» Chapitre 40 : Fourmis «

925 71 38
                                    

- On s'est assez aventurés au milieu de nulle part dans la forêt pour que tu puisses me tuer sans qu'un joggeur ne retrouve mon corps dans les prochaines semaines, je pense, dis-je pour briser le silence.

   Cela fait sûrement une demi-heure que je suis en train de suivre Michael à cheval sans qu'il daigne me dire ce que je fais là. Il est venu me voir dans mon bureau ce matin, me disant que si j'avais le temps et/ou l'envie, il aurait un certain nombre de choses à me raconter - mais pas ici, non, si tu veux Linn on peut prendre les chevaux comme ça on sera plus au calme.

   Et j'ai dit oui. Bien sûr que j'ai dit oui. J'ai annulé un rendez-vous téléphonique avec un conseiller de Birmingham, j'ai éteint mon ordinateur et j'ai rejoint Michael aux écuries, où il attendait déjà, Monaghan Boy et un autre cheval noir dont je ne me souviens pas du nom, sellés et prêt à partir.

   Et me voilà donc, un mardi matin du mois de juillet, sous la chaleur estivale, à suivre Michael à travers des chemins sinueux entre les arbres. Je ne sais pas s'il sait vraiment où il va ou s'il a simplement choisi l'itinéraire le moins dégagé et celui avec lequel je me prendrai le plus de branches en plein visage (parce que lui, sur son grand cheval il n'a pas ce souci, mais moi sur Monaghan Boy au ras des pâquerettes, on ne joue pas dans la même cour). 

- On est arrivés.

   Il fait s'arrêter son cheval si brusquement que Monaghan Boy lui rentre dedans, et je dois le faire reculer avant que la monture de Michael ne donne un coup de sabot à mon pauvre petit cheval noir qui n'a rien demandé à personne. 

   Je m'apprête à rétorquer que si ici, ça, c'est être arrivé, on aurait pu être arrivés il y a vingt-cinq minutes déjà, puis je me rends compte de l'endroit où nous nous trouvons.

   C'est une petite lisière en bordure de forêt, juste en face des champs, dans laquelle se trouve un banc qui a l'air de moisir ici depuis 2003 au moins. Michael m'avait déjà emmené ici, il y a des années de ça. Je n'étais jamais retournée depuis. Je n'aurais même pas su retrouver le chemin, de toute façon.

   Michael descend de son cheval, puis l'accroche à une branche de façon à ce qu'il puisse brouter quelques touffes d'herbe. Je l'imite, mais prends soin de ne pas trop approcher Monaghan Boy de l'autre cheval. Ils n'ont pas l'air de trop s'apprécier mutuellement. 

   J'enlève mon casque et le pose sur le banc, à côté de celui de Michael. Il sort un paquet de cigarettes de la poche intérieure de sa veste, puis l'allume.

   Il avait arrêté, il fut un temps.

- Le prêtre Hughes, commence Michael en s'asseyant sur le banc, Tommy m'a dit que c'était toujours encore prévu que vous lui confiez la gestion d'un des orphelinats de Birmingham.

   La question me déboussole un peu. Je m'éloigne de quelques pas pour aller m'adosser contre un arbre, puis m'aperçoit qu'il y a des sortes de grosses fourmis qui semblent se servir du tronc comme un autoroute et décide de ne pas envahir leur territoire. A la place, je croise les bras devant moi.

- Oui, c'est toujours d'actualité. Enfin... depuis un moment, déjà - depuis la crise économique, quand on pensait encore que tu avais perdu 26,8 milliards et qu'on a un peu paniqué en se disant «merde euh il nous met un peu des bâtons dans les roues Michael, là». Pourquoi?

- Tu ne peux pas le laisser faire, répond-il sans me regarder.

- Si, en fait? Il a déjà tous les locaux, il fallait juste que les sanitaires soient remises aux normes, et cetera, mais c'est ce qui revenait le moins cher donc forcément... Pourquoi? Pourquoi tu as besoin qu'on soit au milieu de la forêt pour me dire ça?

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant