HOT CHILI - saison 3

S03 - EP 10 △ part II

ÉPISODE 70 - (partie 2/3)

— C'est bien toi, Andy, insista Ralph. Ne me fais pas croire le contraire, je suis sûr de t'avoir reconnu. Andy Rell, c'est bien ça ?

— Vous vous méprenez, il s'agit de Red Kellin, fit Dean.

Sans état d'âme, il retira d'un seul geste la capuche du sweat-shirt et le bonnet de Red. Une cascade écarlate se répandit sur les épaules du chanteur puis recouvrit son dos. Ralph manqua de faire choir son fardeau de dossiers. Les employés qui sillonnaient le couloir ralentirent le pas et contemplèrent, médusés, la célébrité de dos. D'abord interdit, Heath fit comprendre d'un regard qu'ils n'étaient pas bienvenus. L'attitude hostile de Dean finit de les convaincre de tracer leur route. Cela n'empêcha que tous les prétextes furent bons pour un détour du côté de l'espace d'attente avant de rejoindre les ascenseurs.

— À quoi tu joues ? murmura Red.

— Je te retourne la question, répondit Dean.

Red le supplia du regard. Dean s'irrita. Depuis quand était-il si impressionnable ? À vrai dire, son agacement était motivé par un ego lésé. Il n'en revenait pas que Red tremble face à l'autre espèce d'armoire à glace alors qu'il n'avait jamais frémi devant lui ! Sauf dans ces moments malheureux où il superposait sur lui le souvenir de Sloan. Bilan : ce trou du cul d'AVDL effrayait Red lors de ses crises d'angoisse ; l'inconnu au regard turquoise l'intimidait alors qu'il était lucide ; Dean en mode berserk n'y arrivait pas. Ou à peine.

Red avait beau se pétrifier face à ses colères olympiennes, une part de lui s'en amusait puisqu'il récidivait, encore et encore, en le poussant dans ses retranchements. Le chanteur le mettait en rogne avec une facilité déconcertante, pour le « plaisir » de réveiller ses forges ou ses foudres. Clairement, cela foutait un coup dans les parties de son égo viril, quand on voyait la charpente « cassable » de l'énergumène qui lui tapait sur le système.

Cependant, une donnée importante était à considérer. À l'instar de Sloan, cet homme avait connu Andy. Pour impressionner ou terroriser ce dernier, ils avaient en commun un passif traumatisant avec l'adolescent ou le jeune adulte. Andy Rell se réfugiait dans les pattes de Dean par peur – de quoi mettre un peu de baume à l'égo blessé –, mais Red Kellin avait largement les ressources pour les envoyer paître... ou ad pâtres. Dean en était convaincu et ne tarda pas à en voir la preuve.

Red lança un regard courroucé à l'homme qui venait de ruiner sa couverture et l'embarrasser en public. C'était un coup à niquer une réputation classe de star. Surtout devant l'autre abruti à deux balles. Tu parles d'un allié ! Sa colère répondant en écho à celle de Dean, il la laissa s'exprimer. On ne dirait pas de Red Kellin qu'il avait fait dans son froc devant un ridicule bibendum dopé à la gonflette ! Il avait voulu éviter le problème, mais maintenant qu'il était contraint de l'affronter, il allait le fracasser. Il servit un regard mauvais à son traitre d'ami puis se tourna vers Ralph.

— J'aimerais te dire que ça me fait une belle jambe que tu m'aies reconnu, mais j'ai déjà de belles jambes, dit-il, dédain fait homme. J'évite en général qu'on me reconnaisse pour avoir la paix. Ça n'a pas traversé ton esprit étriqué ? Maintenant on nous dévisage comme des bêtes de foire. Satisfait, Ralph ?

Au passage, il toisa les trainards qui eurent la décence de déguerpir. Son irascibilité était dissuasive. Ralph en perdit son latin.

— Euh...

La subite transformation l'avait laissé sur le cul. Mais plus que tout, il peinait à encaisser ce qu'il avait sous les yeux. Red Kellin était Andy Rell ! Ou plutôt l'inverse. Ce moineau perdu auquel il s'était attaché par pitié puis affection, qui s'était finalement avéré un cas désespéré, psychologiquement perturbé en plus d'être un gouffre financier, avait percé dans la musique. Il lui était difficile de réaliser que la coquille vide qu'il avait connue était aujourd'hui adulée de tous.