» Chapitre 52 : Mouettes «

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Lorsque j'ouvre les yeux, la première chose que je vois est une mouette.

Une énorme mouette, juste au-dessus de moi, figée dans son mouvement.

Je suis sur un lit et il y a une mouette dessinée sur le plafond au-dessus de moi. Plusieurs mouettes, en fait, et un crabe aussi. Des palmiers et une sorte de ballon en plastique gonflable comme j'en avais reçu une fois un quand j'étais petite dans un menu enfant sur un restaurant d'autoroute.

Une fois, en été - je devais avoir sept ou huit ans, je crois - j'avais emmené le ballon à la piscine plein air de Birmingham. C'était un de ces étés ennuyants à mourir, probablement au milieu du mois d'août quand toutes mes amies étaient en vacances à la mer ou chez leurs grands-mères au milieu de nulle part et que j'étais la seule à être encore à la maison. Nos vacances à nous, c'était toujours la première semaine du mois de juillet, lorsque les prix étaient moins chers, et toujours dans le même bungalow du même camping à 1h30 de chez nous et... oui, j'étais à la piscine avec ce ballon. Je me souviens que ma mère était assise pas loin du bassin sur un transat, en train de lire un de ces magazines people qu'elle traite de torchons mais qu'elle ne peut s'empêcher de faire tomber dans le caddie lorsqu'elle est au supermarché.

Et moi, je pataugeais dans le bassin des grands, là où je n'avais pas pieds. Ma mère ne devait probablement pas réaliser que là où j'étais, je ne touchais pas le fond, parce que sinon, elle ne m'aurait jamais laissée toute seule comme ça pendant qu'elle lisait je ne sais quels potins sur je ne sais qui en 2009.

Je me souviens qu'à l'instant où j'ai vu pour la première fois de ma vie un pistolet en vrai, j'étais en train de flotter à plat ventre sur le ballon gonflable - ou plutôt, en train d'essayer de tenir en équilibre dessus, ce qui était plus facilement dit que fait.

Je ne crois pas que qui que ce soit d'autre à la piscine ait remarqué que l'homme habillé de la tête aux pieds en noir avait un pistolet à la ceinture. Ma mère, en revanche, a eu l'air d'être amèrement consciente de ce détail puisqu'elle a baissé sa revue lorsque l'inconnu s'est assis sur le bord du transat avoisinant le sien. Elle a baissé un peu ses énormes lunettes de Soleil en plastique très années 2000 pour l'inspecter de plus près, puis les a remontées et a repris sa lecture.

Je ne saurais dire combien de temps il est resté là à lui parler de je ne sais quoi, mais ce que je sais, c'est que maman n'avait pas l'air très intéressée par son propos.

Moi non plus, d'ailleurs - quand j'ai vu que ma mère ne semblait pas se demander outre mesure pourquoi un homme habillé venait à la piscine avec une arme à feu sous sa veste, j'ai dû me dire quelque chose de l'ordre «ça n'a pas l'air de déranger maman, donc il n'y a pas de souci à se faire» et me suis remise à essayer de tenir en équilibre sur le ballon de plus belle.

- Prends ton temps, surtout, dit tout à coup une voix dont le ton sous-entend que je ne devrais pas prendre mon temps. C'est pas comme si j'avais d'autres trucs à faire non plus.

C'est l'odeur stérile qui me fait réaliser que je suis à l'hôpital.

Je cligne plusieurs fois des yeux en essayant de me redresser. Isiah est avachi sur une chaise à côté du lit.

- Bouge pas, Linn! - ta jambe...

Au même instant, je sens comme une piqûre de moustique très insistante sur le côté de ma cuisse. Où je me suis faite tirer dessus. Par Tommy.

- Devine combien de points de suture tu as, me demande Isiah en se levant pour s'approcher un peu. (Il aborde une sorte d'air déçu que j'ai du mal à interpréter dans un tel contexte.) Aucun. Zéro! Tout ça pour ça.

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant