» Chapitre 21 : Linn, Finn «

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- Linn, il faut que tu viennes. C'est Tommy.

   Me faire réveiller à 3 heures du matin par la sonnette à la porte n'était pas exactement sur ma liste des choses à faire cette nuit-là. Me retrouver en pyjama devant Arthur à trois heures du matin l'était encore moins.

- Il l'a appris, ajoute-t-il. Ce que toi, Solomons, la russe et Finn avez fait. Les Fabergé. Le vol chez les Petronova.

   Moi, Solomons, la russe et Finn. Il n'a pas mentionné Michael et une partie de moi ne peut s'empêcher d'être soulagée par ce détail.

   Et merde. 

- Il a appris ça à 3h07, un dimanche? je demande à voix basse en espérant qu'Harrison n'ait pas été réveillé par le bruit.

- Les voies du Seigneur sont impénétrables, répond Arthur. Il faut que tu viennes, ordres de Tommy. Aux bureaux, à Small Heath.

   En temps normal, j'aurais certainement fait une remarque sur la formulation très atypique «les ordres de Tommy», mais je me contente d'hausser la tête et d'attraper ma veste accrochée au porte-manteau.

- Euh... tu as le temps de te changer avant, propose Arthur sur un ton un peu gêné.

   Je jette un coup d'œil à mon bas de pyjama gris sur lequel sont imprimées des petites fleurs. C'est bon, on dirait presque un jogging... Ne faisons pas comme s'il y avait un dress code pour des rendez-vous à pas d'heure comme ça. Et puis si c'est juste pour écouter Tommy nous remonter les bretelles pendant une éternité, je crois que ça va passer.

   Quelques minutes plus tard, je suis Arthur dans sa voiture - la plus luxurieuse de toutes celles des Shelbys, où Finn est déjà assis à l'arrière. Sa tenue n'est pas bien meilleure que la mienne.

- Ah donc c'est comme un ramassage scolaire en fait? je demande en attachant ma ceinture à côté de Finn.

   Ce dernier hausse les sourcils en soupirant. 

   Moins d'une dizaine de minutes plus tard, Arthur se gare devant les bureaux et notre petite troupe descend de voiture. Une fois dans le bâtiment, on monte à l'étage jusqu'au bureau de Tommy, où se trouve déjà ce dernier en compagnie de Tatiana Petronova. Seules quelques petites lampes sont allumées, ce qui créé une atmosphère assez glauque. Assez étrangement, personne dans cette pièce n'a l'air fatigué et cela ne fait que me renvoyer à mon propre sommeil qui commence à me manquer cruellement.

- Merci, Arthur, commence Tommy sur un ton faussement enjoué une fois que la porte est fermée. Linn, Finn, je ne perdrai pas de temps à vous dire que je suis extrêmement déçu par votre implication dans ce cambriolage et...

- Ce n'était pas un cambriolage, le coupe la duchesse. Juste un simple échange.

- ... dans ce cambriolage, reprend-il. D'une part, parce que je pensais que pour une fois, pour une fois, tout le monde allait faire tout exactement comme je l'avais dit - plus de magouilles illégales, je pensais que c'était assez clair mais de tout évidence, ce n'était pas le cas. (Il marque une pause et se passe une main sur le visage en fermant les yeux.) Et d'autre part... Linn, Finn, sérieusement? De tous les Shelbys, de tous les Peaky Blinders, vous deux? 

   A côté de moi, Finn ne prononce pas le moindre mot et se contente de regarder droit devant lui, tel un soldat se faisant redresser les côtelettes par son supérieur hiérarchique. Ça ne doit pas être facile tous les jours d'être le plus jeune des frères Shelby.

  Et pour ma part, je ne sais pas quoi dire que Tatiana ne lui aurait certainement pas déjà raconté. Oui, c'était une idée stupide. Oui, si c'était à refaire, je ne retenterais certainement pas le coup. Mais...

- Est-ce que les Petronova ont remarqué que les Fabergé ont été remplacés? je demande sur un ton moyennement assuré.

- Si seulement, si seulement, murmure Tommy. Non, c'est... Il y a une heure environ, j'ai cette duchesse ici présente qui débarque dans mon bureau (Tatiana nous fait coucou de la main en souriant de façon malicieuse.) pour me dire que vous deux, ainsi que Solomons, l'avez aidée à voler des Fabergé - ce qui est déjà très merdique, mais ça ne s'arrête pas là, n'est-ce pas, Tatiana? Les œufs que vous avez volé, vous n'en verrez jamais le moindre centime. Vous voyez, ça, c'est ce qui arrive quand on joue à des jeux dont on ne connaît pas les règles. C'est ce qui arrive quand on travaille avec la mafia russe.

- Mais merci pour le coup de main, commente-t-elle. Ossie adore les Fabergé.

   Ossie? C'est qui ça, maintenant? Un chien?

- Oswald Moseley, clarifie Tommy. 

   Effectivement un chien, donc.

- Attends, intervient Finn pour la première fois, c'est une blague? Ça veut dire que tu travailles pour ce con, Tatiana?

   Elle remue les doigts devant nous, une sorte de diamant brillant à son annuaire. Une bague de fiançailles? Sérieusement? Oswald Moseley, ce boulet d'extrême-droite? 

- Donc on a fait tout ça pour rien? continue Finn. Je croyais qu'on allait partager le butin! Et Solomons, dans tout ça, il était de mèche aussi?

- Si ça peut vous rassurer, répond la duchesse, monsieur Solomons s'est tout autant fait avoir que vous.

   Mon Dieu, c'est pas possible... Donc on a risqué tout ça pour rien? Pas le moindre million à l'horizon? J'essaye de me repasser toute l'expédition en tête, mais je n'arrive pas à trouver de moment qui aurait pu être un indicateur de tout ça. Tommy a probablement raison : l'indicateur, c'était Tatiana Petronova. La mafia russe. 

- Bon, et bien... ça nous apprendra? dis-je finalement sur un ton hésitant. J'ai eu peur que l'oncle et la tante de Tatiana aient remarqué que leurs œufs ne sont plus les originaux, mais si c'est que ça...

- Oh, tu es adorable, Linn, soupire la duchesse avec un sourire compatissant. Non, je ne suis pas juste venue rendre visite à Tommy pour lui dire que toi, Finn et Solomons, vous êtes des idiots de première. Je suis venue pour informer Tommy que j'ai dit à la police que vous aviez tous les deux volé les Fabergé qui étaient dans ma famille depuis des générations.

   Elle ne mentionne pas Michael. Je ne sais pas à quoi elle joue, ni... Non, ce n'est pas possible. Si Michael était du côté de Tatiana depuis le début... Non, il n'aurait pas fait ça.

   Mais il a besoin d'argent, me susurre une voix à l'oreille. Il a besoin de beaucoup d'argent et il faut bien qu'il commence quelque part. 

   Et comme si l'Univers était une scène de théâtre parfaitement orchestrée, la porte du bureau s'ouvre et quatre policiers entrent dans le bureau. Je reconnais l'un d'entre eux, un certain Sergent Moss qui travaillait souvent avec Tommy à l'époque. Sergent Moss n'a pas l'air ravi, mais je doute qu'il ait son mot à dire ici.

- Finn Shelby, Linn Pritchard, vous êtes en état d'arrestation. Vous avez le droit de rester silencieux, tout ce que vous dites pourra être retourné contre vous. 

- Vous ne pouvez pas faire ça! s'exclame Finn. Tommy, dis quelque chose! Tommy!

   Mais Thomas Shelby ne dit rien et se contente de regarder les forces de l'ordre nous emmener.


[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant