Chapitre 27

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Il était treize heures passées quand Ken émergea de sa léthargie. Il prit un temps pour se rappeler ce qu'il s'était passé la veille. Le mur blanc auquel il faisait face ne l'aida pas. Il se retourna pour découvrir une longue chevelure noire qui tombait sur les bras et les épaules hâlées d'un corps allongé sur le ventre. Le souvenir confus d'une Alyssa ou Mélissa lui revint en mémoire au milieu de sa migraine mais il lui semblait qu'ils avaient fini leur affaire contre un mur des toilettes de la boîte. Ils avaient remis ça ?

Il souleva sa tête pour détailler l'endroit où il avait échoué. Ce décor lui semblait vaguement familier. Il retomba mollement sur le matelas et se renfonça dans les couvertures. Ce parfum musqué... Son coeur prit tout à coup un rythme plus rapide jusqu'à bientôt cogner dans sa poitrine. Il ressemblait s'y méprendre à celui d'Athénaïs. D'instinct, cette odeur mettait ses sens en éveil. Malgré son mal de crâne, il ressentait cette envie bestiale du réveil, cette faim jamais assouvie parce qu'il avait fini par l'associer à celle qui l'obsédait du matin au soir et du soir au matin. Pourquoi diable cette fille avait-elle le même parfum qu'elle ? se lamenta-t-il, languissant.

Alyssa (ou Mélissa) remua quelque peu, signe qu'elle était sur le point de se réveiller. Ken jura en son for intérieur. Il ne devait pas la brusquer mais sa puissante envie d'elle était difficile à dominer. Que faire ? Alors que sa réflexion prenait le dessus, son désir redescendit petit à petit tandis qu'une autre envie pressante se fit ressentir. Il releva à nouveau la tête pour chercher la porte qui menait à la salle de bains. L'entreprise ne fut pas longue car il s'agissait de la seule porte de l'appartement à part la porte d'entrée. Ce fut à ce moment précis qu'il réalisa : ce coin kitchenette lui disait franchement quelque chose. Il y avait passé quelques temps à cuisiner quand... Athénaïs enchaînait ses gardes. Passé le premier instant de stupéfaction, la nostalgie de ce qui avait été une période stable qu'il n'avait su apprécier lui porta un coup au coeur. Il baissa les yeux vers celle dont il avait percé l'identité et qui l'avait recueilli... avec plaisir ou à contre-coeur ? Il n'eut pas le loisir de se poser la question plus longtemps. Sa vessie allait exploser. Il se précipita vers la salle d'eau, tâchant de ne pas réveiller sa belle endormie.

Il profita de son passage pour se rincer le visage rapidement puis se rallongea doucement auprès de la jeune femme. Il voulut se rendormir mais la présence d'Athénaïs à la fois si proche et si lointaine le troublait trop pour qu'il se détendît un tant soit peu. Il aurait voulu l'enlacer mais il ne savait plus s'il en avait le droit ou pas. Ca le tuait au fond. Ils s'étaient tant éloignés en si peu de temps. Etait-il même utile de rester, au final, si c'était pour voir à quel point il ne comptait plus pour elle ? « Non, t'exagères. T'es quand même chez elle, là. » se reprit-il.

Athénaïs se retourna sur le dos avant de basculer face à lui dans un long soupir. Elle était habillée, nota Ken, bien que son décolleté laissât deviner la naissance de ses seins. Ses cheveux cachaient la moitié de son visage. Il se retint de toutes ses forces de dégager les mèches qui l'empêchaient de voir sa physionomie endormie. Et dire que ç'aurait été la vision qu'il aurait eue tous les matins s'il avait été moins faible. Elle émit un nouveau gémissement plaintif qui acheva de faire perdre la tête à Ken qui se retourna en jurant vers le mur pour se soustraire à l'envoûtement auquel il était soumis. Il devait fuir avant de mourir de désir. « Calme-toi. » s'intima-t-il avec de profondes mais discrètes inspirations et expirations.

De son côté, Athénaïs ouvrait doucement les yeux. Elle eut un petit sursaut en apercevant le dos nu de Ken. A chaque fois, le fait de voir un corps clair dans son lit la prenait au dépourvu. C'était tellement étrange comme sensation. Ca faisait coup d'un soir, tellement son profil était loin de son « stéréotype » de mecs, comme aimait se moquer Marguerite. Il avait un corps en V quand même, se permit-elle de relever. A quel dieu grec aurait-il pu ressembler ? Elle imaginait Apollon plus grand. Hermes, peut-être ? Messager des dieux et quoi déjà ?... Encore engourdie de sommeil, elle se saisit lentement de son portable pour vérifier. Donc : messager des dieux, dieu de l'éloquence et du commerce, qui n'avait pas pris parti dans la guerre de Troie. Un des créateurs du feu. « Tout Ken, ça. » pensa-t-elle, amusée.

« Salut. » murmura une voix rendue plus rauque par la fatigue.

Oui, franchement, même cette phrase faisait coup d'un soir. Plan cul avec Hermes. Encore dans son fantasme mythologique, Athénaïs ne put retenir un léger rire avant de se tourner vers Ken.

« Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit ce dernier, intrigué.

— Je pensais à un truc débile, répondit-elle en secouant la tête avec un large sourire.

— De bonne humeur dès le matin ? Tu es étonnante.

— Je n'ai pas bu un seul verre, hier. Et puis... il est quatorze heures. »

Ken esquissa un sourire devant la mine détendue de son amie. Toute cette angoisse pour rien. Athénaïs et lui étaient encore proches. Il n'y avait pas de malaise entre eux. La jeune femme se leva et s'étira, assise au bord du lit.

« Tu veux manger quoi ? demanda-t-elle.

— Un café. Je ne peux rien avaler d'autre, je crois. J'peux emprunter ta douche ?

— Oui, bien sûr. »

Ken se leva à son tour. Athénaïs perçut bientôt le jet d'eau qui frappait le sol céramique et les parois de verre de la douche. Elle se surprit à l'imaginer, les gouttes d'eau perlant sur son corps. « Athénaïs ! » se réprimanda-t-elle. Cette attirance physique la perdrait un jour. Ils devaient réellement mettre une distance entre eux. Mais comment faire lorsque la majorité de ses amis dans le milieu musical étaient les siens ? Et elle l'avait bien compris la veille : à choisir, ils le choisiraient, lui, plutôt qu'elle. Jusqu'à Marguerite. Pourtant, si elle était réduite à cette éventualité, elle s'y résoudrait certainement.

Le jet d'eau s'arrêta. Dix minutes plus tard, Ken sortit, décemment vêtu, cette fois. Athénaïs lui versa une tasse de café. Ken la saisit directement, en déposant un baiser sur son épaule droite, près du creux de sa nuque qui embaumait encore de ce parfum qui le mettait en émoi.

Figée un instant par ce contact inattendu, Athénaïs chercha le regard de Ken qui lui adressa un sourire, l'air de rien. Elle retrouva l'usage de sa voix.

« Ken, tu ne peux pas faire ça.

— Quoi ? fit Ken, feignant l'innocence.

— Ce que tu viens de faire. »

Il ne répondit pas.

« Ecoute, je sais qu'on est proches mais... Je suis avec Hary, maintenant. »



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