» Chapitre 42 : Non «

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Au cours de mes quelques années d'existence, je me suis souvent retrouvées dans des situations où, comme je ne trouvais pas les mots pour réconforter quelqu'un, j'ai préféré ne rien dire du tout.

Mais là, je n'ai pas envie de ne rien dire à Michael après ce qu'il vient de raconter.

Mais là, les mots, lettres et phrases ne suffisent pas. Le langage parlé ne comprend rien que je puisse utiliser pour partager ce que je ressens à cet instant par rapport à Michael. Par rapport à ce qu'il vient de dire, mais aussi juste par rapport à lui.

Donc je m'approche de lui et glisse ma main dans la sienne.

On n'a jamais trop été du genre à marcher dans la rue en se tenant la main, à l'époque. Michael tient trop les microbes en phobie pour ça et je l'imagine très bien essayer de ne rien se faire remarquer si je m'étais mise à lui tenir la main après avoir tenu la barre dans le métro - qu'il n'aurait précisément pas touchée, préférant risquer de faire un vol plané à travers la rame plutôt que de toucher ça.

Il n'a jamais fait de vol plané dans le métro. Non pas que l'on ait pris le métro à New York tant de fois que ça pour qu'il y ait statistiquement une chance que ça arrive, de toute façon.

Mais là, je crois que les microbes sont la dernière chose dont il a quelque chose à faire.

On reste comme ça pendant un moment. Comme il me tourne le dos, je ne vois pas son visage et je me demande si ses yeux sont aussi embués que les miens.

- Je n'ai pas raconté tout ça pour que tu aies pitié de moi, dit-il finalement sur un ton qui se veut plus neutre qu'il ne l'est réellement. Je ne veux pas que tu penses que ça soit un stratagème pour te récupérer.

- C'est bon, Michael.

Je ne lui dis pas qu'à ce stade, j'ai juste envie de l'enrouler dans un plaid et de lui dire que tout ira bien, exactement comme il l'avait fait avec moi après l'épisode John. Je ne lui dis pas que je suis à milles lieues de pouvoir ne serait-ce considérer éprouver de la pitié au sens péjoratif du terme où il l'entend, mais que mon cerveau réfléchit à cent à l'heure pour essayer de faire rentrer ce qu'il vient de dire dans tout ce qui s'est passé les quatres dernières années.

Tout ce temps passé à le mépriser chaque jour un peu plus - honnêtement, la situation ne me facilitait pas la tâche, tandis que lui...

Je ne suis pas naïve au point de penser que ça fait quatre ans qu'il écrit dramatiquement dans un cahier des «Cher journal, aujourd'hui, ça fait 1.147 jours que je ne suis plus avec Linn alors que je l'aime toujours encore autant qu'au premier jour» . Gina est passée par là, de toute façon et même s'il ne la connaissait pas avant, ils ont bien dû s'apprécier mutuellement avec le temps. Et...

- Il va mourir, ce prêtre, dis-je quelques instants plus tard. Il va payer pour ce qu'il a fait, pire que la façon dont Campbell a payé. Je te promets, Michael, il...

- Il va payer, répète-t-il en se retournant. Je m'en chargerai personnellement.

S'ils étaient mouillés à un moment, ses yeux ont eu le temps de sécher entre temps. Les miens aussi, je remarque par la même occasion.

J'hoche la tête, puis Michael place sa deuxième main sur la mienne et je l'imite.

- Je suis tellement désolée, dis-je finalement en sentant que ma voix repart un peu dans les aigus. Tu devais me trouver tellement... chiante pendant tout ce temps, surtout avec cette histoire de 26,8 milliards que tu n'avais jamais perdus au final et...

- Linn, non. (Il caresse mes phalanges du bout du pouce.) Chaque raison que tu avais de me détester, je veux que tu la garde. J'aurais pu gérer la situation différente, de façon à ce que tu n'en sois pas une victime collatérale comme tu l'as injustement été.

- Non. Non non non. Tu... Oui, il y avait des moments où clairement, je ne pouvais pas trop voir ta tête en peinture, mais j'aurais dû...

- Non, m'interrompt-il. Tu n'aurais rien dû du tout. C'est moi qui suis désolé pour tout ce que je t'ai fait.

Je n'essaye même pas de réprimer le sourire qui me vient.

- Non, Michael. Je... Oui, il va falloir que je réfléchisse à tout ça au calme - toi aussi, je pense, mais... une chose après l'autre. Enfin - oui, je comprends que tu sois désolé, mais si l'on ajoute tout le contexte que tu viens d'apporter, je pense que...

- Tu t'es retrouvée avec Harrison à cause de moi.

J'ai envie d'avoir un mouvement de recul, mais n'en fait rien. Je ne veux plus entendre ce prénom, jamais.

- Alors là, non. Si je me suis remise avec Harrison, c'est de mon propre gré, à cause de... mes problématiques personnelles avec lui que je n'avais clairement pas résolues, mais dans tous les cas, ça n'a rien à voir avec toi.

Je suis un peu sur la défensive, mais je n'arrive pas à estimer si je le suis trop ou pas assez.

- Si on avait encore étés ensemble, tu ne serais pas retournée chez lui.

- Qui sait combien de temps on aurait encore étés ensemble? je demande en essayant de ne pas parler trop brusquement. Si ça se trouve, même pas deux mois après que tu partes pour Gina, on aurait eu une dispute existentielle et je me serais coltinée Harrison dans tous les cas.

- Ca n'aurait pas été le cas, Linn.

Ca n'aurait pas été le cas? Peut-être, mais ça aurait pu.

- Donc dans ta tête, Michael, on allait juste rester ensemble jusqu'à nos quatre-vingt dix ans et espérer que nos petits-enfants ne nous placent pas dans des maisons de retraite différentes?

Je me rends compte que je n'aurais pas dû dire ça de la façon dont je l'ai dit au moment où je vois que c'est autour de Michael d'avoir un mouvement de recul.

- Désolée, je voulais pas dire ça comme ça, dis-je rapidement. C'est juste que... c'est actuellement la foire dans ma tête, je... j'ai passé des mois à me demander ce que Gina avait et moi pas - des mois, Michael - et il me faut juste le temps de... de je sais pas, de faire le tri dans tout ça parce que là...

- C'est bon, Linn, c'est bon, répète-t-il en me passant furtivement le dos de la main sur la joue. C'est moi qui suis dans les choux, comme tu dirais. Je crois qu'il vaut mieux qu'on rentre et que je te laisse tranquille pendant quelques temps.

J'hoche la tête.

- C'est une bonne idée, je pense.

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant