Chapitre 21

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« Plus j'avance, plus je me rends compte que, ouais, je suis favorisé par le système. Ca me saoule. Je lutte, je fais tout pour soutenir mes gars, mais... Tu vois, les gars ressentent ce besoin d'avoir un feat' avec moi s'ils veulent cer-per alors que moi, tu vois, ça me dérange pas du tout, je m'en fous, bien sûr, je suis toujours àl... Mais les gens, le public... Putain, ça me fait iech, ces mecs sont vachement doués mais les gens... ça me fout en rogne à chaque fois. Et puis, cette histoire de manifestations... »

Toujours appuyés contre les meubles de la cuisine, Athénaïs et Ken discutaient depuis un bon moment. Ken tentait de traduire en mots le mal-être qui le rongeait depuis plusieurs semaines, cependant, ses paroles, légèrement décousues, peinaient à sortir. Athénaïs, elle, était d'une écoute attentive : ce ne serait pas tous les jours que Ken ressentirait l'envie de s'ouvrir à quelqu'un, à elle, de surcroît.

« Mais tu sais, il faut accepter ce qu'on ne maîtrise pas, fit-elle enfin. Tu es une personnalité publique que les gens admirent. Oui, le fait que tu sois blanc aide beaucoup : les gens arrivent mieux à s'identifier à toi. Mais c'est tant mieux : tu mets en lumière beaucoup de gens...

— Justement ! J'aimerais qu'on me voit beaucoup moins ! J'ai limite envie qu'on m'oublie. C'est aussi pour ça que je me suis cassé des réseaux mais on dirait que c'est encore pire.

— Tu ne peux pas maîtriser ce que les gens aiment ou ce qu'ils n'aiment pas. Les gens t'aiment, et c'est un fait... Arrête de faire le modeste : tu le sais ! s'écria-t-elle en riant alors Ken soupirait d'impatience avant de rire avec elle.

— Ca me saoule.

— Chut, sois reconnaissant...

— Oui mais... C'est chiant, tu ne peux pas vraiment comprendre...

— Non, c'est vrai. Mais je sais qu'on ne peut pas aimer tout le monde pareil. Les gens t'adorent, bah ! c'est tout. Tires-en le meilleur profit pour tous.

— C'est gênant...

— C'est gênant, oui, mais personne dans le crew ne te blâme d'être ce que tu es. On est tous content pour toi. Vraiment. Et on en bénéficie bien plus qu'on en pâtit. Regarde ! Tu rends tout le monde fier. Tu rends les gars grave fiers. Tu rends ta famille fière...

— Euh..., l'interrompit Ken en fixant ses chaussettes.

— Je suis sûre qu'au fond, si, Ken, tes parents sont grave fiers. Ils sont juste relous, comme des parents normaux peuvent l'être. »

Ken soupira à nouveau.

« On te jette des fleurs partout où tu vas — Nouvelle grimace désapprobatrice de Ken — j'aurais été ta mère, j'aurais été fière de toi...

— Genre ?

— ... J'aurais fait style devant les gens que, ouais, bah mon fils il fait c'qu'il veut, quoi, en mode blasée. Mais au fond, j'aurais été fière. »

Il réprima un sourire.

« Et je l'aurais appelé tous les jours pour savoir s'il mange ses légumes. »

Cette fois, il eut un rire franc.

« Je plains tes enfants ! fit-il, hilare.

— Ouais, moi aussi. Honnêtement, je ne sais pas quel genre de mère je serai. Je crois que je serai vraiment.... saoulante.

— Ouais, je crois aussi. » renchérit-il, hilare.

Athénaïs fixa le brun après avoir pris une mimique de reine offensée.

« Hé ! Il n'y a que moi qui ai le droit de dire ça de moi ! »

Ken la considéra, un pli enjoué au coin de la bouche. Il était vrai que le caractère d'Athénaïs se rapprochait un peu de celui de sa mère. Elles avaient le même goût pour les études, la culture, la même fermeté sur ce qu'elles estimaient être important.

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant