Chapitre 14 (2)

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Cette fois, ce n'était pas Générations ni Rap Culture ni un autre magazine de rap. C'étaient les tabloïds. Les vrais. Les Voici et Paris Match.

« Non mais quitte à te faire photographier avec un mec connu, t'aurais pu choisir quelqu'un de plus canon ! »

Marguerite et son esprit pratique.

« Ce n'est pas de ma faute si c'est Obispo, la tête pensante musicale des Enfoirés ! » se récria Athénaïs qui s'affairait autour de son four micro-ondes.

Derrière elle, affalée avec Pauline sur le lit d'Athénaïs, Marguerite faisait le tour de toutes les revues qui avaient publié la nouvelle rumeur du moment, à partir de son ordinateur portable.

« A plusieurs reprises, le couple a été aperçu très proche, en sortant du restaurant, lut-elle avant de s'interrompre et de piailler : Non, mais je rêve ! Il y a une photo de lui en train d'embrasser ta main !

– Ah bon ?... Oui, ça lui arrive. » répondit une Athénaïs peu émue.

Marguerite et Pauline se figèrent et se regardèrent, stupéfaites.

« Euh..., fit cette dernière. Tu entends ce que tu viens de dire ?

– Quoi ? Ca arrive. Il me fait juste des baise-mains quelquefois, pour rigoler. Ca ne veut rien dire.

– Pour rigoler, répéta Marguerite qui tombait des nues.

– Il est intéressé, Say'.

– Mais non ! Tu sais, ce n'est pas le premier qui fait ça. »

L'air nonchalant d'Athénaïs sidérait ses amies, muettes de surprise.

« Le nombre de gars qui m'ont embrassé la main... Ca ne veut vraiment rien dire.

– Sayanah... Chérie. Il faut que tu comprennes un truc, fit Marguerite d'un ton maternel. S'ils t'embrassent la main, c'est à défaut d'embrasser autre chose.

– Mais non, fit Athénaïs en levant les yeux. Pour certains, oui, c'est sûr, mais pas pour tous. »

Les filles avaient cette tendance à s'emballer vite, pensait Athénaïs. Pascal n'était pas du tout intéressé. D'ailleurs, il se serait avancé et elle l'aurait ressenti or ce n'était pas le cas.

« Et sinon, du coup, que comptes-tu faire ? s'enquit Pauline.

– Rien.

– Sage décision.

– En même temps, il n'y a rien à dire.

– Tu es sûre ? la taquina Marguerite. Des fois que tu nous caches des trucs.

– Non, je sais que tu craques pour lui, je n'ai osé rien faire. »

Marguerite pouffa.

« Merci, c'est trop de gentillesse !

– Moi, ce qui m'inquiète un peu, c'est l'image que je vais avoir auprès des gars du rap. Parce que vu comme ça, avec les autres rumeurs cumulées, ça fait un peu michto'. Genre la go, après les gars de la tess', elle fricote avec le mainstream, et pas n'importe qui.

– T'inquiète, reste toi-même. Les gens verront que c'est débile, comme pour le reste. Et puis les gars savent bien que chaque fois qu'on te voit avec quelqu'un, c'est la rumeur assurée.

– Flemme de me justifier aussi.

– Dure, la vie de belle gosse du rap, hein ? lança Marguerite goguenarde.

– Nek' et toi, vous faites la paire, finalement.

– Non, pas du tout.

– Il est célibataire, t'es célibataire, vous vous entendez bien, vous êtes beaux gosses, vous parlez de manière bourge dans vos textes... C'est quand, que vous vous mettez ensemble ?

– Je suis sûre qu'il ne serait pas contre, en plus, fit remarquer Pauline.

– Il n'y a pas eu de suite à la dernière fois ?

– Ah, les filles ! C'était juste une passade ! Pas moyen que je sorte avec lui, il s'amuse trop... Rien à voir mais blanc ou rouge ? les questionna Athénaïs en leur présentant ses bouteilles de vin. J'ai du rhum si on veut se mettre bien, sinon.

– Rouge. » opta Pauline.

Comme à leur habitude, les filles passèrent la soirée autour des petits fours, à discuter potins et maillots de bains, tout en entamant la bouteille de vin rouge. C'était une manière pour elles de décompresser de la semaine et de se tenir au courant des dernières nouvelles du crew. Mohamed préparait un nouvel album, Ken organisait une soirée pour la sortie de son film la semaine suivante et les autres préparaient les prochains festivals.

« Pourquoi est-ce que tu as refusé d'être programmée, cette année ? s'enquit Pauline tout en avalant goulûment un petit four.

– Trop de choses à faire. Et je préfère les petites salles.

– Oui, mais ça devient compliqué. Tu commences à être connue et les gens veulent te voir... Et là, avec l'affaire Obispo, ça va aller crescendo.

– Pour dire la vérité, j'ai peur aussi. J'ai peur de perdre ma vie. Pour le moment, je suis confortable encore. »

Marguerite acquiesça.

« C'est sûr qu'une fois que tu t'exposes, c'est fini. Ta double vie et tout...

– Et encore, je suis radiologue, je suis un peu cachée.

– Tu vas devoir faire un choix, un jour. »

Pour une indécise comme Athénaïs, ce type de choix tenait du dilemme cornélien. Être ou ne pas être, telle était bel et bien la question.

« Je verrai.

– Ce sont des opportunités qui n'arrivent qu'une seule fois dans la vie, releva Pauline l'index relevé. Je serais toi, je foncerais.

– C'est clair. » approuva Marguerite, avant de prendre une gorgée de son verre de vin rouge.

Athénaïs adorait ses amies, mais sur ce point-là, elle se sentait toujours bien incomprise. Marguerite travaillait dans le domaine de la musique et Pauline dans la vente. Elles n'avaient pas du tout conscience de ce que neuf ans d'études acharnées pouvaient signifier dans la vie de quelqu'un.

« Ma thèse, d'abord. Après j'aviserai. »

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