Chapitre 20

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« Avancer ta thèse ? Tu es sûre, Athénaïs ? »

Professeur Hautenant la toisait d'un œil inquiet. Il pressentait que cela avait à voir avec cette prétendue carrière dans la musique, chose que l'homme aux petits yeux perçants derrière leurs lunettes à fine monture noire, et aux cheveux grisonnants peinait à considérer comme une ambition sérieuse. La place de cette jeune femme à l'esprit vif et brillant était dans son service, ou tout du moins dans le domaine de la recherche, et non parmi les canailles et autres personnalités vulgaires que l'on pouvait observer à la télévision.

« Oui, Monsieur Hautenant. J'ai effectué la majeure partie de mon travail. Ne reste que les chiffres des statisticiens mais la responsable m'a déjà indiqué que les résultats semblent corroborer les hypothèses de nos études préliminaires.

— Peut-être mais il arrive plus souvent que rarement que les chiffres finaux soient moins... parlants, que les tendances dégagées en cours d'analyse. »

Athénaïs se mordilla la lèvre supérieure, en pleine réflexion. Depuis que la chanson « Jusqu'au bout » des Enfoirés avait fait ses débuts sur les ondes, la radiologue-musicienne était sollicitée tous les jours, sans exception. Bien qu'Athénaïs ne fût pas du genre à trop s'émouvoir du succès, elle était bien consciente que l'essai devait être transformé assez rapidement. Sa manager croulait sous les propositions de collaborations, et attendre fin mai — c'est-à-dire, presque six mois — tenait de l'impossible. Fin mars serait déjà plus acceptable.

« Tu te rends bien compte que tu joues avec le feu, Athénaïs ? Si, à la limite, tu peux encore faire pression sur Paris, parce que c'est moi, le CHU de Lille avec qui tu nous as associés risque de ne pas l'entendre de cette manière. »

A la question de la raison de cet empressement soudain, Athénaïs resta évasive et évoqua des obligations personnelles diverses. Elle souhaitait également prendre une disponibilité de six mois, dès mai. Quelque peu mécontent que cette réponse vînt confirmer ses craintes, le professeur grommela mais finit par fléchir tout en la mettant en garde :

« Ecoute, si tu me dis que presque tout est déjà ficelé, que tu as rédigé ton mémoire, que les tendances sont bonnes et qu'il ne manque plus que les chiffres, on va essayer d'organiser ça. Mais bon, le diable se cache dans les détails, Athénaïs. Il faut vraiment que ces chiffres explosent en faveur de ton hypothèse, sinon c'est foutu pour te rattraper. Et là, je ne pourrai pas intervenir. Il faut que tu contactes vite Lille.

— Très bien. Merci beaucoup, Monsieur Hautenant. »

Quand elle sortit du bureau de Professeur Hautenant, elle inspira profondément. Une bonne chose de faite. Une chance qu'elle fût une accro du travail à l'avance : grâce à cette prévoyance, elle gagnait deux mois de délai pour ses futurs projets. Comme quoi, rater les soirées du crew avait été un mal pour un bien. Elle envoya un message rapide à Stéphanie, sa manager, qui ne tarda pas à lui répondre par deux GIF transmettant ses félicitations et son enjouement.

Maintenant il s'agissait de ne pas lâcher jusqu'à fin mars.

*****

« Ah, tu pourras t'incruster dans quelques festivals avec nous ! s'exclama joyeusement Mohamed, apprenant le tour de force qu'avait effectué Athénaïs quelques heures auparavant.

Yes ! Je suis trop contente !... Bizarrement, maintenant que j'ai avancé ma date, j'ai l'impression que ma thèse n'est pas si cruciale que ça.

— Oui, une promenade de santé, tout au plus..., déclara son interlocuteur faisant mine d'approuver avant de secouer la tête : Franchement, Saya', t'es une bourreau de travail. Une folle à lier. »

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant