S03 - EP 05 △ part I

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ÉPISODE 65 - (partie 1/4)

Dean dévisagea son portable et se demanda pourquoi il ne cédait pas à la pulsion de le déposer tout doucement dans la poubelle publique non loin. La perspective de joindre tous ses contacts pour leur communiquer son nouveau numéro l'en dissuada. Il avait trop d'affaires en cours. Trop d'affaires importantes. Le timing était mauvais pour effectuer ce genre de changements. Il remit cette pensée à plus tard.

La pub des SO.Y.Shoes® avait créé un raz-de-marée de controverses doublé d'un phénomène de mode. Conséquence : un sérieux harcèlement téléphonique. Propositions d'embauche, félicitations, reproches, remontrances, menaces, chantage, groupies... Mais ce n'était pas encore le moment de sortir les crocs. Pour l'instant, il devait divertir le public, amuser Vince, faire chier Dan et surtout faire rire Red. Car à l'heure de la mise à mort, personne ne rirait. Personne.

La chaussure se vendait bien. Très bien même, selon Will. La principale clientèle était jeune. Du préscolaire au lycéen, tous brillaient par le mode sandale maintenant que les journées se faisaient plus chaudes.

L'ambition de Will était de ne pas créer de syndrome « mouton ». Dean s'était retenu de lui demander en quoi cela importait à un créateur, que tous s'habillent de la même façon, du moment que ses créations étaient portées ? Mais le délire de l'homme était responsable du nombre élevé des modèles et de leurs fonctionnalités différentes. Avec ses couleurs et les mix de matières que Will avait testés, les SO.Y.Shoes® faisaient une apologie à la diversité.

Il était rare d'avoir un panel de choix aussi large pour un seul item. Chacun y trouvait son compte, avec une fausse impression d'individualité, de démarcation, alors qu'on était pourtant logé à la même enseigne. Chez W.M. Quoi qu'on en dise, les consommateurs, tels des moutons justement, dormaient tous dans la même étable. Une belle bergerie nommée S.O.Y.S©, désormais conceptualisée, avec pour berger un certain Will Malroy et malheureusement pour bâton, un Dean Leblanc.

L'avidité artistique du créateur l'avait poussé à créer une plate-forme de conception accessible depuis le site renovatioconcept.com. Le principe était simple : on « dessinait » puis on s'offrait sa chaussure de rêve. Il s'agissait de customiser son article, après l'avoir choisi parmi les paires montantes, basses, les escarpins avec ou sans plate-forme, à bout pointu ou rond, façon modèle de ville, casual ou chic.

Venaient ensuite quatre étapes. Redessiner le modèle par une découpe différente dans la limite des choix possibles. Sélectionner la matière et les couleurs de chaque partie (talon, semelle, doublure). Accessoiriser en rajoutant des textures, des boucles, des broches, de la fourrure, des fermetures zip, des clous ou studs, de la paillette ou de l'imprimé. Fixer sa pointure et se la faire livrer.

Seulement, il fallait y mettre le prix. Ce service spécialisé avait un coût et était destiné à une clientèle ne lésinant pas sur les moyens : stars, ressortissants de la Jet-set, classe aisée, population active. Ces paires uniques au monde donnaient facilement dans les 300 $ et pouvaient monter jusqu'à quatre chiffres, voire plus si affinité luxueuse.

Tout cela arrangeait les affaires de Dean. Le comité de censure ne pouvait restreindre la publicité d'un commerce aussi affriolant. Certainement que les femmes de ces messieurs castrateurs de l'audiovisuel veillaient au grain... Désormais, la télévision s'en donnait à cœur joie. Certes, pour cause de normes, toute la pub n'était pas diffusée dans sa globalité, créant ainsi une relative censure. Mais internet faisait son job.

Pour l'instant, il n'y avait eu aucun mouvement du côté de Sloan, malgré l'attaque ouverte. De quoi conforter Dean dans ses positions. Ceci dit, il marchait plus à l'intuition en ce moment qu'à la conviction. Bien sûr, sa collaboration avec Will partait d'une démarche réfléchie, élaborée ; mais tout miser sur une paire de chaussures relevait quand même du coup de tête. Quoique cela ait impliqué un travail de conception basé sur une étude de terrain marketing en amont.

HOT CHILI - saison 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant