[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AU

» Chapitre 33 : Ultimativement «

Je ne sais pas exactement comment j'imaginais qu'allaient se passer les choses après que Polly m'ait dit qu'elle savait où était Campbell, mais... Certainement pas comme ça.

Pas nous, toutes les deux, dans une sorte de roulotte Gypsy tirée par deux chevaux bruns - chevaux ou poneys? je ne sais jamais où se situe la différence entre les deux -, le tout au beau milieu de la forêt de Birmingham, à l'ouest de la ville. Depuis plusieurs heures déjà, on arpente des chemins de campagne tellement sinueux que la plupart des tracteurs ne s'aventureraient même pas dans ces contrées.

Mon cœur tambourine depuis tellement longtemps dans ma poitrine que je ne sens presque plus rien du tout.

Polly est assise en face de moi sur une petite banquette en tissu bleu usé, dans ce qui doit être la partie «salle à manger» de l'habitation et essaye pour la je ne sais combientième de fois d'allumer un bâton d'encens avec un briquet qui a clairement rendu l'âme. A ce stade, cela ne m'étonnerait même pas qu'elle dise à Jordie, le fils d'Aberama qui est notre cocher pour la journée, d'arrêter la roulotte afin qu'elle puisse ramasser du feu de bois dehors et allumer une flamme tels les aventuriers de Koh-Lanta.

Je suis quasiment sûre que Polly Gray saurait faire apparaître une étincelle avec rien d'autre que des brindilles. D'ailleurs, elle devrait participer à Koh Lanta tout court, pas juste parce qu'elle sait faire du feu : avec son caractère bien à elle, je suis certaine qu'elle deviendrait instantanément la préférée des téléspectateurs - ou en tout cas, la candidate un peu trop tête de mule qu'ils adoreraient détester. J'imagine déjà beaucoup trop bien la scène : des jeunes candidats du type «Matthew et Louis, jeunes-trentenaires-actifs-cadres-dynamiques-qui-pratiquent-le-triathlon-le-week-end», essayer de faire apparaître en vain la moindre étincelle depuis des heures et Polly les regardant faire un peu à l'écart, disant en aparté à la caméra «je leur ai proposé un coup de main dès le début, mais ils n'ont pas voulu d'une vielle croûte comme moi. Reste à voir combien de temps ils tiendront sans manger de riz chaud - moi c'est pas le problème, j'ai déjà repéré un massif de bigorneaux le long de rochers sur la plage et j'ai de quoi tenir pendant un bon moment, mais eux qui sont sûrement habitués à leurs boissons en poudres hyper-protéinées chez eux à la maison, je mettrais pas ma main au feu que... »

- On est arrivés, m'annonce Polly au même moment où je réalise que notre embarcation vient de s'immobiliser.

On est arrivés.

Elle ouvre la petite porte en bois à l'arrière et descend de la roulotte. Je la suis, tout en prenant soin d'emporter ma nouvelle casquette/béret/coiffe des Peaky Blinders. Je l'ai repliée sur elle même parce que je sais pertinemment que je vais un jour m'entailler les doigts sans faire exprès avec les lames à l'avant et que j'essaye de repousser au maximum mon passage chez SOS-Mains.

On est arrivés. Campbell ne doit plus être loin.

Je crois que l'expression «être au milieu de nulle part» n'a jamais pris autant sens que là, aujourd'hui. Nous sommes dans une sorte de clairière dans la forêt, avec une sorte de gouffre qui mène à une sorte de petit ravin pas trop grand pas très loin, près duquel se trouve dans un coin ce qui doit être le reste d'un feu de camp ou quelque chose de la sorte et...

Près du ravin se trouve Aberama Gold et à côté de lui, une sorte de déchet a les poignets ligotés dans le dos et est à genoux par terre. Un sac en toile brute lui recouvre toute la tête. Aberama Gold a un pistolet pointé sur son épaule.

Il est là.

Un silence digne des meilleurs cimetières s'installe tandis que Polly s'approche d'eux et que je fais de même, tout en gardant une distance probablement un peu disproportionnée avec les autres. Du coin de l'œil, je vois que Jordie n'a pas bougé sur sa roulotte et n'a pas l'air d'avoir l'intention de se joindre aux festivités.