ÉPISODE 75 - (partie 2/3)
L'allure féline, l'homme se rapprocha des gradins. La cérémonie de graduation se déroulait sur le court extérieur de tennis. Il releva les bords de sa capeline pour dégager son champ de vision, et chercha la bonne place. Il sentait le regard et les doutes de la foule.
Son couvre-chef féminin avait tendance à tromper l'œil, sans compter ses longues jambes de mannequin gainées dans le similicuir de son pantalon corsaire skinny. Sa chemise de soie blanche n'était pas non plus un modèle masculin, mais il l'avait choisie pour sa légèreté par ce temps chaud. Quant à ses bottes spartiates en cuir noir, elles brouillaient définitivement les pistes sur son sexe.
Dean fronça les sourcils et songea que si l'on voyait à peine le visage du nouveau venu, on ne pouvait néanmoins dire qu'il était un modèle de discrétion. Tout chez lui hurlait « regardez-moi ! ». Il sourit pour lui-même, ravi de constater que même affublée de manière très androgyne, pour ne pas dire féminine, la silhouette du jeune homme ne parvenait plus à le duper.
Il semblait que son fils, au bas de l'estrade plus loin, n'ait pas remarqué l'individu qui remontait à présent la petite allée de marches. Rudy savait-il que son chanteur préféré assistait à sa remise de diplôme ? Red s'assit à sa droite sans piper mot, et Dean ressentit avec force le poids des regards sur leur personne. On s'attendait à ce que l'inconnu retire sa capeline, mais avec le soleil qui gagnait en intensité, il n'en fit rien. Il était peut-être temps que débute cette foutue cérémonie avant qu'ils ne rôtissent tous sur leur banc !
— Bonjour, Andy.
— Tu m'as reconnu, s'en amusa Red.
Je te reconnaitrais entre mille.
— Rudy et toi vous êtes entendus sur ta présence ?
— Oui et non. Mais ça va commencer, on en discute plus tard.
Dean fit la moue. Ils n'étaient pas les seuls à discuter. Certains cassaient les oreilles de leurs voisins en vantant les prouesses de leur petit dernier, qui prendrait la relève de leur premier né qui finissait son lycée avec une mention « excellent » et une très bonne appréciation du directeur en personne. De quoi inspirer des « ta gueule ! » que la bienséance refusait que l'on exprime.
Karl Duvall tint enfin son discours pompeux, bilan d'une belle année scolaire, assorti de consignes pour l'avenir des futurs diplômés. Les bientôt ex-lycéens se succédèrent sur l'estrade, pour recevoir félicitations et bout de papier enrubanné, officialisant leur fin d'études secondaires.
D'aucuns eurent droit à une mention spéciale pour leur implication dans les activités scolaires ou communautaires, et les scores les plus émérites furent plébiscités. La cérémonie se termina sur un discours du major de tous les douzièmes grades et une ovation générale. Enfants et parents purent enfin se serrer dans leurs bras. Ça dégoulinait de bons sentiments.
Presque en retrait, Red avait l'impression d'assister aux interactions sociales d'une faune exotique. Des photos par ci, un buffet froid par là, on se congratulait dans une ambiance festive. Les uns criaient leur joie d'être enfin en vacances, les autres discutaient avec le corps enseignant de leur « petit dernier », et Rudy rejoignait enfin son père après avoir échappé à sa bande de copains.
— Il est populaire ton gamin, remarqua Red.
Et pas que le gamin, pensa-t-il, en réalisant que Dean ne l'écoutait pas. L'homme s'était fait alpaguer par un groupuscule de bonnes femmes, qui avaient toutes un mot gentil à son égard ou un avis sur on ne savait quel sujet trivial à lui donner. Elles minaudaient et souriaient de toutes leurs dents devant Dean, visiblement gêné.
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HOT CHILI - saison 3
Storie d'amore. Il arrive que romance rime avec vengeance. C'est ce qu'apprend Red, lorsque son amour à sens unique pour Dean s'épanouit dans la vendetta. Résolu à ruiner la réputation de Sloan en s'aidant de coups de poing...