ÉPISODE 66 - (partie 1/4)
De loin, Red observait l'homme qui vociférait ses directives. Il se demanda comment Dean s'y prenait pour être sur tous les fronts. Cela ressemblait un peu à travailler avec Will, la terreur en plus. Malgré son perfectionnisme, le créateur savait faire preuve d'indulgence lorsqu'on commettait quelques écarts, du moment que le résultat final répondait à ses exigences. Dean en était dépourvu.
Avec lui, on obéissait. Point. Même si on ne comprenait pas, même si on avait une vision différente de la sienne, on n'avait le droit d'argumenter qu'après avoir exécuté ses ordres. Là encore, il n'était pas question de le contredire. Étrangement, il ne coupait pas la parole, au début. Il laissait l'autre exposer son point de vue, défendre son avis, quitte à le valider d'un « on peut faire cela, oui ». La seconde suivante, il le démontait d'un impitoyable « mais si on te suit, il me sera impossible de faire ceci ».
Dean avait ce don horripilant de démontrer par « a + b » l'ineptie d'idées de prime abord intelligentes. Et le bougre ne s'embarrassait pas de tact pour épargner des egos. À la seconde proposition « géniale » mais incompatible avec l'avancement de son projet, il castrait son interlocuteur du droit à la parole, estimant qu'il limitait ainsi les pertes de temps.
Red était fasciné par sa capacité à appréhender la globalité du chantier. Il n'avançait pas par étape mais visualisait la finalité, de telle sorte qu'aucune directive n'était superflue, bien que certaines de ses indications paraissent très aléatoires. Discuter ses ordres pouvait sembler légitime, sur le moment, mais ç'avait surtout le chic pour l'irriter. Et un Dean irrité, personne n'aimait s'y frotter.
Ceci dit, prendre le risque de le contrarier, alors qu'on n'ignorait pas ce trait de caractère, dénotait d'une relative inconscience, songea Red. Il n'y avait que lui qui y prenait un certain plaisir, parce qu'il était lui. Quoi qu'il en soit, Dean maîtrisait son travail. En comparaison à sa première expérience au Saunes Town Dome, il était plus à l'aise ; son regard, plus évaluateur. Il gérait mieux la répartition des tâches. On se souvenait encore d'un homme qui avait viré la moitié du staff, excédé par « l'incompétence de bras cassés ».
Il n'empêche qu'il gagnerait à napper ses réponses d'un glaçage de tact. Mais au fond, il était fidèle à lui-même. On avalait la chose en serrant les dents, ou on sortait de table. Voilà deux jours qu'il servait ce plat aux techniciens backliners et aux équipes scénographes. Red entendit quelqu'un grommeler.
— Pour qui il se prend ? Je monte des scènes depuis des années. D'où qu'il me sort que mon incompétence est un boulet à sa cheville !?
Peut-être devait-il intervenir, pensa Red. Il ne voulait pas que son expérience du Sev'n club soit entachée de rancœur ou d'aigreur. Aujourd'hui, en particulier, il aspirait au fun, à la bonne humeur générale. Dean allait diluer son vin. Il le fallait, sinon... Ne pas y penser.
— Ça avance bien ?
La réponse de Dean fut un parangon de laconisme.
— Ça avance.
Red insista :
— Bien ou pas ?
Dean soupira :
— Andy, je travaille.
— Raison pour laquelle je joue les inspecteurs de travaux en cours. C'est ma scène, je veux m'y sentir chez moi.
Dean le dévisagea. Il occultait parfois qu'il ne l'impressionnait guère. Il consentit à développer.
— Ça avance bien.
Le chanteur observa néanmoins que ça râlait de tous côtés. Il s'impatienta.
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HOT CHILI - saison 3
Romance. Il arrive que romance rime avec vengeance. C'est ce qu'apprend Red, lorsque son amour à sens unique pour Dean s'épanouit dans la vendetta. Résolu à ruiner la réputation de Sloan en s'aidant de coups de poing...