» Chapitre 53 : Si tout se passe bien «

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   Lorsque j'étais en train de rassembler mes quelques affaires avant de sortir de l'hôpital le jour même - à part mon pantalon déchiré et mon portable à écran brisé, il n'y avait pas grand-chose que je risquais d'oublier -, une dame en blouse blanche est entrée dans la chambre et a demandé à Michael s'il pouvait sortir le temps qu'elle me parle en privé.

   Michael n'avait pas l'air enchanté par la proposition et j'ai deviné qu'il devait être en train d'évaluer les probabilités que cette docteure soit en réalité une agente payée par le père Hughes ou peu importe qui d'autre pour m'assassiner. Mais finalement, il a dû juger le danger minime et est sorti en refermant la porte derrière lui.

   Moi non plus, je ne trouvais pas la situation franchement fantastique. D'une part, parce que je venais à peine de retrouver Michael il y a vingt minutes et que je n'aspirais qu'à rentrer chez lui et à regarder la première chose qui passerait à la télé, avachis sur le canapé jusqu'à s'endormir (assez étrangement, ce qui m'avait un peu aidé à tenir les dernières heures était le fait qu'on était vendredi soir et que le vendredi soir, il y a toujours des rediffusions de l'émission des Kardashians sur une chaîne obscure ou une autre).

   Mais d'autre part, c'est surtout parce que la docteure en question n'était personne d'autre que la gynécologue chez qui j'avais été en catastrophe après l'épisode Harrison.

   Elle a été tout aussi gentille que la première fois et j'ai vu qu'elle cherchait à comprendre comment je m'étais retrouvée avec une blessure par balle, quelques mois après lui avoir plus ou moins fait part de ma séparation avec Harrison pour cause qu'il est complètement à côté de la plaque. Honnêtement, à sa place, je me serais posé la même question. 

   Je lui ai donc répondu que non, Harrison n'avait rien à voir avec tout ça et que c'était simplement mon patron qui m'avait tiré dessus. 

   Non, je n'ai bien sûr pas dit ça - je lui ai juste fait comprendre que c'était un accident, qu'on était en train de s'entraîner à tirer avec des amis et que j'étais au mauvais endroit.

   Je ne sais néanmoins pas si mon histoire l'a convaincue, parce qu'elle m'a à nouveau donné la carte d'une de ses collègues assistante sociale. J'ai pris le petit carton et l'ai fait disparaître dans la poche de ma veste par politesse.

   * * *

   J'ai passé tout le week-end sur le canapé à regarder tout et n'importe quoi à la télé avec Michael. Lui assis droit comme un i comme à son habitude, moi avachie sur la banquette, la tête posée sur sa jambe et les yeux rivés sur l'écran. Quand il a cru que je dormais, je l'ai entendu prendre la télécommande pour éteindre le son alors que Kris Jenner était en train de se plaindre de je ne sais plus quoi, puis il a changé de chaîne pour mettre un programme qui parlait de la bourse. Ensuite, il a fait défilé un demi-milliard de menus et sous-menus de la télé pour essayer de mettre les sous-titres, mais il s'est finalement résigné à suivre l'économie du monde en lisant sur les lèvres du présentateur ou quelque chose comme ça.

   Le silence était tellement apaisant - toute la situation était tellement apaisante que je ne lui ai que dit que j'étais toujours encore réveillée quelques longues minutes plus tard. 

   Nous n'avons pas parlé de Tommy, ni du père Hughes. J'ai entendu Michael parler au téléphone avec Tommy, en revanche. Je crois que ce dernier a essayé de lui expliquer qu'il a fait ce qu'il avait dû faire - c'est à dire me tirer dessus et nous livrer moi, Gina et Elio à notre triste sort dans un cagibi - pour sauver ses propres enfants.

   Je ne suis pas certaine que Michael ait été très réceptif à son discours, néanmoins. Il a raccroché au milieu d'une phrase, de la même façon qu'il avait simplement fait taire Kris Jenner quelques heures plus tôt.

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant