XV - Métronome Funeste - Partie 3

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21 juin 1875 — Arkhess

Les deux journées qui suivirent furent les plus éprouvantes pour Lunera depuis son arrivée à Arkhess. Comme un métronome funeste, l'aiguille de son horloge se balançait, distillant de son mouvement les secondes et les minutes.

Solèna ne passa jamais et transmettait de rares informations en passant par une tierce personne. Arkh ne revint pas non plus, à son plus grand dam. Seuls Akman et Aria lui rendirent visite, mais la torpeur de la reine écourta très vite leur conversation, et ils prirent vite congé d'elle. Au final, elle passait ses journées enfermée dans ses appartements, à l'agonie avec la solitude, vieille amie qu'elle pensait avoir abandonné pour toujours.

Tante Nani lui avait envoyé plusieurs lettres, souhaitant passer au château pour s'entretenir avec elle. Inquiétude et angoisse se mêlaient dans les écrits de la pauvre dame, rajoutant davantage de tension que Lunera ne pouvait supporter. Solèna avait fermement refusé l'entrée d'un étranger au château, la sécurité déployée à son niveau maximal suite à l'assassinat de Shân.

La veille du grand jour, elle demeurait allongée sur son grand lit à baldaquin, regardant le plafond avec ennui. Le temps passait si lentement... et chaque minute prenait un malin plaisir à renforcer la terreur qui tenaillait ses entrailles. Étouffant, elle se dépêtra de ses draps et marcha pieds nus vers la salle de bain, espérant trouver un certain réconfort en se baignant dans l'eau chaude. En se noyant dedans, par exemple ?

Elle tira un riche peignoir d'une armoire où « Ariès », ce nom d'emprunt qu'elle abhorrait désormais, était brodé en lettres d'or au dos. Se demandant si elle ne devrait pas le brûler, ses pensées furent interrompues par des coups secs adressés à la porte.

Qui ça peut bien être ? Yousra ne s'embarrasse pas de toquer, habituellement.

Certaine que sa servante privée n'était pas derrière la porte, elle jeta sa robe de chambre sur ses draps défaits et alla à ouvrir. Et là, son coeur rata un battement. Un sourire sincère plaqué sur son beau visage, Arkh se tenait sur le seuil, tenant une grande malle noire sous le bras.

— Lunera, murmura-t-il.

Jamais la reine ne fut aussi heureuse d'entendre son prénom. De la bouche d'Arkh, prononcé par le timbre suave de sa voix, « Lunera » apparaissait comme une douce mélodie à ses oreilles.

— Puis-je entrer ?

Hochant la tête fébrilement, elle se poussa et laissa le major entrer dans ses appartements. Elle l'invita à le suivre et ensemble, ils s'assirent dans un des nombreux salons que la reine avait à sa disposition.

— Pardon pour la dernière fois... s'excusa-t-il, en baissant la tête. J'ai douté l'espace d'un instant. Je n'aurais jamais dû.

— Non... murmura Lunera, émue, en prenant sa main dans la sienne. C'est moi...

— Si ! C'est important... Il faut que je te le dise.

— Arkh... Ce n'est pas-

Il posa un index sur ses lèvres, lui intimant silencieusement de se taire.

— Je pense... être capable de... faire la part des choses. Darkodem est ce qu'il est... Lunera est ce qu'elle est. Bien que je le déteste, tu n'es pas responsable de ce qui est arrivé à mon père. T'accuser serait juste idiot et injuste de ma part... Et puis, au fil de ces derniers mois... J'ai appris à te connaître... Naturellement, plein de questions se bousculent dans ma tête... mais... j'ai décidé de te faire confiance. Que ce soit nos duels, notre rendez-vous d'il y a quelques jours, et tous les autres petits moments que nous avons partagé... je refuse de croire qu'il n'y avait pas d'authenticité. Ariès n'est qu'un nom... je peux m'en délier facilement. Mais au fond... acquiesça-t-il. Oui, au fond... c'est le coeur de Lunera que je connais.

Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle CristallinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant