Chapitre 10 (2)

1.1K 50 12
                                    

Ken se gara non loin du bâtiment qui abritait le studio. Ce soir, il mettait en œuvre la stratégie qu'il avait fomentée depuis quelques jours déjà. Il la ferait craquer jusqu'à ce qu'elle lui dît oui. C'était peut-être un coup à se brouiller dans le crew mais il ne risquait pas grand-chose. Ses frères restaient ses frères, c'était plutôt elle qui avait à craindre sur ce plan. Les filles lui en voudraient un peu plus, probablement ; néanmoins s'il restait discret et qu'Athénaïs tenait sa langue, il y avait même des chances qu'elles ne se doutassent de rien du tout.

Athénaïs conduisait souvent la voiture des autres mais elle-même n'avait pas de voiture. Or le studio se situait dans le 5ème arrondissement tandis qu'elle habitait Courbevoie. Il ferait office de chevalier servant, ce soir. Et tous les autres. D'aucuns pourraient penser qu'il se comportait en homme faible et soumis – en lavette – que nenni ! Au moment-même où elle croirait qu'elle l'aurait à disposition, il se déroberait à elle et se présenterait avec d'autres filles sous son nez. Et il se comporterait comme tel, jusqu'à ce que la jalousie fît son affaire et qu'elle cédât. Donc ce soir, c'était opération séduction camouflée.

Après avoir passé la porte principale, il pénétra dans l'enceinte du studio qu'Athénaïs avait rouvert en prévision de sa venue. Après avoir traversé le petit vestibule faiblement éclairé par la lumière qui venait de la cage d'escaliers blancs, il descendit les paliers pour arriver au niveau de la salle de console.

Sa Sayanah était en train de chantonner une mélodie. Il l'avait déjà vu faire quelques fois ; elle était sûrement en train de ré-enregistrer un chant déjà existant et ce qu'elle chantait lui semblait être une partie instrumentale.

En l'apercevant, celle-ci sursauta de surprise, à la fois parce qu'elle ne l'avait pas entendu arriver et aussi parce qu'il était particulièrement bien coiffé et habillé. Enfin, ses cheveux ne biquaient pas sous une casquette quelconque et il n'était pas en survêtements, en fait. Elle retira son casque audio avant de le saluer. Le parfum qu'il portait ce soir était de ces boisés à la fois si subtils et si puissants. Il avait très bien choisi. Elle faillit lui demander quelle marque il s'agissait avant de se souvenir que ce serait un compliment, et que dans leur contexte actuel, ce serait un peu bizarre et contradictoire qu'elle fît état de son admiration pour son odeur corporelle.

« Alors, ça charbonne fort, à ce que je vois. » constata Ken, avec un air plaisantin.

Athénaïs serra légèrement des dents tout en souriant le plus naturellement possible. Il avait l'air différent aujourd'hui, mis à part de son aspect plus soigné que d'habitude. Un peu plus détaché. La sensation de torsion au niveau de son ventre qui traînait depuis qu'il avait annoncé son passage au studio augmenta en intensité... Non. Pas du tout. Ce n'était pas ça.

« Tu t'es coupé les cheveux ? s'enquit-elle.

– Ouais, t'as l'oeil ! Les gars n'ont rien vu, fit-il en se passant la main dans sa tignasse. J'en avais marre de les coiffer et de quand même ressembler à rien, le matin. »

Athénaïs eut l'air amusé :

« Ca te va bien. »

Ken perdit un peu de sa mine malicieuse, touché de manière inattendue par le compliment d'Athénaïs. Elle le trouvait beau, et même s'il avait fait exprès d'imiter légèrement le genre d'hommes qui pouvait lui plaire, il n'avait sincèrement pas pensé avoir droit au regard appréciateur que lui jetait la jeune femme à cet instant précis. Passé la première seconde de surprise, il se reprit et se rengorgea de fierté :

« Je sais. »

Athénaïs pouffa de rire.

« Excusez-moi, monsieur ! »

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant