XXIII - Clairvoyance - Partie 1

8 4 0
                                    

9/10 juillet 1875 — Arkhess

Lunera passa la journée cloîtrée dans sa chambre, malade d'angoisse à l'idée de perdre son cercle proche d'Arkhess. Alitée, elle se sentait comme brisée, incapable de faire le moindre geste. Les larmes roulaient lentement sur ses joues avant de venir mouiller ses draps. À l'agonie, elle maudissait sa propre insolence lorsqu'elle avait désiré humilier Garland.

Solèna défendit quiconque de se rendre chez la souveraine, empêchant même sa servante privée de faire son travail. En bonne amie, elle se rendit plusieurs fois à son chevet et tenta de la réconforter avec des mots doux qui n'eurent pourtant aucun effet sur elle. Aux yeux de la reine, l'amitié d'Akman et d'Aria était détruite à jamais. Sawse passa brièvement et promit à la reine de parler à Aria. Ceci dit, elle ne resta pas bien longtemps, ne trouvant que dire à Lunera, leurs rares discussions précédentes se limitant à des piques acerbes et à des flots d'insultes.

La nuit venue, Lunera ne put fermer l'oeil. Les cris d'Akman résonnaient encore dans son esprit et la laissaient pantelante de douleur. Les doutes émis par Aria malgré son envie de croire en elle furent comme un poison pour Lunera. Chaque fois que la fatigue l'emportait pour un endormissement bref, Akman et Aria réapparaissaient dans son esprit et l'accablaient de tous les maux. Elle se réveillait alors en sursaut et s'étouffait dans de nouveaux sanglots amers.

Le lendemain, peu après l'aube, on toqua à la porte. Lunera n'esquissa même pas un geste, son énergie atrophiée par les évènements de la veille. Elle entendit néanmoins le battant grincer et une personne entrer. Un minimum intriguée, le seul effort que fit Lunera pour identifier l'arrivant fut de tourner sa tête vers l'entrée de sa chambre. Qui venait donc de bon matin ?

Si c'est un assassin, qu'il me tue et qu'on en finisse...

Espérant presque voir la chevelure rougeoyante de Dlavonine, Lunera se redressa subitement, le visage harassé, lorsqu'elle vit une cascade de boucles blondes.

— A-aria ? croassa-t-elle, l'air hagard.

Emmêlée dans ses draps, Lunera gigota pour essayer de retrouver sa mobilité mais la belle Aria l'invita à se calmer. Elle franchit les quelques mètres qui les séparait, l'air honteux, toujours sous les yeux éberlués de la reine. La jeune femme s'assit près de Lunera mais ne croisait toujours pas son regard.

— J-je ne m'attendais pas... à vous voir, murmura la reine.

— P-pardon... bégaya Aria. Je n'aurais pas dû venir vous déranger aussi tôt, mais je... je n'arrivais pas à dormir et, je...

Accrochées à ses lèvres, Lunera était presque fébrile. Tout à coup, Aria se retourna subitement. Elle avait les yeux rouges.

— Vous devez être vraiment très fâchée contre moi, lâcha-t-elle, sa voix tremblant légèrement.

Lunera ouvrit sa bouche en un « O » parfait et plaqua ses mains devant. Elle ferma fort ses paupières, se jurant de ne pas pleurer.

— A-aria... Comment... comment pouvez-vous dire ça ? parvint-elle à articuler.

Elle prit ses mains dans les siennes et les serra à en couper sa circulation sanguine.

— C'est moi qui doit craindre votre colère, murmura-t-elle. C'est moi qui vous ait menti... C'est moi qui vous ait trahi... Je m'en veux... tellement !

Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle CristallinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant