ÉPISODE 73 - (partie 2/4)
Allen pesta contre le site qui l'obligeait à se taper une séquence publicitaire avant d'accéder à la vidéo. C'est avec un plaisir malsain qu'il appuya sur « ignorer l'annonce ». Il n'avait pas encore viré maso pour supporter une minute trente de pure provocation. Si cela ne dépendait que de lui, il brûlerait les SO.Y.Shoes© !
À cause de cette histoire, il jouait au funambule avec Dan Leblanc. Ce dernier l'incitait à déposer une plainte contre le créateur Will Malroy, pour avoir utilisé l'image de son affiche de campagne à des fins commerciales déloyales. Seulement, il était exclu que la moindre procédure pénale implique de près ou de loin – de très loin – Red Kellin. Or ce bellâtre avait participé au métrage promotionnel.
D'autre part, le créateur justifiait sa démarche d'une manière si excentrique que lui intenter un procès serait néfaste pour son image, encore policée jusqu'ici. Allen avait perdu le décompte du nombre de fois qu'il avait décortiqué la vidéo d'interview de Will Malroy, à l'occasion de la sortie de sa nouvelle ligne de chaussures. Aujourd'hui encore, il cherchait une prise à laquelle se raccrocher ; un dérapage sur lequel rebondir pour se débarrasser de l'insistance de Dan. En vain. À l'écran, le fât répondait au journaliste.
— Pourquoi avoir choisi cette affiche sénatoriale ? Pourquoi pas une autre ?
— Pourquoi pas celle-là ? Peu importe l'affiche, je l'ai choisie parce que c'est dans l'air du temps. Ses couleurs sont très esthétiques. Mon choix est purement artistique. J'ai le beau en admiration. Je me suis demandé : « comment inclure un moyen de datation dans cette pub ? » La démarche est atypique, mais j'ai envie de la voir vieillir. Je veux que plus tard, les gens se disent : « c'est vrai que les SO.Y.Shoes® ont été mises en rayons lors des sénatoriales de telle année. Sloan, je veux dire, AVDL était aussi candidat ». Ça fera une belle anecdote.
— Vous l'appelez Sloan en soutien à Red Kellin ?
— Ne voyez là qu'un lapsus. À force de travailler avec Red-caramel, on finit par acquérir ses tics. Il passe sa journée à nous rabâcher qu'Allen s'appelle aussi Sloan, et ses jérémiades frisent la lobotomie ! Mais je ne pense pas qu'AVDL soit homme à se formaliser de ce genre de chose...
— Je t'en foutrai, moi, « d'homme à se formaliser » ! grinça Allen.
— ...Il me semble qu'il fait preuve d'indulgence et d'ouverture d'esprit. Il nous le prouve une fois de plus, en ne déposant aucune plainte.
— Mais admettez que vous utilisez son image hors du cadre légal. Il peut saisir la justice pour faire valoir son droit à l'image. Ce serait tout à fait légitime.
— Je n'ai pas été contacté par son service de presse. Nous aviserons à ce moment-là. Et si vous voulez tout savoir, c'est passé crème au comité de censure. Il n'y a pas lieu d'y voir une forme de provocation. Pensez-vous vraiment que j'aurais entrepris cette démarche s'il y avait un risque que cela nuise à ma création ?
L'imbécile était culotté. Allen comprenait que Dan veuille le remettre à sa place. Mais la réputation de ce créateur était celle d'un homme extravagant et de compagnie dangereuse. Sous-couvert de sa fibre artistique et de la mode, il se permettait des libertés déplacées et faisait des adeptes. Les uns verraient une armée de fashion-victimes qui lui vouaient un culte, pour Allen, cela restait des électeurs potentiels.
Cependant, il n'était pas dupe. Ce type était forcément de mèche avec Red. Sauf qu'il ruinerait sa crédibilité politique s'il s'impliquait encore dans une affaire avec des peoples. Plus frustrant encore, le Canal 3, grosse chaîne à l'échelle nationale, diffusait en entier le spot où apparaissait furtivement son visage. Malgré l'intervention de Jonathan, le comité de censure était impuissant face au propriétaire, MIP et riche comme Crésus par-dessus le marché.
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HOT CHILI - saison 3
Romance. Il arrive que romance rime avec vengeance. C'est ce qu'apprend Red, lorsque son amour à sens unique pour Dean s'épanouit dans la vendetta. Résolu à ruiner la réputation de Sloan en s'aidant de coups de poing...