» Chapitre 46 : C'est un constat «

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   Une fois que Michael a terminé de téléphoner avec la nourrice d'Elio, on est allés au rez-de-chaussée de l'hôtel pour dîner au restaurant. Un établissement à la cuisine française très chic, où Michael ne venait visiblement pas la première fois : en nous voyant arriver, un serveur nous a abordé en disant quelque chose du style «ah, ça faisait longtemps, Monsieur Gray, Mademoiselle Peretti», jusqu'à ce qu'il réalise que ma ressemblance physique avec Gina Peretti a clairement des limites. Le pauvre serveur a eu l'air tellement dépité que même après avoir répété pour la quatre-vingtième fois que ce n'était vraiment pas grave - honnêtement, j'ai presque trouvé ça drôle sur le coup - , il avait quand même l'air de craindre qu'on se plaigne du mauvais service auprès de son manager.

   Le reste du dîner s'est déroulée dans une ambiance tellement étrange que j'ai eu l'impression de me voir de l'extérieur pendant tout le repas. Me retrouver à manger comme ça avec Michael, après tout ce temps, c'était... étrangement normal. Au début, je craignais de ressentir le besoin de combler le vide en parlant de la pluie et du beau temps, mais finalement, c'était simplement... non, j'ai failli dire «comme avant», ce qui serait exagéré, mais l'idée y est. Presque.

   Mais bon. Si ça se trouve, Michael a trouvé le manque de conversation gênant, mais dans ce cas, il ne l'a pas laissé paraître.

   Après le repas, on est retournés dans l'ascenseur. Michael est occupé à écrire quelque chose sur son portable et lorsque l'ascenseur descend au lieu de monter, Michael relève brusquement la tête avant de remarquer que je n'ai pas appuyé sur le bouton «Suite Royale - 12e étage», mais sur «Piscine et espace wellness - étage -1».

- Je veux juste voir à quoi ça ressemble, dis-je lorsqu'il m'interroge du regard. C'est inclu dans le prix de toute façon, donc ça serait du gâchis de pas visiter un peu - bon, toi tu connais sûrement, mais moi pas. Juste deux minutes, je sais que tu as probablement du travail ou quoi et...

   Je m'arrête de parler lorsque je vois qu'il se contente d'hocher vaguement la tête, l'air complètement dans ses pensées.

   Parfois, j'aimerais juste savoir ce qu'il pense. Juste parfois.

   La porte de l'ascenseur s'ouvre... sur un couloir noir. Il est quelle heure? Je pensais que ce genre de trucs était ouvert plus longtemps... 

   Michael sort de l'ascenseur et appuie sur un interrupteur. Les néons au plafond s'allument l'un après l'autre. Il avance dans le couloir avec cette assurance caractéristique des Peaky Blinders, comme s'ils savaient systématiquement, toujours, dans chaque situation, peu importe où ils sont, que le monde leur appartient et qu'ils en sont conscients, mais qu'ils ne cherchent pas à en faire un foin. Chez Michael, c'est forcément moins marqué que chez Polly ou Tommy vu qu'il n'a pas reçu l'éducation Peaky Blinders, mais là, maintenant, ça se voit quand-même. Ce n'est pas forcément une bonne ou une mauvaise chose, c'est juste... une chose.

   Les roses sont rouges, les violettes sont bleues, Michael slalome dans je ne sais pas combien de couloirs et je le suis tout en réfléchissant déjà à ce que je pourrais dire comme excuse à un agent de sécurité qui nous attraperait ici. Les murs sont bleu clair et le sol, recouvert de carreaux noirs et blancs, me donne tout à coup l'envie - non, le besoin vital - de ne que marcher sur les carreaux noirs. Ce qui est plus facilement dit que fait, car le motif n'est absolument pas symétrique et que je me retrouve parfois face à des étendues de blanc si grandes que je dois revenir sur mes pas pour trouver un chemin plus adapté.

- Quoi? je demande lorsque Michael s'est arrêté et me dévisage d'un air que je reconnaîtrais parmi mille.

   A une autre époque, dans un autre monde, c'est la façon dont il m'aurait regardé - un sourcil un peu haussé, un sourire qu'il cherche à peine à dissimuler - juste avant de venir vers moi et de m'embrasser. Ensuite, il aurait balancé un commentaire du type «C'est comme ça que tu enfreins la loi en te rendant dans des parties fermées au public d'hôtels? En ne marchant que sur les carreaux noirs?».

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant