HOT CHILI - saison 3

S03 - EP 03 △ part III

ÉPISODE 63 - (partie 3/3)

— J'ai les mêmes.

Le garçon pointa la paire de chaussures écrues sur le panneau publicitaire de l'abri bus.

— Déjà ? Ils viennent tout juste de sortir, ça doit coûter cher !

Ce devait être sa petite amie, vu les airs importants que se donnait l'autre à son côté, se dit Nicolas.

— Les moins chères sont à trente dollars, et sont aussi résistantes que des All-black®.

Sa copine parut sceptique. Les All-black® authentiques donnaient dans les 70 $.

— Va vérifier, si tu doutes. Ils ont ouvert un magasin W.M. au deuxième niveau du Triforium, dit-il en désignant la direction du centre commercial.

— C'est maintenant que tu me le dis ? s'indigna la jeune fille. Ça fait un moment que j'y ai pas mis les pieds. Faut que je fasse du repérage pour les prochaines soldes. On y va ?

Le garçon ne sembla pas très motivé. Elle fit la moue. Pourquoi lui en avoir parlé si c'était pour se désister ?

— Mon bus va pas tarder, avança-t-il. J'habite pas la porte à côté.

— Il passe jusqu'à vingt heures, ton bus. Allez, s'il te plaît !

L'autre capitula. Nicolas remua mentalement la tête. Les filles... Marine aussi était comme ça, à toujours s'attendre à ce qu'il cède, sinon elle faisait la gueule. Penser à son ex le rembrunit. Ça le sciait qu'une nana aussi banale ait tourné une pub avec Red Kellin ! Comme si elle avait eu vent de ses pensées, la fille demanda :

— T'as vu la pub en entier ?

— Ouais, elle est trop marrante, répondit son copain. Surtout l'histoire de SHAME ON YOU SLOAN. En vrai, ça vient d'où ce truc ?

— C'est sûrement un autre placement produit à la Red Kellin.

Les deux lycéens s'éloignèrent de l'arrêt, mais leur conversation parvint à Nicolas.

— Il a refait le coup au festival de la montgolfière. J'y étais.

— T'aurais dû m'inviter, se plaignit le garçon.

— J'étais avec ma daronne. T'es pas bien, toi !

Voilà qui confirmait l'hypothèse du couple, pensa Nicolas, avant de s'agacer de laisser trainer ses oreilles auprès d'inconnus. Seulement, le sujet ne pouvait que l'interpeller. Si les nouvelles chaussures de Will Malroy se prévalaient de la même qualité que des All-black® pour moitié moins chères, elles étaient un must have. Aussi bien pour un confort de budget que pour rester branché, comme le disait la vidéo promotionnelle.

Cependant, ces règles de fashionista ne régissaient pas la vie de Nico. Lui était moins intéressé par l'item (bon OK, la paire noire avait sa préférence), que par le mannequin à l'affiche. Les traits masqués du jeune homme ne l'empêchaient pas de le reconnaitre.

Blond, assis à même le sol dans la position du lotus, entouré d'une dizaine de paires de chaussures, il tenait un livre à hauteur des yeux, qui ne laissait entrevoir qu'un sourire en coin espiègle. La quatrième de couverture était frappé d'un logo désormais familier : un « W » faisant face au « M » de son reflet inversé dans un miroir.

Nu-pieds, le modèle coinçait entre son gros orteil droit et son voisin le pan de la chaussure bleu marine, et à son cou, la paire écrue était suspendue par les lacets attachés derrière sa nuque. Au bas de l'affiche, un slogan publicitaire du genre controversable ne manquait pas d'humour. Du moins, pour qui adhérait à celui de Red Kellin.