Chapitre 26

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« Athé', ce mec est grave amoureux de toi. Ca crève les yeux. »

Devant son miroir, ses écouteurs sur les oreilles, Athénaïs se contemplait d'un air distrait. La voix de Ken débitant les paroles d'« Egérie » résonnait dans sa tête en même temps que les mots de Soary , quelques jours auparavant, à la soirée de sa thèse.

« Je sais que Hary, c'est Hary... Mais, sérieusement, j'ai jamais vu ce regard chez un mec. »

Ce soir, pourtant, elle serait sûrement en retard à l'anniversaire du rappeur. Peut-être même qu'elle n'aurait pas l'occasion de passer si Hary avait (encore) fait les choses en grand. Elle avait d'ailleurs prévenu Ken, lequel ne l'avait aucunement blâmée. Au contraire, au téléphone, ce dernier l'avait même encouragée.

Ken était un véritable ami, songea-t-elle en se laissant tomber sur son lit. Quand elle s'était éloignée de lui après cette fameuse Saint Valentin, il ne lui en avait pas voulu. Maintenant qu'elle touchait au but avec Hary, c'était à peine s'il ne la poussait pas dans ses bras ! Ken...

Le regard fixé au plafond, Athénaïs plongea dans le rythme entraînant de la chanson suivante, beaucoup plus pop, qui rappelait un peu les intrumentaux que les DJ passaient en boîte. La réverbération de la voix chantée qui se languissait de son amour passionnel faisait écho à ses propres envies, ses propres fantasmes. Comme ce soir-là où, au-dessus d'elle, Ken... Athénaïs tressaillit, coupant court à la vision qui venait d'apparaître devant ses yeux. Non, elle n'était pas censée penser à cela ! se réprimanda-t-elle, les joues en feu. Plus maintenant, alors qu'elle s'apprêtait à finir avec Hary ! Néanmoins, le souvenir de cette nuit continua à s'imposer à elle et la jeune femme dut se rendre à l'évidence : Ken l'attirait vraiment, malgré Hary. Et Soary qui en avait rajouté, comme si elle n'avait pas déjà assez à faire avec ses contradictions.

C'était vrai que Ken et elle avaient une relation particulière, entre confidences, attirance et distance. Elle se remémora ses mains sur elle,  son bassin entre ses jambes, son visage naviguant entre son cou et sa poitrine,... son regard brûlant sur ses lèvres quand il les mordillait doucement. Mais il y avait aussi ses bras autour d'elle lorsqu'ils n'étaient que tous les deux et qu'elle se laissait aller à la rêverie. « N'empêche que tout cela n'est que physique. » raisonna-t-elle tout en se concentrant sur Hary.

Hary et elle partageaient de jolis instants de complicité. Ils avaient beaucoup de points communs et riaient ensemble, et ce, sans avoir besoin de se toucher...

Mais Ken et elle avaient expérimenté tant de choses à deux ou à plusieurs : le travail en studio, le stress en coulisses, les doutes quant à leurs projets et l'avenir... la weed... Athénaïs sourit avant de retomber dans la culpabilité tenace qui l'assaillait chaque fois qu'elle pensait à cet homme à la peau claire et à la voix rauque, trop différent d'elle. « Ca suffit, Athé'. Tu te tortures l'esprit alors que tu sais déjà qu'avec Ken, ça ne marchera jamais. Tu n'imagines même pas que ça marche, au fond. » se souffla-t-elle impérieusement.

Avec Hary, la vie était plus simple. Une véritable autoroute. Elle serait idiote de se priver de cette occasion. D'ailleurs, il était bientôt l'heure pour elle de le retrouver. Au même moment, son portable diffusa la chanson « Go » de Hanson, sur laquelle elle avait pleuré après sa rupture avec Ken. Effectivement, il avait choisi, ce jour-là. A elle d'avancer, à présent.

*

Hary était définitivement parfait. Cette fois, à bord de sa Porsche d'un gris métallisé, il l'avait emmenée dîner dans un restaurant chic — elle avait insisté pour l'inviter, mais il avait tout bonnement refusé — puis lui avait fait la surprise de l'amener à la Philharmonie. Elle ne le savait pas friand de musique classique, aussi fut-ce une découverte très plaisante pour elle.

Happée par la beauté des œuvres interprétées par l'orchestre professionnel, Athénaïs en avait oublié le cours du temps, à la grande satisfaction de Hary qui tenta une approche en glissant sa main sur celle de la jeune femme. Bientôt, un sourire victorieux se dessina sur son visage : les doigts d'Athénaïs s'étaient doucement mais sûrement entremêlés aux siens.

De son côté, le coeur battant, Athénaïs avait réalisé, lentement : c'était fait ! Ils étaient, pour ainsi dire, ensemble ! Elle avait contenu l'explosion de joie qui réjouissait son coeur. Le rêve de sa vie s'était enfin réalisé. Elle avait Hary.

Ils restèrent ainsi jusqu'à la fin du concert. En se levant de leurs sièges, leurs mains ne se quittèrent que l'espace de quelques secondes avant que Hary n'esquissât un geste pour reprendre ce qui lui revenait à présent de droit, confirmant la réalité de leur relation, bien qu'elle n'en fût encore qu'à ses premiers balbutiements.

Quand ils sortirent de l'imposant bâtiment qui abritait la Philharmonie, Athénaïs ralluma son portable. Une déferlante de messages arriva sur son mobile et le fit buguer sans qu'elle n'y comprît quoi que ce fût. Elle tapota plusieurs fois les différentes touches pour tenter de réanimer son téléphone, puis put enfin faire le compte de ce qu'elle avait reçu : une bonne quinzaine de textos de plusieurs membres de l'Entourage et trois messages vocaux, deux de Marguerite et un de Pauline.

« Say', t'es où ? » s'enquéraient la plupart des missives. « Meuf, t'abuses, wesh ! » s'était permis un Mohamed visiblement contrarié. Les SMS de Marguerite étaient un peu plus culpabilisants : « Vas-y, c'est ton meilleur pote mec dans le crew et t'es pas là ! Il a besoin de toi. ». « Passe au moins, si tu peux. On a besoin de toi pour faire la fête. » avait repris Pauline, plus concilliante.

Elle fut alors saisie d'un léger sentiment d'angoisse. Ils devaient réellement lui en vouloir de ne pas être là pour l'anniversaire de Ken. Mais le premier concerné était au courant de son absence : il lui avait même donné sa bénédiction !

« Ca va, Athé' ? » s'inquiéta Hary, scrutant l'air soucieux de son amie.

Elle hésita à lui dire la vérité, de peur de gâcher leur soirée. Finalement, afin de partir sur de bonnes bases dans leur relation, elle prit le parti d'être honnête :

« C'est l'anniversaire d'un gars de l'Entourage aujourd'hui et les gens me tannent parce que je ne suis pas là. »

Hary éclata de rire.

« Eh bien, même quand vous n'êtes plus de thèse, docteur, il me semble que vous soyez très demandée ! » s'exclama-t-il.

Heureuse que Hary ne lui fît pas de crise de jalousie comme Thibault avait pu faire auparavant, Athénaïs se détendit. « Allons, ce n'est que le début. » tempéra sa conscience sans entamer vraiment la bonne humeur de la jeune femme.

« Ce groupe, c'est un peu comme une famille. » fit-elle.

Hary hocha la tête.

« Je t'y emmène, si tu veux, proposa-t-il.

— Oh non, Hary, ne t'inquiète pas. Ils s'en remettront... »

Le téléphone d'Athénaïs choisit cet instant précis pour vibrer dans la main de cette dernière. Marguerite. La jeune femme tergiversa longuement tout en se mordant l'intérieur de sa lèvre inférieure avec anxiété, devant son écran allumé, sous les yeux intrigués de Hary. Finalement, le portable s'éteignit avant qu'Athénaïs n'eût fait un geste pour prendre l'appel.

« Tu es sûre ? la questionna Hary. Tu devrais peut-être y aller. »

Seul le silence de la jeune femme lui répondit. Celle-ci gardait son regard rivé sur son téléphone.

« Bon, on y va, décida Hary. C'est quoi l'adresse ? »

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