» Chapitre 45 : 1,3% «

1K 66 13
                                    

- Tu as tout?

   Est-ce que je suis prête à faire les 2h30 de route dans une voiture où il n'y aura pas d'autre âme qui vive que Michael et moi, surtout que ça va faire bientôt un mois qu'on ne s'est pas adressé la parole depuis notre dernière conversation? Non, mais est-ce que j'ai le choix? Non plus, donc adviendra ce qu'il adviendra.

   J'acquiesce tout en bouclant ma ceinture, puis il allume le moteur et la voiture s'élance sur le chemin sinueux qui s'éloigne d'Arrow House.

   Il n'était absolument pas prévu que je doive aller à Londres pour voir Solomons aujourd'hui. Tommy est arrivé dans mon bureau hier, en me demandant si j'avais des impératifs le lendemain ; j'ai répondu que non et il m'a demandé d'accompagner Michael à la capitale pour les affaires. Bien sûr, ma première réaction a été de me demander si Tommy n'avait pas fumé quelque chose - de tout le monde, moi en particulier? 

   Mais j'ai accepté. 

   A moitié parce que l'autre fois que je l'avais au bout du fil, Alfie Solomons a évoqué le fait qu'il envisageait de ne plus passer par Shelby Company Limited pour l'exportation de ses alcools mais de faire appel à un concurrent américain à la place, et qu'il faut bien que quelqu'un lui sorte cette idée de la tête. J'ai déjà prévu mon discours à l'avance «Depuis plus d'un siècle, monsieur Solomons, Shelby Company Limited et Solomons Industries sont partenaires - je m'excuse si j'ai l'air de prendre les choses trop à cœur, mais est-ce que la tradition ne compte pas pour vous?» - extrêmement mélodramatique, mais je sais à l'avance que Solomons va aborder les choses sur le même ton et dans ces cas-là, il vaut mieux parler la même langue.

   Et à moitié, j'ai accepté parce que... Michael. Un mois après ses révélations, je ne sais pas ce que je pense, ce que j'espère, ce que je veux. Ce que je sais, en revanche, c'est qu'à ce stade, j'ai juste envie de m'assurer qu'il va bien, plus ou moins. 

   Est-ce que c'est de la loyauté mal placée? Peut-être, mais en attendant, si ça me permet de dormir plus tranquillement la nuit, de la loyauté mal placée cela sera. 

   Comme on est en plein après-midi du mois de juillet, il doit faire au moins 28 degrés dehors et Michael a allumé la climatisation en conséquent. Je sens le flux d'air frais directement aller vers ma tête et n'ayant pas envie de prendre froid bêtement, j'essaye de baisser la sorte de grille en plastique d'où l'air sort près du tableau de bord, mais ça ne bouge pas - jusqu'à ce que la grille se baisse toute seule. Michael a dû appuyer quelque part.

- C'est moderne, tout ça.

   Je ne sais pas pourquoi j'ai ressenti le besoin de dire ça.

- Trois mois que j'ai la voiture et je n'ai toujours pas compris à quoi servaient la moitié des boutons sur le volant. Tu veux que j'éteigne la clim?

- Non non, c'est bon. C'est juste que je l'avais vers la tête.

   Voilà à quoi se résume notre conversation pendant les 2h30 - qui sont devenues 2h45 à cause de bouchons - de trajet. J'ai passé une partie beaucoup trop conséquence du voyage à essayer d'avoir l'air parfaitement à l'aise dans cette situation, jusqu'à ce que n'en tienne plus et que je me suis mise à me tortiller sous la ceinture pour enlever ma veste de costume - très bien pour avoir l'air professionnelle, mais nettement moins confortable pour les longs trajets en voiture. La manœuvre avait l'air plus simple dans ma tête, mais au final, je devais tellement avoir l'air de galérer que Michael a tendu une main vers moi pour soulever le haut de la ceinture de sécurité afin de me faciliter la tâche. 

   J'ai failli regretter de ne pas avoir gardé la veste, jusqu'à ce que j'ai vu que les traits de Michael ont eu l'air de se détendre, ce qui m'a aussi détendue un peu.

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant