ÉPISODE 61 - (partie 1/3)
Si un mot devait définir Dean Leblanc, serait-ce « curiosité » ? Serait-ce « obsession » ? Ou alors « perspicacité » ? Ce n'était sûrement pas « altruisme ». L'altruisme de Dean était très sélectif. L'altruisme de Dean était égoïste. Si cet homme était un mot, il serait « acharnement ». Et les victimes de cet acharnement apprendraient à leurs dépens à quel point il était endurant.
La première était Red Kellin, qui ne pouvait que s'en prendre à lui-même. Déranger la quiétude mentale de Dean, troubler sa paix des méninges, ruiner sa sérénité d'esprit, avait un prix à payer. Et quoi qu'il dise, Dean restait un Leblanc authentique. Il s'assurait toujours que ses débiteurs s'acquittent de leur dette.
Pour ce faire, il avait entrepris un travail minutieux, un travail de fond. Afin de cerner le problème auquel il était confronté, décortiquer des pans entiers de la psyché de Red s'imposait. Il lui fallait appréhender le mécanisme de ses pensées. Aussi ses écouteurs-casque lui susurraient la discographie des Beat'ONE, tandis qu'il feuilletait un vieil hors-série du magazine Da Rock® réquisitionné à Rudy.
C'était la mi-mai. Le temps était estival, dans la logique d'un printemps précoce des suites d'un hiver doux. Cela augurait un été très chaud. Pénard sur un transat, faisant bronzette, s'adonnait à une étude minutieuse de l'inspiration du chanteur préféré de son fils.
Des récents singles, seul WERWOLVES avait été explicité. Maintenant qu'il savait les circonstances de sa création, Dean réalisait à quel point Red était sournois et un tantinet dangereux. Il était fort possible que tout ce qu'on lui révèle finisse en chanson, un peu à la manière de ces auteurs qui recyclaient les anecdotes de leur entourage pour en faire les intrigues de leurs romans.
Pour preuve, ALL HER DOING parlait des femmes qui gravitaient autour des Beat'ONE. Une sacrée sélection de chromosomes X avec Sacha, intenable et passionnée, Hana, piquante et espiègle, Rebecca, matrone et future mère... Dean se garda d'occulter Peneloppe, fraiche et indispensable. Les Beat'ONE Girls s'étaient passé le mot pour rivaliser en bizarrerie, défiant les hommes de suivre la cadence.
Quant à BETRAYAL, nombreux pensaient qu'elle concernait le rapport Red/Jonathan. De fait, la chanson mettait en exergue la trahison de Sloan. Il apparaissait que Red avait croisé cet enfoiré bien avant la sortie du single l'ayant précédé. La conclusion que Dean en tira lui fit froid dans le dos. Depuis « l'affaire du tag », les scandales de la rockstar ne visaient qu'à attirer l'attention de l'odieux connard qui ne l'avait pas reconnu.
— Andy avait tout prémédité. On a vraiment échappé au pire, maugréa-t-il avant de jeter son dévolu sur l'album RENOVATIO.
Il jugeait MACULA trop vieux et d'une réalisation un brin immature, bien qu'il n'en nie pas la qualité artistique. L'un avait été écrit par un jeune adulte se détachant à peine d'une adolescence tumultueuse. L'autre était l'œuvre d'un homme plus rodé à l'adversité. Aidé des explications curieuses, affligeantes, amusantes, anecdotiques, et fort intéressantes du vieux numéro de presse musicale, Dean fit une lecture de RENOVATIO très unique.
Piste 1 – HOT CHILI : une chanson pour émoustiller la midinette. Red avait eu le culot de chanter son fantasme en l'alliant au chili con carne.
— Un génie stupide, grogna Dean. Tout un art !
Il l'avait mauvaise de les savoir, son fils et lui, muses d'une telle ineptie. Point de Sloan.
Piste 2 – PURGATORY : au message plutôt pertinent. Red dépouillait les travers de la société qu'il comparait au purgatoire. Le musicien espérait écrire des lyrics dont on ferait plusieurs interprétations très différentes, un peu à la manière de John Cerni. Dean sourit.
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HOT CHILI - saison 3
Romance. Il arrive que romance rime avec vengeance. C'est ce qu'apprend Red, lorsque son amour à sens unique pour Dean s'épanouit dans la vendetta. Résolu à ruiner la réputation de Sloan en s'aidant de coups de poing...