour être aussi agitée... Solèna me la décrit pourtant comme ayant un sang-froid à toute épreuve...

Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle CristallinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant