Chapitre 2 (2)

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Estomaquée, Athénaïs restait muette. La jeune femme en face d'elle lui livrait en long, en large, en diagonale et en zigzag les détails de sa relation avec Thibault, devant ce dernier qui était tout aussi interdit qu'elle.

Julie. Ce seul nom donnait de l'urticaire à Athénaïs pourtant très confiante en elle. Elle était l'Ex ultime de Thibault, celle qu'il avait failli épouser et qui était devenue, au fil des confidences de ce dernier, son ennemie jurée, malgré elle... Cette Ex-là était en train de lui raconter qu'elle couchait avec son petit ami depuis quatre mois. Athénaïs ne savait comment réagir.

La rivale effrontée au teint un peu plus clair que le sien et aux cheveux courts colorés en blond platine avait déboulé comme une furie après avoir sonné puis frappé à l'appartement. Puis elle s'était rendu compte de la présence d'Athénaïs. Elle était repartie. Puis revenue demandant s'ils étaient réellement ensemble. Puis repartie. Puis revenue pour de bon, prête à exploser.

Il apparaissait que Thibault n'avait jamais vraiment rompu avec Julie. Ou il ne l'avait pas fait de manière claire. C'était plutôt ça, puisqu'Athénaïs avait déjà rencontré ses frères et sœurs et cousins, son père et sa mère ! Tout au long du récit de Julie, cette dernière essayait de s'en convaincre pour ne pas s'effondrer.

« On pouvait aller voir ailleurs, je l'aidais à draguer... C'est un peu bizarre mais on arrivait à s'arranger comme ça. »

« La seule chose qui était interdite, c'était toi. Désolée, ce n'est pas vraiment contre toi, mais je ne t'aime pas. »

La vérité était que Thibault et Athénaïs avaient eu un précédent avant Julie. Mais il n'avait pas abouti, Athénaïs s'étant détournée du jeune homme qu'elle jugeait trop volage. Ils s'étaient même embrouillés (déjà, à l'époque !) et il avait fini par sortir avec Julie qu'il avait laissée en seconde option et qui, pendant ces cinq longues années avec lui, était restée très jalouse d'Athénaïs sans qu'elle n'en eût conscience.

Cinq ans à penser qu'elle n'était que deuxième. Comment lui en vouloir ?

« Je pensais qu'on se réconciliait. Mais quand j'ai vu qu'il venait me voir puis repartait direct, j'ai fini par lui dire que je n'étais pas sa pute ! »

Athénaïs avait mal au cœur pour Julie, mal au cœur pour elle-même. Néanmoins, les larmes ne parvenaient pas à monter. Devant Thibault et Julie, il lui semblait que sa fierté et sa rage la retenaient physiquement de craquer.

Thibault ne bronchait pas un mot devant ce déballage et elle ne savait pas si ça la blessait ou non. Au moins ne mentait-il pas inutilement. Avec douleur, elle constatait qu'il n'osait pas même lui couper la parole. Lors de leurs disputes à eux, il se plaisait à lui répondre, lui rappeler son manque d'expérience dans le domaine des relations amoureuses, et elle ne savait que rétorquer car c'était la réalité. Julie, elle, n'avait de leçons à recevoir de personne. C'était une femme belle et libre qui pouvait remplacer Thibault par le premier venu. Seulement elle ne le souhaitait pas car elle l'aimait, c'était tout.

Que penser, que dire...

« Bon, voilà ce que j'avais à dire. Je vous laisse discuter entre vous. »

Elle se leva avec vivacité du canapé où ils étaient tous trois assis, tourna les talons et partit la tête haute, sans même claquer la porte.

Toujours perdue, Athénaïs se leva à son tour, avec lenteur.

« Elle dit n'importe quoi. »

Le murmure provenait d'un Thibault qui semblait avoir retrouvé sa langue. La déception grandit en Athénaïs. Il avait attendu que Julie partît pour nier en bloc. C'était pire que ce qu'elle croyait ; quelle lâcheté ! Toujours silencieuse, elle enfila son manteau et saisit son sac à main.

« Athénaïs, tu ne vas quand même pas croire cette jalouse ! »

Elle le considéra une dernière fois celui qu'elle avait cru être son meilleur ami et en qui elle avait aveuglément eu confiance. Dix ans de prétendue amitié pour ça. Les yeux de ce traître étaient pourtant si brillants de larmes en cet instant qu'elle aurait pu croire à un regret profond de ses actes. Il s'était levé.

« Athé... » souffla-t-il en la prenant dans ses bras.

Brutalement excédée par la fausseté du geste, l'interpellée le repoussa violemment.

« Tais-toi.

— A...

— Tais-toi ! Ne prononce plus jamais mon nom. » martela-t-elle dans sa colère froide.

Elle tremblait de tout son être, de rage et de tristesse. D'habitude, il haussait le ton et ils commençaient à s'insulter de tous les noms mais cette fois-ci, il se tut devant ses yeux étincelants de fureur.

« Ah, au fait, je vais te le dire clairement, moi : c'est fini, pour de bon. Ce n'est même pas la peine de me rappeler. » annonça-t-elle d'une voix ferme.

Elle quitta l'appartement en trombe, se maudissant d'avoir pu être aussi naïve. Les larmes qu'elle avait gardées en elle, embuaient doucement sa vision. Elle commença à repenser à tous les éléments qui auraient pu la mettre sur la piste et qu'elle avait superbement ignorés tout au long de ces mois d'idylle dysfonctionnelle. Comment avait-elle pu être aussi stupide !

Non, elle avait voulu lui faire confiance, se rassurait-elle alors qu'elle sortait du bâtiment. C'était normal. C'était ce que les gens amoureux faisaient. « Heureusement que je n'ai pas couché avec lui ! » se félicita-t-elle avant de retomber aussitôt dans sa tristesse. Cela ne changeait pas grand-chose : sans lui déchirer l'hymen, il lui avait brisé le cœur. Elle savait qu'elle n'était pas parfaite, qu'elle avait certainement une responsabilité dans cette situation mais il aurait très bien pu rompre ! Au lieu de ça, il l'avait présentée à toute sa famille, jusqu'à sa grand-mère !

Athénaïs songea à Julie avec compassion. Et dire qu'il lui avait simplement demandé qu'ils s'éloignassent alors que pour lui, c'était terminé ! Mais quel... quel... ! Y avait-il une insulte assez forte pour cela ?

Ce fut sur ces sombres pensées qu'elle atterrit chez elle et fondit en larmes.

*****

Ken était médusé par la nouvelle. Donc... prier les étoiles filantes fonctionnait réellement ?

« C'est Margue qui me l'a dit ! » affirma Mikaël allongé de travers sur le canapé du studio.

Thibault et elle seraient bel et bien de l'histoire ancienne. Ken peinait à y croire.

« Elle devait venir hier pour chanter, mais elle a décommandé pour voir Say'.

— Tu vas voir, elle va revenir avec, objecta-t-il.

— Je doute. En tout cas, vu comment Margue m'en a parlé, on ne dirait pas. »

Comment ce gars avait-il pu tromper cette fille trop bien pour lui ?

« J'espère pour elle. »

Mikaël esquissa un sourire mais se retint de lancer une pique à son ami.

« Ouais, moi aussi. » se contenta-t-il de répondre.

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant