Chapitre 29 (2)

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Mamadou avait prévenu Ken par message : Athénaïs n'était pas prête à conter fleurette après sa rupture avec Hary mais elle acceptait de le revoir. Le Grec traversa rapidement le parc pour rejoindre les deux amis qui l'attendaient dans un pub, dont il ouvrit la porte quelques minutes plus tard.

La première chose qui le frappa, c'était ses cheveux. Elle avait troqué son ancienne coupe pour un carré légèrement effilé. Si la longueur passée de ses cheveux respirait la sensualité, sa nouvelle coiffure lui conférait désormais un air de femme affirmée. Comme si son regard appuyé de son eye-liner n'était pas assez fier comme ça.

En un mot, elle était canon. Et ce n'était pas la seule chose qu'elle avait changée. Sa manière de s'habiller était moins classique. Moins sage. Cela ne tenait qu'à de légers détails : un haut un peu plus échancré qu'à l'habitude, des boucles d'oreilles un peu plus voyantes et un rouge à lèvres rouge. Mais c'était suffisant pour qu'il dût se concentrer afin de ne pas laisser paraître son trouble quand il lui fit la bise. Si c'était l'effet de sa rupture avec Hary, vraiment, lui ne l'avait pas marquée, ne put-il se retenir de noter.

Après les premières banalités et quelques phrases à propos de leur expérience respective hors de France, Mamadou décida de s'éclipser pour sortir fumer et se balader, par la suite. Arriva alors l'instant tant attendu et redouté, sur Creep de Radiohead. Athénaïs attendit patiemment que Ken prît la parole. Elle ne comptait pas du tout l'aider. Après quelques minutes, Ken se gratta la nuque et parla enfin :

« Je ne sais pas trop par où commencer. »

Athénaïs haussa simplement les épaules, sans dire un mot.

« Tu n'as rien à me dire ? »

Elle secoua la tête en haussant une nouvelle fois des épaules, toujours muette. Ken serra les dents. Il détestait les filles qui agissaient avec ces manières. Et il était venu jusqu'à elle, ne pouvait-elle, elle aussi, faire un effort ? Mais c'était Athénaïs. Il soupira, agacé.

« Bah, j'sais pas : c'est toi qui as décidé de me chercher. »

Finalement, il la préférait quand elle gardait la bouche fermée.

« Ouais. Je me rends compte que j'ai eu tort. »

Il appela pour l'addition.

« C'est pour moi, le devança Athénaïs, en se redressant sur son siège.

— Non, vu que c'est moi qui ai décidé de te chercher, comme tu le dis si bien.

— Je comptais inviter Doumam's en sortant de chez moi, donc c'est bon.

— Non, non, j'insiste. »

Elle ne débattit plus. Toutefois, lorsque le serveur vint à leur hauteur, elle dégaina sa carte bancaire avant que Ken ne présentât la sienne. Ce dernier protesta mais elle pesta haut et fort en anglais :

« Tu crois que parce que je suis une fille, je ne paie pas mes factures ?! C'est ça ?!»

Pris de court par ce revirement de situation, Ken resta bouche bée. Le serveur encaissa alors Athénaïs qui prit ses affaires, se leva et quitta le pub. Ken ne tarda pas à la talonner et à la rattraper. Il lui empoigna le bras et la fit se retourner, sous les yeux surpris des passants.

« C'était quoi, ça ? s'emporta-t-il.

— T'as claqué assez d'argent pour rien, c'est bon, ça suffit ! rétorqua-t-elle en lui retirant son bras.

— Pour rien, vraiment ? »

Athénaïs fuit les yeux noisette qui la transperçaient, comme à chaque fois.

« Je ne comprends pas pourquoi tu te dérobes alors qu'on n'a plus aucune raison de s'éviter : aucun de nous n'est en couple.

— Justement ! »

Elle reprit son chemin, Ken toujours sur ses talons aiguille. Il l'attrapa à nouveau par le bras et la fusilla du regard.

« Athénaïs, et si on arrêtait de faire les gamins et on parlait vraiment ? »

Un frisson parcourut alors l'échine d'Athénaïs.  Oui, c'était vraiment ça, le problème, en fait. Elle les aimait obstinés.

****

Ils eurent une longue discussion sur l'un des bancs du parc emblématique de la Grosse Pomme. L'animosité était retombée.

Ainsi, Athénaïs avait abandonné l'idée de se caser, pile au moment où il ressentait ce besoin de stabilité, et ce avec elle, se lamenta Ken. Il était maudit ! Peut-être que cette relation n'était pas écrite. Ou bien elle l'avait été mais comme il avait commis l'irréparable... Pourquoi avait-il été aussi stupide ?

« Doum's m'a dit un truc chelou, tout à l'heure.

— Ah oui ?

— Il m'a dit... Il m'a dit que j'étais, genre... la femme de ta vie... ? »

Le sang de Ken se glaça. Il n'avait pas osé !...

« Ouais, tu me rassures, fit Athénaïs, en apercevant l'horreur dans ses prunelles. Je me disais bien qu'il avait surinterprété un truc. »

Mamadou, ce cafteur ! Il ne valait pas mieux que Pauline, sur ce point-là ! grommela intérieurement Ken. Heureusement qu'Athénaïs avait été prompte à tirer une conclusion qui lui convenait.

Ils étaient encore à parler quand Mamadou appela Ken au sujet du programme de leur soirée. Ce dernier questionna Athénaïs du regard qui leur conseilla un bar-boîte sympa non loin de là où il était aussi possible de manger.

« Tu viens avec nous ? » proposa Ken.

Une hésitation se fit ressentir chez Athénaïs. Elle avait bien envie de se défouler et de profiter de son séjour à New York mais la présence de Ken était un peu gênante pour la célibataire libre qu'elle désirait être.

« Ah. T'as peut-être du boulot avec...

— Non, je viens. »

On était samedi, et si elle s'était bien entendue avec les personnes avec qui elle avait travaillé jusqu'à maintenant, cela lui faisait du bien de retrouver un peu de sa vie à Paris, ici, à New York. Elle aviserait sur place.

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant