» Chapitre 10 : Sometimes you can choose to not be a dick «

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   J'ai cru que j'allais exploser. 

   Est-ce que j'y suis allée trop fort avec ma remarque sur son passage en orphelinat? D'accord, c'était peut-être un peu violent, mais...

   Non. Ce qui est violent, c'est d'avoir fait perdre des milliards en ayant cru que son jugement à lui allait être mieux que celui de nous tous réunis. 

   Ça devrait être interdit. Que quelqu'un qui est sorti de ta vie il y a presque trois ans soit encore en mesure de te... bouffer comme ça, il n'y a pas d'autre terme.

   Au moment où je sors d'Arrow House, je m'aperçois que j'ai reçu il y a 24 minutes un message de Tommy me disant que la réunion avec le maire de Manchester est annulée. Bon sang, je n'aurais pas pu voir ce message avant? Je suis scotchée pratiquement 24 heures par jour à mon portable, mais c'est là, maintenant, que je loupe un message comme ça?

   J'ouvre l'application pour commander un taxi sur mon téléphone, mais je me rends compte que je ne sais pas où j'ai envie d'aller. Vu l'heure, je suis en théorie encore censée travailler mais je crois que je n'ai jamais de ma vie autant peu eu la tête à ça. Pas grave, je ferais compter mes heures supplémentaires du samedi pour ça. 

   Pas au travail, donc peut-être aller à la maison? On est mercredi, 16 heures 30, Harrison ne sera pas encore rentré. Mais je n'ai pas envie d'y aller non plus - je ne sais pas pourquoi, je ne veux juste pas y aller. 

   Pas au travail, pas à la maison : restent donc les écuries. Oui, ça me parle, ça. Vu le ciel grisonnant qu'il y a, il y a même des chances qu'il se mette à pleuvoir et je crois que c'est exactement ce dont j'ai besoin : une ballade sous la pluie. Je m'excuse à l'avance pour la douche, Monaghan Boy.

   Lorsque j'arrive aux écuries, je constate avec soulagement qu'il n'y a ni Curly, ni May qui rôdent dans les parages. Monaghan Boy est tranquillement en train de mâchouiller du foin dans son box, l'air à moitié endormi.

- Coucou, lui dis-je en entrant dans le box avec un cure-pieds et deux brosses pour lui faire une beauté. Oh non, pas elle encore... Et bien si...

   Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé, mais je doute que ce cheval n'ait jamais été aussi propre de toute sa vie. Je l'ai tellement bien brossé que sa robe noire brille presque. Ce qui est assez inutile dans la mesure où la pluie résonne sur le toit de l'écurie depuis un moment déjà, mais ce n'est pas grave. Peu importe ce qu'il se passe à l'extérieur : 28,6 milliards, Michael... au moins, Monaghan Boy est tout beau.

   Je mets ma bombe d'équitation puis enfile le filet à Monaghan Boy. Par chance, il prend le mors sans protestations et sur le coup, je me sens un peu ridicule à me sentir soulagée par ce détail : en temps normal, je demande toujours à quelqu'un d'autre de le faire à ma place car même si je sais qu'il y a une partie dans la bouche où il n'y a pas de dents, je n'arrive pas à faire comprendre à mon cerveau que mes doigts ne risquent rien.

   Une fois qu'on est tous les deux fin prêts, je le sors du box et l'amène jusqu'à un petit tabouret posé dans l'entrée de l'écurie qui m'est bien utile pour monter en selle. Ou plutôt sans selle ici en l'occurrence : c'est une habitude que Finn et moi copions de temps à autres de Tommy et j'avoue que je trouve ça assez sympa aussi.

   Sauf que pour monter sans étriers, c'est une autre paire de manche. Je demande à Monaghan Boy de s'arrêter sans bouger le temps que je grimpe sur le tabouret, mais il en profite bien sûr pour faire un pas vers la droite et rendant la distance qui nous sépare infranchissable. 

- Ne le fais pas exprès, dis-je en redescendant du tabouret.

   Cette fois, c'est le tabouret que je rapproche du cheval et par chance, Monaghan Boy reste immobile.

- Tu sais - (J'essaye d'ajuster les rênes dans une main avant de monter, mais Monaghan Boy en profite pour faire un pas en avant.) - sérieusement? J'ai entendu dans une série l'autre jour une phrase sur laquelle tu pourrais méditer - (Je redescends du tabouret pour le décaler vers ma gauche.), c'était un truc du genre «sometimes you can choose to not be a dick» et franchement - (Et voilà, un autre pas vers la droite.) médite sur ces propos, ça ne te fera pas de mal. Maintenant, bouge pas parce que si Tommy a effectivement fait installer des caméras de sécurité partout, j'ai vraiment l'air de...

- Tu as besoin d'aide? 

   Non. Non non non.

   Debout sur mon tabouret, je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qui a parlé. 

   Michael, non. Non non non.

   Je ne réponds pas et vois du coin de l'oeil comment il s'approche de la tête du cheval et qu'il tient le bas des rênes pour ne pas qu'il bouge. J'hésite pendant un instant, puis monte finalement en selle. 

- Tu n'as rien de mieux à faire? (Je n'ai pas réussi à m'empêcher de faire ce commentaire.) Genre, comment trouver 28,6 milliards de dollars en un temps record?

   Sans le regarder, j'ajuste les rênes entre mes mains et veux faire signe à Monaghan Boy d'avancer, mais Michael se tient toujours devant.

- Je suis passé voir mon cheval, répond-il simplement.

- Oh, maintenant, c'est ton cheval? 

   Ce qui est vrai, en théorie. Sauf que depuis qu'il est resté à New York, je doute qu'il soit passé s'occuper de son cheval une seule fois.

- Linn, je...

- Parfait, c'est ton cheval! J'ai laissé mon chéquier au bureau, mais je peux le déposer à la banque demain. Tu en veux combien, 4.000? 5.000? C'est pas un cheval de course et on ne sait même pas de quelle race il est. Allez, on va dire 4.000 pour la valeur sentimentale. 

   Il lâche les rênes et fait un pas sur le côté.

- Il n'est pas à vendre. Linn, reprend-il sur un ton un peu moins crispé, il faut qu'on parle. 

   Non non non. Je sens que je commence avoir du mal à respirer. Est-ce que pour une fois, pour une fois, il ne peut pas juste arrêter?

- Si tu t'apprêtes à me dire que tu vas emmener Monaghan Boy en Amérique ou je ne sais quelle connerie comme ça, je te jure, Michael, je te jure que je vais trouver un avocat qui va faire en sorte que tu n'aies pas le droit de t'approcher de ce cheval dans un rayon d'un kilomètre.

   Je n'ai aucune idée de ce que je suis en train de raconter, je ne sais même pas...

- Je ne suis pas là pour Monaghan Boy, répond-il en me regardant droit dans les yeux. Tu le garde, je te donne ses papiers et il est à toi. Je ne les ai pas là, mais je te les enverrai dès que possible, d'accord?

   J'hoche la tête une fois, puis fais signe à Monaghan Boy de se mettre en marche. Il s'exécute, mais la conversation n'était visiblement pas terminée pour Michael.

- Est-ce que ça va, avec Harrison?

   Par réflexe, je tire un peu sur les rênes et le cheval s'arrête. Non mais de quoi je me mêle? De quoi je me mêle? Est-ce que je lui en pose des questions lui, sur sa Gina?

   Je me retourne pour lui faire face.

- Il faudra vraiment que tu m'expliques à quel moment tu penses que ça te concerne. Tu n'as rien d'autre à faire que de...

- Tommy m'a dit que je devais te demander comment ça se passait avec Harrison.

- Et? Tu t'es pas dit qu'il disait ça juste pour t'emmerder, après que tu aies causé la perte de 28,6 milliards à l'entreprise?

- Est-ce qu'Harrison est correct avec toi? demande-t-il en ignorant ma dernière phrase.

- Ça ne te concerne pas, Michael. 

- S'il te plaît -

- Oui. Ça te va? C'est bon, je peux y aller?

   Sans attendre sa réponse, je me retourne et fais signe à Monaghan Boy qu'on s'en va d'ici. Lorsqu'on sort de l'écurie, la pluie tombe avec une telle force qu'on dirait que quelqu'un s'amuse à jeter des seaux d'eau du ciel, mais ça ne me dérange pas : au contraire, j'ai l'impression que l'univers est en train de pleurer avec moi.

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant