Chapitre 19 (5)

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Athénaïs ouvrit brusquement les paupières. Comme à chaque lendemain de soirée arrosée, elle se sentait en pleine forme et ne ressentait plus le besoin de dormir. Quelle heure était-il cette fois : six heures ? Sept heures ? Elle voulut tâtonner les environs à la recherche de son portable qui ne devait pas être bien loin, cependant quelque chose l'entravait dans son mouvement.

Quelque chose... ou quelqu'un.

Le coeur battant, elle se repassa en mémoire le soir dernier. En principe, cette personne dont elle sentait le bras autour d'elle était Ken. « Sauf si franchement j'étais droguée et que c'est quelqu'un d'autre... Oh, Seigneur, fais que ce ne soit pas ça ! ». Angoissée, elle commençait à regretter son incartade de la veille. « Allons, on se calme, se réprimanda-t-elle. Il y a bien un moyen de s'assurer qu'il ne s'est rien passé. » Elle fit glisser sa main le long de son bassin avec appréhension, avant de soupirer de soulagement : la culotte était en place, ça allait ! Donc ce dont elle se souvenait était sûrement vrai : Ken et elle avaient flirté et ils s'étaient arrêtés en pleine action. Il l'avait arrêtée en pleine action, se corrigea-t-elle, un petit pincement au coeur. Elle avait été profondément déçue, effectivement. Mais une nuit (deux heures) de sommeil plus tard, Athénaïs revenait sur cet incident avec plus de légèreté : ce n'était pas une mauvaise chose après tout. Ils étaient censés n'être qu'amis à présent et brouiller les lignes n'apporterait que des complications, ce qu'abhorrait Athénaïs, partisane des relations simples.

N'empêchait que Ken avait le bras enroulé sur elle, et que ça, ajouté au fait qu'ils étaient tous deux à demi-nus, ne ressemblait pas vraiment à de l'amitié. Ce dernier se mit à remuer et la serrer plus fort contre lui. Athénaïs s'interrogea alors sur la personne qu'il croyait étreindre : Olivia ... ou elle, véritablement ? Elle chassa cette question de son esprit. « Athé', faut que tu te bouges ! Tu ne vas pas rester là, à attendre qu'il se réveille. » lui intimait sa conscience. Mais quoi faire ? Fuir ? C'était trop louche, comme attitude. Que faire d'autre, sinon patienter ? Elle était probablement condamnée à s'ennuyer et gâcher cette belle énergie que son corps lui offrait avant de sombrer dans une fatigue monstre. Son estomac gronda. Elle n'avait rien avalé depuis son goûter de la veille et avait bu à jeûn. C'était son prix à payer pour ne pas vomir en soirée et avoir la gueule de bois du lendemain, contrairement à la majorité des gens. Si elle était bien chez Ken, elle n'allait rien avoir à se mettre sous la dent, pensa-t-elle, déprimée.

Elle resta un moment à se questionner sur la marche à suivre. Puis elle se rendit compte du souffle de Ken qui frôlait sa nuque pour glisser dans son dos. Cela lui rappelait Thibault. Lui et son odeur de shampooing... Lui aussi l'avait serrée dans ses bras, les nuits où ils dormaient ensemble. Elle avait toujours insisté pour qu'ils dormissent séparément mais il finissait immanquablement par gagner. Quand ils avaient rompu, Athénaïs avait pris la décision solennelle de ne plus dormir avec son copain, ce qu'elle avait cru réussir durant sa relation avec Ken, mais ce qu'elle avait complètement raté par la suite. Pire : elle avait dormi et flirté avec lui alors qu'ils n'étaient même plus ensemble ! Un nouveau grondement d'estomac coupa court à ses divagations. Elle devait trouver à manger, coûte que coûte !

Sans ménagement, elle retira le bras de Ken de dessus d'elle. Ainsi rejeté, Ken se retourna de l'autre côté du lit, laissant le champ libre à Athénaïs. Elle retrouva son portable, puis son pantalon et son haut. Elle renonça à partir à la recherche de son soutien-gorge qui devait être enfoui au fin fond du lit. Il était 6h36. Donc rien n'était ouvert. « Pourquoi ne suis-je pas Anna Wintour pour avoir des assistantes qui me ramèneraient un BigMac dans la demi-heure ? » se lamenta-t-elle en son for intérieur, se rappelant d'un de ses films fétiches, Le Diable s'habille en Prada. Silencieusement elle partit à la cuisine. Comme attendu, il n'y avait pas grand-chose dans les placards. Juste ses anciennes boîtes de tisane à elle, auxquelles il ne semblait ne pas avoir touché et quelques biscuits bio. Au point où elle en était, cela ferait l'affaire. Elle remarqua, un sourire narquois sur le visage, que Ken avait refait ses stocks d'herbe. Chassez le naturel et il revient au galop...

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant