Chapitre 32 (2)

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« Les amis, on est arrivé ! Dieu bénisse les GPS et les batteries externes ! »

Il était dix-neuf heures. Les trois amis globe-trotters avaient enfin atteint le fameux panneau qui leur souhaitait la bienvenue dans la fabuleuse ville de Las Vegas.

Partis à dix heures et demi, ils avaient sillonné les différentes stations touristiques essaimées sur la mythique route 66. Ils avaient traversé un village de tipis, aperçu ce qui avait été le premier Mc Donald's, admiré les énormes villas des stars des années 60, s'étaient promenés dans le parc national Joshua Tree et avaient entrevu la silhouette du volcan Amboy qui déformait le désert de Mojave où la chaleur avait dépassé les 40°C.

Athénaïs, Ken puis Mamadou s'étaient relayés au volant, l'auto-radio diffusant leurs titres favoris par Bluetooth. La première, assise sur la banquette arrière, s'étira avec force.

« Kendrick est un monstre mais niveau instrumental, il ne bat pas Kanye. Pas encore, en tout cas. Kanye West, c'est quand même un mec à part. Tu ne peux pas le classer. »

Sur la route, ils avaient discuté de choses et d'autres et s'étaient reportés sur le programme d'Athénaïs, une fois de retour à NYC et le projet d'album de Mamadou. Leur conversation avait ensuite dérivé sur Coachella, l'urbanisation de la scène musicale internationale, sur les featurings improbables des dernières années et enfin sur une comparaison des différents rappeurs américains.

« Ouais, mais c'est le flow qui prime quand tu rappes, quand même ! avait avancé Mamadou.

— Justement ! Faut savoir kicker sur les beats de Kanye ! C'est pas tout le monde. »

Concentré sur son téléphone, Ken s'était mis en marge de la discussion. Ses proches à Paris étaient en train de lui envoyer une quantité faramineuse de messages. Ce qui n'augurait jamais rien de bon.

« Désolé les gars, mais je la remets ! J'adore cette chanson ! »

Le rappeur grec faisait défiler les mails de sa boîte de réception, murmurant un juron. Un politicien en mal de reconnaissance qui avait été cité dans un des morceaux sur lequel il avait posé avait finalement décidé de porter plainte. Depuis que cette première affaire de prétendue menace de mort par chanson interposée avait été jugée en faveur de la personne qui les avait attaqués en justice, Mohamed et lui, il semblait que toutes les autres personnalités s'étaient empressées d'écouter l'ensemble de leurs projets pour pister toute mention de leur nom. Le pire, c'était que jusqu'à maintenant, il relisait ces lignes qui avaient fait tant polémique et il ne voyait pas où le juge avait pu trouver matière à statuer contre eux.

C'était exaspérant. Combien allait-ce encore leur coûter ? Effectivement, Ken n'avait pas à rougir des chiffres de son album associés aux recettes de son film, mais ce n'était pas non plus un énorme pactole, donc s'il pouvait éviter de débourser 45 000 euros inutilement !.... D'autant plus qu'il n'était pas tout seul dans ce pétrin : s'il pouvait s'en sortir, ce serait peut-être pas le cas de ses associés. Cette mauvaise presse allait leur finir par leur causer des torts et limiter leur exposition, or devenir persona non grata n'était jamais avantageux pour personne.

Un nouveau juron s'échappa de sa bouche.

« Qu'est-ce que t'as, gros ? le questionna Mamadou, consterné par le secouement de tête impatienté de son ami qui se pinçait l'arête du nez.

— Encore une plainte d'un de ces fils de chacals, cracha Ken. Ca commence à être relou, putain. Les mecs, ils écoutent jamais de rap, déjà... ! Ils se sont tous donné le mot ! »

Ses amis soupirèrent. Etre Nekfeu n'était vraiment pas souhaitable, par moments. Ils essayèrent de lui remonter le moral, sans réel succès : le visage de Ken resta fermé, les iris brûlants d'une lueur furibonde.

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant