Chapitre 15

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« Je t'aime. »

« Il n'y a pas de mal à se faire du bien... »

Elle l'imaginait. Elle l'entendait. Elle le sentait. Ses yeux s'ouvrirent alors qu'elle se réveillait en sursaut. Elle se retourna vers son radio-réveil. 5 heures 40 du matin. Elle retomba mollement sur son oreiller. Son subconscient lui jouait des tours ces dernières nuits, la torturant d'images d'un Ken transi amoureux qui lui déclarait sa flamme encore et encore. « Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ! » se lamenta-t-elle dans le silence de son petit studio. Sur le mur face à elle se répandait par la fenêtre le clair du jour qui se levait lentement. Elle n'aimait pas rester dans le noir complet, la nuit. Contempler la lumière du soleil ou de la lune était plus relaxant.

Elle regarda la place vide de son lit deux places et songea à Thibault. Elle se demandait ce qu'il devenait. Sûrement avec une nana qu'il devait faire enrager avec ses manipulations. L'image de son ex s'estompa pour faire place à celle de celui qu'elle devait repousser à tout prix. Immédiatement, une bouffée de chaleur traversa son corps tandis que se réveillait la faim si commune à son célibat. Elle se sentait si seule. Elle n'avait jamais vraiment aimé avant Thibault mais à présent, elle aurait préféré n'avoir jamais aimé. Cette sensation de manque était difficile à supporter, par moments. Cependant, elle ne pouvait pas se servir de Ken pour pallier à ce vide. Une relation avec lui ne mènerait à rien. Elle devait le fuir. Mais le fait était qu'elle n'en avait pas du tout envie.

Elle s'enfouit sous ses couvertures avant d'étouffer de chaud et ressortir presque aussitôt. Qu'est-ce que ça ferait d'être en-dessous de lui ?... Elle laissa son esprit vagabonder de fantasme en fantasme. Se mordant la lèvre, elle se figura le scénario érotique qu'elle avait en tête. En plus, elle l'avait déjà entrevu torse nu, une ou deux fois, quand ils étaient tous ensemble avec le crew à se changer ou à s'attendre avant de sortir en soirée ; et honnêtement... la vue en valait franchement le coup. Elle l'avait discrètement lorgné du regard, suivant du coin de l'oeil les lignes de ses pectoraux et ses biceps. Et cette fois où il l'avait surplombé de son corps, sur son canapé, après leur film Netflix... ! Elle se remémora la scène. Que se serait-il passé si elle l'avait laissé faire ? « Que Dieu me vienne en aide ! » se reprit-elle. Au fond d'elle, néanmoins, elle se surprit à maudire son choix. Si elle avait été une fille plus légère, elle l'aurait eu, son Ken ! Mais en même temps, ç'aurait fini comme Pauline et Mikaël : sans vouloir se l'avouer, Pauline restait très attirée par Deen qui, lui, avait décidé de tourner la page depuis bien longtemps, tout en restant quelque peu possessif envers elle. Nek' se serait comporté de la même manière si elle ne lui avait pas résisté... Et voilà qu'elle pensait à lui bien plus qu'elle ne le devait ! C'était infernal, elle devait arrêter les frais.

Quand même, pensa-t-elle, il lui faisait encore des avances alors qu'il savait qu'elle ne coucherait pas avec lui. A moins qu'il ne projetât de la faire craquer en route. Elle devait vraiment se méfier de lui. Et d'elle-même. S'il continuait à la poursuivre, elle finirait par céder. Elle consulta son radio-réveil : 7 heures 20 ! Elle bondit aussitôt de son lit : elle allait être en retard !

*

« T'as demandé à Professeur Hautenant de relire ton protocole ? demanda David, un jeune homme blond aux cheveux en épis sur le dessus de son crâne.

– Oui, j'ai déjà commencé à inclure mes premiers patients, lui répondit Athénaïs, en s'amusant à tournoyer dans son fauteuil à roulettes.

– Franchement, Athé', tu te compliques vraiment la vie. Tu aurais pu juste faire une étude avec les informations déjà présentes dans la base de données des hôpitaux, comme tout le monde. »

Athénaïs arrêta son manège, se positionnant face à son interlocuteur qui s'apprêtait à examiner un scanner abdominal.

« Ce que je fais, je le fais à fond. Sinon, ça m'ennuie. »

Le co-interne de la jeune femme eut un petit rire. Elle l'étonnerait toujours.

« Et sinon, la musique, c'est comment ? La rumeur avec Obispo s'est calmée ?

– Oui, de toute façon je ne suis tellement pas là en ce moment que les gens m'oublient tous seuls.

– Tu bosses sur quoi, là ?

– En musique ? Je fais une pause. Je me concentre pour ma thèse.

– Oui, tu as raison. » en convint David, les yeux rivés sur son écran.

Athénaïs le regarda faire défiler le scanner abdominal du patient qui souffrait de douleurs lombaires. Elle grimaça en voyant l'image de pyélonéphrite qui s'affichait devant eux.

« Ca pue, ça. Il y a aussi de l'urine autour du rein gauche. » commenta David en saisissant son téléphone de garde pour prévenir l'équipe des urgences.

Elle acquiesça pour appuyer le diagnostic émis par son confrère. Elle sortit son portable pour consulter ses messages, ou plus particulièrement relire ceux de Ken.

Après avoir déclaré son amour, ce dernier n'avait plus envoyé de message. Elle lui avait répondu qu'elle était désolée, mais qu'elle ne pouvait donner suite à ses sentiments. Néanmoins, plus elle repensait à l'impossibilité de leur relation, plus elle se sentait faiblir en conviction. Il était quand même très persévérant. Si cela se trouvait, c'était vrai qu'il l'aimait... Mais pour le reste ? L'on ne pouvait vivre d'amour et d'eau fraîche. En attendant, Thibault qui avait un très bon statut social avait beau avoir coché toutes les cases de sa liste, il s'était avéré un très mauvais compagnon de vie. Et si... Et si elle faisait quelques concessions ? Ce seraient ses parents qui tomberaient à la renverse !... Mais si elle réussissait à convaincre Ken de suivre une formation ?... Impossible. Cela sonnait si faux. Et si elle le poussait à investir dans l'immobilier ? Ca, par contre, c'était jouable. D'ailleurs, il venait de devenir propriétaire de son propre appartement. Pour cela, il allait falloir la jouer fine. Plongée dans ses réflexions stratégiques, Athénaïs restait toutefois lucide : la question de l'abstinence n'était pas négociable or Ken était sûrement incapable de se retenir. Si elle sortait avec, elle devait déjà s'attendre à un échec complet de sa part. Une perte de temps et de l'amour gâché... Qui se lancerait dans une telle entreprise ? Les mots de Soary revinrent frapper ses oreilles : « S'il t'aime vraiment, il pourrait très bien tenir. ». S'il persistait jusqu'à maintenant, peut-être qu'il était prêt après tout. Peut-être que c'était à elle de faire preuve d'indulgence et de leur laisser une chance ?

David reposa le combiné de téléphone d'un coup sec, faisant sortir Athénaïs de ses pensées.

« Sinon, tu viens à l'afterwork de vendredi ou bien madame la professeure est trop occupée, encore une fois ? »

Athénaïs rit à la pique malicieuse de son ami.

« La soirée « péniche sur la Seine » , tu parles ? Allez, je vais y aller, rien que parce que tu me réclames ! » rétorqua-t-elle en tirant la langue.

Cela lui permettrait de se changer les idées. Et si elle y rencontrait un interne mignon, ce serait une pierre deux coups.

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant