» Chapitre 80 : David Guetta ou les hommes chauves «

778 54 8
                                    

- Tu penses à quoi?

- David Guetta, répond Michael sans réfléchir.

   Allongée à côté de lui, je me redresse un peu et appuie ma tête sur ma main pour mieux le voir. Malgré le fait qu'il doit être minuit passé, un lampadaire mal placé de l'autre côté de la rue répand une lumière qui passe un peu à travers les rideaux pas très obscurcissant de la chambre. Michael est allongé sur le dos, torse nu - les moins vingt degrés qu'il doit actuellement faire ne semblent pas le déranger autant que moi, qui, à défaut d'avoir eu le courage de quitter le lit pour aller enfiler quelque chose, ai remonté les draps jusqu'au cou.

- C'est à ça que tu penses, maintenant? dis-je en le taquinant. Pendant ta nuit de noces, tu penses à... un quadragénaire qui a toujours l'air mal coiffé? Est-ce qu'il y a une certaine conversation qu'on devrait avoir? Qu'on aurait dû avoir il y a bien longtemps, peut-être?

   Il lève les yeux au ciel en souriant et fait mollement tomber un bras sur ma taille.

- Tu n'es pas drôle, Linn.

- Encore quelque chose auquel tu aurais dû penser avant de - (J'extirpe ma main gauche des couvertures et la tiens à une dizaine de centimètres du visage de Michael, de sorte à ce que la lumière se reflète sur l'alliance.) - d'être d'accord pour faire ça.

   Il prend ma main dans la sienne et y dépose un baiser furtif, puis un second et un troisième.

- J'arriverai à vivre avec une Linn pas drôle, commente-t-il finalement en continuant de regarder le plafond. On s'y habitue, à force.

   C'est à mon tour de lever les yeux au ciel.

- Ca y est, tu as découvert le sarcasme? j'enchaîne sans même essayer de dissimuler mon sourire. C'est bien, Michael, on est contents.

   Pour seule réponse, il roule sur le côté vers moi et vient m'attraper dans ses bras, moi et le wrap géant de draps que je forme. Lorsque Michael me rapatrie, moi et le wrap géant de draps que je forme, de son côté du lit, sa mâchoire se cogne au haut de ma tête, ce qui nous fait rire un peu bêtement et...

- Tu penses à quoi? me demande Michael tandis que je suis en train de taper le rythme de «Who's that chick» du bout des doigts sur son torse.

- Aux chauves et au fait qu'ils doivent probablement manœuvrer différemment dans l'espace pour protéger leur crâne parce que si ils se cognent la tête quelque part, ils n'ont pas de cheveux pour amortir le choc. Est-ce que tu penses qu'il y a potentiellement un lien entre la calvitie et l'espérance de vie des hommes qui est plus courte que celle des femmes?

- C'est possible, répond-il avec tout le sérieux du monde un petit moment plus tard. Attends, je vais aller voir si j'arrive à trouver une étude qui...

   Il se relève à moitié pour attraper son portable posé sur la table de chevet, mais je l'en empêche en l'écrasant plus ou moins avec mon poids.

- Je ne te laisserai pas consulter la page Wikipedia de la calvitie pendant notre nuit de noces, Michael, dis-je sur un ton faussement sérieux.

- C'est toi qui a abordé le sujet! proteste-t-il avec un sourire en coin en continuant de tendre le bras à la recherche de son portable.

- Je te l'accorde, ce n'était pas une bonne idée de parler de calvitie en premier lieu - (Il a réussi à atteindre son portable du bout des doigts, mais je l'écrase en faisant un effort surhumain pour pousser cette maudite invention technologique plus loin sur la table de chevet.) Et si on faisait le bilan des choses qu'on a apprises cette nuit, hein? En premier, on peut noter que...

- ... tu as particulièrement eu l'air d'apprécier le truc que j'ai fait avant avec ma langue?

   Je manque de m'étouffer avec ma salive et sens mes joues se réchauffer d'un coup, ce qui me déboussole assez pour que Michael arrive finalement à se redresser contre la tête de lit et à prendre son portable. Une fois sortie de ma torpeur, je me mordille l'intérieur de la joue et viens m'asseoir à côté de lui, tout en prenant soin de bien rester cachée sous les doigts - à cause du froid, mais pas uniquement.

- En premier, dis-je sur un ton que j'essaye beaucoup plus sérieux que ce qu'il est réellement, on peut noter que le fait de répondre spontanément à la question «tu penses à quoi?» n'est pas une bonne chose quand la chose à laquelle on pense, c'est David Guetta ou les hommes chauves.

- Et en second, on peut noter que tu as...

- Comme c'est dommage, dis-je en l'interrompant au moment où il me donne un petit coup d'épaule, le... stylo avec lequel on était en train de noter tout ce qu'on avait appris cette nuit n'a plus d'encre et on ne pourra donc pas noter peu importe ce que tu allais dire - ce qui était sûrement très, très intéressant, je n'en doute pas une seconde, mais malheureusement...

- Oh, comme c'est dommage. (Il pose une main sur mon genoux par dessus les draps, puis la fait doucement remonter, si lentement que je pourrais presque me demander si c'est vraiment ce qu'il est en train de faire ou si c'est uniquement ce que j'ai envie qu'il soit en train de faire.) Dans ce cas, je crois qu'il n'y a rien d'autre à faire que de... tester à nouveau ce dont quoi il était question? Peut-être qu'au bout de la deuxième fois, tu arriveras à t'en souvenir même sans avoir besoin de faire un schéma de la façon dont je -

- Michael, tu n'es pas drôle!

   Pas besoin d'avoir son visage en face pour deviner qu'un sourire en coin danse sur ses lèvres.

- Est-ce que c'était un «oui, s'il te plaît, Michael, refais ce que tu as fait avant?», me demande-t-il en ayant un peu baissé le ton un instant plus tard.

   Sa main remonte un peu plus sur ma cuisse. Est-ce que le chauffage de la chambre s'est remis en route, tout à coup? Parce qu'en arrivant, on avait essayé de l'allumer mais apparemment le machin pour tourner avant l'air tellement ancien que sans une genre de clé de mécanicien ou je sais quoi on allait pas aller loin, on a pas réussi à...

- Michael, si tu penses qu'il y a une chance que de mon vivant je dise ça, tu te...

- Je suppose qu'il y a différentes façons de formuler la question -  (Il pivote sur le lit de sorte à se retrouver face à moi, puis remonte un peu mes jambes serrées devant moi de sorte à poser une main sur chaque genou et à me regarder par les yeux en même temps. ) - un «Michael, si tu en as le cœur et l'envie, rien ne t'empêche de refaire le...

- Michael, si ça peut t'empêcher de parler pendant ne serait-ce que trente secondes, fais ce que tu as à faire.

- Trente secondes? Tu me surestimes un peu, mais si c'est là un défi que tu...

   Il laisse finalement sa phrase en suspens, prenant visiblement pitié en voyant la teinte pivoine que mes joues ont adoptées depuis avant.

- Tu sais que je t'aime, Linn, pas vrai? me demande-t-il quelques secondes plus tard sur un ton plus calme qu'avant, sans toutefois se défaire de son sourire en coin.

   Je lui réponds par un sourire et lève les yeux au ciel tandis que je lâche les draps qui m'enveloppaient.

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant