Chapitre 8

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Mais comment avait-ce pu être possible ? Il était si près du but ! se lamenta mentalement Mohamed.

« Ca ne matche juste pas. » répéta Ken, avec un haussement d'épaules comme pour signifier que ce refus n'avait aucun impact sur son humeur.

Mikaël, Mohamed et Idriss le considéraient d'un air surpris et peu convaincu. Jules, à la console, écoutait d'une oreille tandis qu'il travaillait dans le même temps sur la piste que Hakim venait d'enregistrer. Ce dernier suivait distraitement la conversation de l'autre côté de l'écran.

Ce débrief commençait à prendre des airs de cellule de crise. C'était Mohamed qui, persuadé d'aller à la pêche aux bonnes nouvelles, avait lancé le sujet. Malheureusement, lesdites nouvelles n'étaient pas celles qu'il espérait.

« Non, mais explique-nous ce qui ne matche pas en fait, fit Idriss, impatient.

— Ouais, j'avoue, kho, renchérit Mikaël. Depuis tout à l'heure tu dis que ça marche pas, mais t'expliques R. »

La vérité était que Ken répugnait à jeter la pierre sur Athénaïs. S'il détaillait les excuses de la jeune femme, ils allaient les trouver complètement idiotes. Et il ne souhaitait pas rendre Athénaïs ridicule aux yeux des gars.

« En gros, elle croit que je nique partout, du coup elle ne fait pas confiance.

— Mais tu lui as dit que tu l'aimais bien ou quoi ? s'enquit Mikaël.

— Ouais, Deen.

— Non, mais genre comment ? »

Ken soupira. Il en avait déjà assez. Il maudit Mohamed dans sa tête.

« Bah... Je lui ai dit, quoi !

— Genre, que tu la kiffais et tout ? voulut faire préciser Mikaël, curieux.

— Ouais.

— Genre clairement, avec les deux mots, là ?

— Non, je ne lui ai pas dit 'je t'aime', mais presque. C'était tout comme. Elle a très bien compris, d'ailleurs. Elle a même dit qu'elle m'avait cramé, pour tout dire.

— Oh, putain, lâcha Idriss.

— Je te jure. Mais aucune pitié, la go, elle m'a dit non. »

Les amis de Ken prirent un air de commisération.

« Bof, au pire, elle est conne et t'en trouveras d'autres ?

— Non, dis pas ça, Mo'.

— Bah si, elle est conne, c'te meuf, reprit Idriss. Elle te laisse galérer et puis elle te dit non. Je l'aime bien, mais ça change rien au fait qu'elle est conne ! »

Ken se mit à rire devant l'air compassé de son acolyte de toujours. Idriss et son frère Hakim avaient été témoins de tous ses déboires amoureux depuis le collège. Et ils en avaient vus défiler depuis le temps !

« Et puis, qui dit non au fennec sans regretter après, hein ? » poursuivait Idriss, goguenard.

Ce n'était pas tout à fait correct : il avait bien couru après deux ou trois filles sans jamais obtenir leurs faveurs. Mais en ce moment, Ken était d'humeur à se faire mousser. Son ego endolori avait besoin de se remettre de ce refus qu'il avait essuyé. Un an de fantasme pour ça !

« Il a raison, fit Mikaël. Laisse-la tomber. Elle va revenir dare-dare, tu vas voir. Elles sont toutes pareilles. »

Ken doutait très fort de la théorie avancée par l'expert en séduction qu'était Mikaël. En règle générale, il ne se trompait pas. Seulement, le cas d'Athénaïs était assez particulier. Jamais personne ne lui avait parlé mariage aussi cash qu'elle l'avait fait. Son attitude directe donnait à penser que c'était un point sur lequel elle ne transigeait guère. C'était peut-être une question de religion. Il eut envie de partager ses réflexions avec ses amis mais il craignait qu'ils jugeassent Athénaïs trop sévèrement.

« Elle a l'air d'être très sérieuse, en fait.

— Très sérieuse, genre comment ? l'interrogea Mohamed.

— TRES sérieuse.

— Genre chiante ? »

Ken rit une nouvelle fois. Ses amis avaient le chic pour lui remonter le moral. Un bruit de porte les fit se retourner. C'était Hakim qui avait fini sa partie et était remonté les rejoindre. Ils interrompirent alors leur discussion pour se concentrer sur le mixage que réalisait Jules. Après plusieurs essais, ils parvinrent à un résultat qui les satisfit tous. Ce fut alors au tour d'Idriss de poser sa voix, et donc de disparaître au sous-sol.

Tandis que Jules se replongeait dans son travail, les autres, après quelques instants attentifs aux prises de voix de leur compère, se dissipèrent et reprirent leur conversation là où ils l'avaient laissée. Mikaël prit soin de faire un récapitulatif à Hakim.

« Elle va revenir, t'es d'accord avec moi ? » finit-il par lui dire.

Hakim eut une moue dubitative.

« Je ne sais pas...

— Non, mais toi tu ne sais jamais rien ! intervint son frère à travers l'écran ce qui les fit tous éclater de rire, tant sa pique était inattendue.

— Focus sur ton taff, toi, au lieu de faire le gigolo là ! lui répliqua Hakim avant de se retourner vers ses amis. Ca dépend. Je trouve que Say' est une têtue dans son genre, un peu.

— Ouais, t'as raison, remarqua Mohamed.

— Mais cette fois, elle aurait tort de s'entêter, la Saya', objecta Mikaël.

— C'est elle qui voit, fit Ken en haussant des épaules. Je ne vais quand même pas la supplier. C'est bon : elle m'a recalé. Maintenant si elle change d'avis, il va falloir sortir les rames, ma jolie. Je t'ai coursée assez longtemps comme ça.

— Bien parlé, frère. C'est ça qu'on veut voir ! acquiesça Mikaël.

— Comme ça, du coup, tu la prends avec les capitaux et intérêts qui vont avec.

— Je te reconnais bien, là, Haks !

— Ah, Deen ! Haks, il connaît les femmes.

— J'ai ma meuf là, mais je peux te dire que j'en ai fait, des miennes,... il fut un temps. »

Et Ken de rappeler quelques anecdotes à propos de son ami Hakim qui le laissa narrer ses aventures. Son calme apparent était un moyen d'attirer le mystère sur lui et par là-même, l'attention de ces jeunes damoiselles, pas toujours en détresse.

« Bon, du coup, Saya', c'est next ? » résuma Mohamed.

Ce fut un Ken déterminé qui lui répondit.

« Saya' ? Je nexte fort. »

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