" Non. "

Chapitre 18

Athénaïs jeta un coup d'oeil circulaire. Tant de VIP réunis en un seul endroit, c'était pour le moins inhabituel. Tous les grands noms de la pop française s'étaient donné rendez-vous au studio où s'enregistraient tous les hymnes des Enfoirés depuis plusieurs années : la salle de répétition principale était un large espace où il était même possible de placer un petit orchestre. A son arrivée dans ce quartier général bien particulier, il avait semblé à la jeune femme qu'elle faisait également ses premiers pas dans un monde à part, aussi vaste que fermé. A sa gauche, des personnes qu'elle n'avait vues qu'en image, à sa droite, des gens qu'elle n'avait entendus que sur Youtube. Et tout ce beau monde qui s'échangeait joyeusement les nouvelles et les potins,... attendait ses instructions pour commencer.

Remarquant sa détresse, Pascal Obispo s'interrompit en plein milieu de sa diatribe au sujet de sa nouvelle comédie musicale. Il s'excusa auprès de ses interlocuteurs avant d'enjamber le studio pour retrouver Athénaïs.

« Allez Athé', il faut que tu nous montres qui est la chef ! » fit-il avec un clin d'oeil, puis il reprit aussitôt la parole d'une voix forte : « C'est pas tout, mais il est temps de s'y mettre ! Chers Enfoirés, je vous présente celle dont on entend déjà pas mal parler : Athénaïs, mieux connue sous le nom de Sayanah. Comme nous avions décidé, notre hymne sera, cette année, quelque chose de plus urbain, histoire de nous renouveler un peu. Notre Soprano national nous a donc soufflé cette merveilleuse idée de faire appel à cette rappeuse extraordinaire, très talentueuse, qui nous est sortie du conservatoire et qui a finalement refusé de faire un choix entre l'urbain et le classique et a décidé... de tout mixer, en fait ! Vous allez voir, c'est extraordinaire. Enfin, Athénaïs, je te laisse la parole. »

Athénaïs, qui avait entre-temps viré au rouge pivoine, resta bouche bée une milliseconde, se ressaisit enfin et saisit son courage à deux mains.

« Euh... Bonjour à tous ! commença-t-elle, s'efforçant de calmer sa voix rendue nerveuse par le trac. Donc comme Pascal vous l'a dit, je m'appelle Athénaïs. Pour le reste, il ment complètement. »

La blague fit son effet, ce qui détendit la jeune femme. « Bon, ils ne sont pas si horribles. Ce sont des personnes humaines, normales, qui font juste de la musique. » se remémorait-elle. Elle entreprit d'expliquer le sens de la chanson qu'elle allait leur apprendre, ensuite sa structure. Au fur et à mesure qu'elle plongeait dans sa bulle musicale, sa voix se raffermissait, prenant plus d'assurance.

« On y va ? » finit-elle par dire avec enthousiasme, ce qui entraîna au travail le reste du groupe, dans la bonne humeur.

Le reste de l'après-midi se passa en calembours et vocalises. Assise à la console en compagnie de Fabien, l'ingérieur du son du studio, Athénaïs veillait au bon déroulement des enregistrements. Alors qu'elle observait les artistes s'approprier les mots de ses amis du S-Crew et ses propres mélodies, elle laissa son esprit vagabonder un instant au gré des notes. Quel sentiment étrange que celui d'être à sa place, là, derrière une vitre, à écouter sa musique résonner dans les haut-parleurs, l'entendre se modifier dans la bouche des uns et des autres, quelquefois se déformer, se dénaturer, même, mais elle n'en était pas fâchée, au contraire. Cette sensation de plénitude sereine mêlée à une fierté joyeuse l'emplissait comme jamais auparavant. C'était comme si rien n'avait existé avant ce moment.

Elle comprenait mieux maintenant. Si Ken, si Mohamed, si Mikaël n'avaient pas abandonné leurs carrières malgré les embûches et leur avenir incertain, c'était pour ces moments de bonheur là, ces instants de satisfaction où tout paraissait flotter et sans importance devant l'Art qui s'était révélé à eux. Elle se rappela d'une conversation qu'elle avait eue avec Ken, un soir d'été qu'ils traînaient ensemble dans un parc voisin. Ils parlaient d'avenir.