Chapitre 13 (2)

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En attendant l'arrivée de son verre, Mikaël observait son ami embrasser une jolie blonde à pleine bouche avec satisfaction. Ken avait fini par s'imprégner de l'ambiance sea, sex and sun dans laquelle ils le plongeaient à force de virées en boîte, tournées de bars branchés et beach parties. Rentrés sur Paris, il ne les bassinerait plus avec sa Sayanah.

En effet, Ken avait fini par s'abandonner aux plaisirs de la chair que s'interdisait une Athénaïs ascétique. Si elle voulait s'imposer une telle discipline, ce n'était plus de son ressort. C'était trop pour lui. Alors que le DJ entamait un scratch afin de changer de chanson, soudain, il reconnut l'introduction d'un de ses titres. Il se tourna en direction du DJ avec surprise. Ce dernier lui adressa un signe complice de la main. Tout d'un coup, ses amis se pressèrent autour de lui sans se préoccuper de la jeune femme qui l'accompagnait encore.

« Gros, t'es en train de cer-per !! » lui hurlait-on dans les oreilles.

La blonde abasourdie par tant de brutalité battit quelque peu en retraite tandis que Ken se sentait tiraillé de toute part.

« Ca, c'est notre gars, tu vois !! C'est un famous ! He is famous in France ! »

Les gens qui les entouraient les avisaient d'un air consterné.

« This is his song !! » s'exclama la clique en le désignant du doigt. « It is his song ! »

Ken rit de bon coeur devant la fierté affichée de son crew. Il n'avait pas prévu ce coup en parlant de ses chansons au jeune homme qu'il avait rencontré à une soirée précédente. Ils avaient sympathisé et ce dernier l'avait invité à l'écouter mixer. Les Etats-Unis, terre d'imprévus... Ses amis beuglaient les paroles dans la boîte, au grand amusement de la foule. Quand le DJ marqua une transition vers une nouvelle chanson, ils l'acclamèrent à coups de « The best DJ », « This is our bro' » avant de retourner danser un peu plus calmement.

La blonde avait attendu patiemment que les amis de Ken s'éparpillassent pour l'aborder à nouveau, avant qu'une autre ne lui mît le grappin dessus. Comme elle s'en doutait, une rivale aux cheveux flamboyants se présenta à lui. Elle serra des poings. Elle l'aurait, ce beau « Frenchy » qui ne payait peut-être pas de mine au prime abord, mais qui avait un charme fou sous ses airs de timide modeste. Si ça se trouvait, ses amis disaient vrai : il était connu en France ? Elle attaqua de front, interrompant la conversation que la rousse venait d'entamer avec Ken. Un échange de regards leur suffit à se déclarer la guerre. La rousse rétorqua avec un « Excuse-moi, mais j'étais en train de lui parler. » La blonde ne se laissa pas faire et lui décocha un regard des plus dédaigneux.

Ken détailla les deux jeunes femmes en train de batailler pour ses faveurs. Si elles pouvaient trouver un terrain d'entente, elles pourraient ressortir gagnante-gagnante de la bataille, et lui doublement vainqueur de la guerre. Ah ! Si Athénaïs savait ça ! Un sourire grivois orna son visage tandis que son réflexe de mordillement de sa lèvre inférieure refaisait surface. Ce ne serait certainement pas avec elle qu'il aurait l'occasion d'un plan à trois. Un plan à deux était déjà une montagne insurmontable pour elle. Alors que les deux femmes s'affrontaient pour la sauvegarde de leur territoire, il les interrompit :

« Vous savez, moi j'ai toujours été plus pour la paix que pour la guerre... »

Quand il sentit qu'il avait capté l'attention de ses pourchasseuses, il poursuivit d'un ton badin.

« Si vous arrivez à vous entendre, on pourrait passer un moment très cool tous ensemble. »

Toujours avec ce mordillement qui lui était automatique mais qui servait fort bien ses intérêts, car les deux jeunes femmes après un mouvement simultané de vif dégoût, se radoucirent devant l'air mutin, faussement gêné du rappeur devant elles. Enfin, quand il les vit se jauger mutuellement d'un regard de défi, il sut qu'il avait gagné.

*

Mais d'où cette sensation de vide et de solitude venait-elle ? Il venait de passer la nuit avec deux merveilleuses créatures mais toujours cette soif inétanchable d'intimité venait le tirailler à la redescente. Allongé sur le lit défait, le corps enchevêtré avec ceux de ses partenaires et les yeux mi-clos, il ne parvenait pas à dormir tout à fait malgré la fatigue qui engourdissait son corps. « Je viens de réaliser le fantasme de tous les mecs, qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? » se questionna-t-il, avec une pointe d'angoisse. Il avait envie de fuir ce lit, ces corps qui lui semblaient tout à coup sans vie. Ce qu'il fit lentement, afin de ne pas éveiller ses conquêtes d'un soir.

La chaleur moite de la nuit californienne le happa lorsqu'il sortit de l'hôtel. Il lui fallait héler un taxi. Mais avant cela, il avait besoin d'un petit remontant. Il sortit une cigarette de sa poche et l'alluma. C'était dans ces moments-là que marcher dans Paris lui manquait un peu. S'enfoncer dans les rues françaises aussi alambiquées que le peuple français lui-même avait un peu plus de style que de déambuler sur les lignes droites américaines. En revanche, constatait-il en levant la tête, leurs nuits étaient bien plus étoilées, non dissimulées sous les nuages typiquement parisiens. Un de ces astres se décrocha du ciel, lui rappelant une certaine fois où en train de fumer, il était resté là, à admirer une étoile filante traverser le ciel. Finalement, elle n'avait réalisé que la première partie de son vœu. Athénaïs n'était plus avec Thibault, mais elle n'était pas avec lui. Etait-ce mieux ? Une relation entre eux n'était peut-être pas écrite. Comme les étoiles filantes, chacun avait son propre parcours et quelquefois l'on ne se croisait jamais. Question de destin. Chaque être humain vagabondait jusqu'à trouver sa direction... Et voilà qu'il recommençait avec ses réflexions métaphysiques ! On était à L.A. ! Pas question de philosopher ici ! se rappela-t-il à l'ordre. Un taxi. Il devait trouver un taxi.

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant