Chapitre 34 (3)

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Ils eurent la discussion la plus sérieuse qu'ils eussent jamais eue. Athénaïs partagea à Ken toutes ses craintes quant à une relation sérieuse avec lui.

Ce n'était qu'une histoire de mots, mais « sortir avec quelqu'un » s'était asssocié, au fil de ses réflexions autour de sa foi, au fait de s'engager sérieusement pour le mariage. Car pourquoi sortir avec quelqu'un sans but final, au fond ? Sans projection vers un futur commun, une relation était comme un passe-temps où l'un s'amusait à employer l'autre pour servir son propre ego. Dans le meilleur des cas, les deux s'utilisaient de manière réciproque.

Et puis, étant donné cette volonté de rester vierge jusqu'au mariage, la question de l'engagement était vite posée.

Avec Ken, Athénaïs ne parvenait plus à se projeter de manière aussi sérieuse qu'auparavant, échaudée par ses expériences précédentes. Cela n'avait rien à voir avec ses sentiments qui étaient bien réels ! assura-t-elle avec force alors que l'homme aux yeux noisette avait tiqué.

« C'est un truc qui vient de moi. J'y arrive pas. Ca me fait paniquer, maintenant. Pourtant, je veux être avec toi.

— Pourquoi tu veux être avec moi si tu ne te projettes pas avec moi ? »

Athénaïs prit quelques secondes pour réfléchir. Elle décida finalement de lâcher prise.

« Parce que je t'aime et j'ai pas envie de te laisser seul. J'ai envie d'être là pour toi quand t'es pas bien. »

Ken se redressa sur le lit et la détailla du regard, déconcerté par une telle réponse. Alors c'était tout ce qu'il représentait à ses yeux ? Un mec incapable de gérer ses problèmes seul ? Alors qu'il avait atteint la trentaine ?

« ... J'ai pas besoin d'une baby-sitter, Say', si c'est ça qui t'inquiète, déclara-t-il, un sourcil froncé. Et puis j'ai ma famille, j'ai mes gars ! »

Non mais franchement, c'était la chose la plus vexante qu'il eût jamais entendue, en fait.

« Tu n'as pas à rester avec moi, si c'est parce que tu as peur que je n'aille pas bien ! Je me suis débrouillé sans toi avant qu'on se connaisse, je me suis débrouillé sans toi quand on a coupé les ponts ! Tu n'as pas à te sentir responsable de moi. Tu n'es pas obligée de rester. Je sais vivre sans toi, Say' ! »

Athénaïs qui s'était relevée à son tour, restait bouche bée devant l'air soudainement furibond de son ami.

« Ah..., prononça-t-elle, sidérée.

— Eh bien, oui ! Ca t'étonne, on dirait ! » s'exclama Ken, choqué.

De la pitié ? C'était ce qu'il lui inspirait, en fin de compte ?! C'était parce qu'il s'était montré vulnérable, ça ! se reprocha-t-il, blessé dans son amour propre. Cela lui apprendrait ! Tout d'un coup, il sembla à l'homme aux yeux assombris par la colère qui pulsait dans ses veines, que rien de ce qui s'était passé avec Athénaïs durant ces deux longues années n'avait plus de sens.

De son côté, Athénaïs restait abasourdie devant l'énervement qu'elle devinait en Ken. Elle avait compris que l'homme était vexé. Mais elle lui avait dit qu'elle l'aimait. Quoi de plus normal de vouloir prendre soin de la personne que l'on aimait ? Donc il trouvait humiliant qu'elle voulût rester pour lui ? Ces confidences qu'il lui avait faites, ce temps passé avec elle, les regrettait-il alors ? Elle ne savait comment réagir.

Devant le silence de la jeune femme, Ken passa sa main sur son visage. Toutes ces marques d'attention, tous ces moments d'affection... étaient juste destinés à nourrir l'ego d'une femme qui faisait sa bonne action en restant avec lui par compassion.

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant