Prologue

68 9 5
                                    


Lâche. C'est le dernier mot que m'a adressé Eleonor Dincken lors de mon dernier jour au lycée. Ce mot résonnait incroyablement bien dans sa bouche. J'aurai peut-être eu le cran de le lui dire, si ces yeux avaient arrêté de me lancer leurs habituelles foudres. 

C'est donc sur une dispute sans grand intérêt que s'est finie ma dernière journée en tant qu'élève à Stanford. J'aurai pu me sentir triste de quitter l'établissement qui m'a vu croitre et dans lequel j'ai passé chaque jour de ma vie depuis six ans.
J'aurai du me sentir triste. 

C'est en sortant de l'établissement qu'Eleonor m'est tombée dessus. Elle qui ne s'est jamais montrée très bavarde avec moi, mis à part pour me dire des acerbités, sembla recouvrer miraculeusement la parole. Je dois dire qu'elle a sorti le grand jeu pour mon départ. Un monologue des plus explicites, dont je n'ai pu saisir qu'à peine la moitié des mots, accompagné de gestes de bras, d'hurlements et de soupirs.
D'un point de vue extérieur, on aurait pu penser qu'elle me souhaiterait bonne chance pour la suite, me dirait adieu en m'embrassant. Elle aurait pu me confier combien elle était désolée que cela se soit fini de cette manière entre nous en m'adressant un petit sourire. 
J'aurai pu à mon tour y croire il y a quelques années, mais plus aujourd'hui.
Elle est restée froide, ses yeux azurs enragés fixés dans mes rétines. Je l'ai regardé sans un mot, attendant impatiemment qu'elle finisse son mélodrame. 
 Aujourd'hui, il est presque impensable de se dire que nous étions les meilleures amies du monde.

C'est fou comme tout à coup, le monde peut s'écrouler. En l'espace d'une seconde, ce dernier se dérobe sous nos pieds, alors que tout autour continue de vivre normalement. En un clin d'œil. Pour toujours. La brutalité de ce changement est assommante, monstrueuse.
Mon univers à moi s'est retrouvé chamboulé par deux fois. Par deux fois en seize ans j'ai senti l'air manquer à mes poumons et mon cœur s'écrouler dans ma cage thoracique. 
La première fois fut la pire. C'était à l'hôpital, lorsque j'appris que notre famille passait de 4 à 3. Que mon âme passait de 2 à 1. 

La deuxième fois fut plus étrange. Nous dinions à la maison lorsque papa et maman m'annoncèrent dans le plus grand des calmes que nous déménagions à 500 bornes d'ici. Je me souviens m'être étranglée avec mes spaghettis et n'avoir pu retrouver mon souffle que trois bonnes minutes plus tard. Un paquet de mouchoir avait été déposé au préalable par mes parents à côté de mon assiette. Je n'ai pas su déterminer sur le moment s'ils craignaient que je pleure de tristesse ou de joie. 

TwinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant