CHAPITRE 21

580 48 12
                                    


Taehyung

    La nuit a été très longue pour moi. Ma mère a eu les désagréments du sevrage qui est en lui-même un désagrément. Les vomissements, les vertiges, les sueurs froides, les cauchemars. J'ai pris soins de ma mère.
    Je me souviens lorsque j'étais encore un gosse et que ma mère s'était séparée de mon père, nous vivions dans cette horrible maison mais qui me réchauffait le cœur malgré tout. Une fois, ma mère a reçu un client violent chez nous et comme à chaque fois, elle me faisait sortir pour ne pas que j'assiste à son nouveau travail, et je n'ai jamais voulu y assister non plus. Après m'être encore fait tabassé dans les rues étroites par des gamins de mon ancienne école, je suis rentré chez moi. La nuit venait de tomber mais j'étais ébloui par ce lampadaire qui illuminait le petit bout de pelouse devant notre maison. Je suis rentré sans frapper et la cuisine était dévastée. De la vaisselle était cassée, je me souviens particulièrement des fleurs que nous avions cueilli avec ma mère le matin même. Le vase dans lequel baignaient les fleurs fraîches était brisé, l'eau répandu sur le carrelage déjà abîmé et les fleurs avaient presque toutes perdues leurs pétales. Sauf une. Une rose. Je l'ai prise et j'ai retrouvé ma mère en pleurs dans son lit. Elle se sentait sale et au fond d'elle, morte. Je lui ai tendu la rose parce que pour moi, ma mère était cette rose.
    Toutes les fleurs avaient péri dans leur chute sauf la rose et ma mère était pareille. Malgré les chutes qui ce sont succédées, elle représentait cette rose. En grandissant, ma mère a perdu ses pétales.
    Le gosse que je suis encore au fond de moi se rappelle de ma génitrice quand elle pleurait la nuit, qu'elle s'affamait pour me nourrir, que les hommes la malmenaient pour que je puisse dormir sous un toit même s'il avait des fuites. C'est cette femme courageuse, détruite et en même temps désespérée que j'imagine aider. C'est peut-être une manière pour moi de la remercier d'avoir vécu aussi mal pour que je puisse vivre mieux.
    Alors que ma mère est agenouillée devant les toilettes à vomir, je suis dans la salle de bain et je lui fais couler un bain. Il est à peine cinq heures trente du matin mais j'imagine que c'est presque l'heure de se lever. Comme Nessa vient fréquemment passer la nuit chez moi, j'amène certaines de ses affaires qui étaient pliées dans mon armoire murale et les pose sur le meuble lavabo. Je sais qu'en soit, ça ne se fait pas de donner des vêtements à une personne sans demander la permission mais c'est un cas de force majeure. Et si Nessa m'en veut alors, je lui achèterai d'autres fringues pour qu'elle cesse de faire la gueule. Je n'ai clairement pas envie qu'on se prenne la tête pour des vêtements.
    Ma mère tire la chasse d'eau des toilettes et me rejoint dans ma salle de bain.

« Je te laisse te détendre dans un bain chaud. J'ai sorti une brosse à dents neuve et tu n'as qu'à te servir de mon dentifrice. Je t'ai déposé des vêtements ici et il y a des serviettes propres dans le placard derrière toi. »

    Ma mère écoute sagement ce que je lui dis mais je vois qu'elle est épuisée, qu'elle n'a plus rien en elle. Ce vide que j'ai pendant très longtemps ressenti, je le vois en elle. Je prenais de la drogue pour combler ce trou que je n'arrivais pas à remplir sans comprendre qu'elle l'agrandissait et moi, je m'enterrais dedans.
    Je sors de la pièce et ferme la porte derrière ma sortie. Quand j'entends qu'elle ferme la porte à clé, je sors de mon appartement et entre doucement dans celui de Nessa. Elle oublie tout le temps de fermer la porte à clé.
    Il fait complètement nuit parce qu'elle est encore couchée. En même temps il est encore tôt. Malgré le manque de lumière, je me repère très facilement dans les pièces et réussis à rejoindre le lit de ma copine. Sans avoir à vérifier mon identité, elle se blottit contre moi en disant faiblement :

« C'est à cette heure-là que tu arrives ? »

    Je pose mes lèvres sur les siennes et la serre contre moi. Ce baiser représente la corde qui me tient en dehors de l'eau, aujourd'hui. Sans Nessa, je ne sais pas si la drogue et l'alcool n'auraient été que des souvenirs.

Love on lie 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant