ÉPISODE 68 - (partie 3/4)
À dix-neuf heures passées de la demie, n'ayant aucune nouvelle de Red, Dean, un peu inquiet, s'apprêta. Il s'était offert une tenue spécialement pour l'occasion. Le standing élevé du Golden River impliquait que l'on fasse des efforts. Red lui avait assuré sa présence ; sans doute le rejoindrait-il directement sur le lieu du rendez-vous.
Ses pensées avaient repris leur forfait « Obsession », alimentées par sa culpabilité. Seulement, cette dernière n'était pas due qu'à sa maladresse à l'endroit du chanteur. Elle venait aussi de la méthode employée pour « soudoyer » son pardon. Parce qu'il ne le demandait pas dans les règles de l'art, il arnaquait son comparse.
Le fait était qu'il donnait carrément dans un de ses anciens vices : en mettre plein les mirettes à la personne qu'il espérait amadouer. Dean savait biaiser la réaction de ses interlocuteurs en créant des conditions qui les rendaient enclines à revenir sur leur discours. Il provoquait des circonstances qui les poussaient malgré eux à changer d'attitude à son égard. Or c'était aussi le modus operandi d'un pervers narcissique.
Il connaissait les arcanes d'une certaine forme de manipulation. C'était un basique de son éducation Leblanc. Et il culpabilisait parce qu'il l'appliquait à cet instant sur Red. Il se détestait un peu d'agir ainsi, en connaissant les antécédents de l'autre. Cependant, il se trouvait dans une impasse et ne voyait aucune alternative que celle-là.
Que Red en soit venu à le comparer à un connard d'ex l'ulcérait. Il avait à cœur de faire les choses bien, et pourtant, sa démarche restait paradoxalement blâmable. Mais il était hors de question que Red continue à le superposer à cet enfoiré qui l'avait jeté pour un blond !
Dean grogna, agacé de retenir jusqu'à ce genre de détail. L'heure qui défilait l'obligea à s'activer. Il s'assura tout de même de connaître la position de Red, alors qu'il apportait une dernière touche chic à sa tenue. Son ami décrocha en pleine hilarité, et il vécut un moment de solitude. Sans doute aucun, Red passait du bon temps avec sa « charmante compagnie ».
— Dean, qu'est-ce qu'il y a ?
Il y a que je ne te vois pas rentrer et je m'inquiète. Ne pouvant décemment rétorquer cela, il sortit le premier mot qui passa dans les parages de son esprit tourmenté :
— Rien.
« Peux mieux faire, Dean. »
C'était ce qui arrivait quand on parlait ou agissait sans réfléchir. D'ailleurs il en eut pour ses frais, lorsque Red répliqua :
— Pourquoi tu m'appelles, dans ce cas ?
Silence. On le disait d'or, après tout. Red en conclut ce qui l'arrangeait.
— Non... je te manque !
— Si ça peut te faire plaisir de le penser, grommela Dean.
— T'inquiète pas, tu ne te sentiras plus seul dans quelques minutes. À ce propos... je ne serai pas seul, dit Red d'une petite voix coupable.
— Comment ça ?
Dean sentit grimper son énervement. Le dîner était un tête-à-tête. Red devait bien s'en douter, puisque les excuses que l'un devait à l'autre en étaient le motif. Se ramener comme une fleur avec de la compagnie – de la « charmante » compagnie, pardon ! – n'était pas compatible avec le but de cette soirée.
« J'entends comme de la jalousie. »
Qu'elle entende ce qu'elle voulait, cette foutue petite voix ! Dean jugeait son irritation légitime. Ceci dit, ce n'était peut-être pas plus mal ainsi. Un troisième parti éviterait de donner à ce rendez-vous une connotation « galante ». Mieux valait éviter de renflouer le budget des films d'un individu prompt à simuler un couple avec lui à la moindre occasion. Il soupira néanmoins à s'en fendre l'âme.
VOUS LISEZ
HOT CHILI - saison 3
Romance. Il arrive que romance rime avec vengeance. C'est ce qu'apprend Red, lorsque son amour à sens unique pour Dean s'épanouit dans la vendetta. Résolu à ruiner la réputation de Sloan en s'aidant de coups de poing...