» Chapitre 26 : Mobile-Home «

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Quand j'étais petite, on partait toujours au même endroit pendant les vacances. Un camping dans le sud de l'Angleterre, près de Brighton, dans lequel on louait un mobile-home pendant deux semaines en été. Là-bas, mes parents m'inscrivaient à toutes les activités gratuites pour enfants de 6 à 12 ans possibles et imaginables et à la fin de chaque séjour, je rentrais avec un pseudo-diplôme imprimé sur du papier bon marché sur lequel était écrit «Linn Pritchard a participé avec succès à la semaine de vacances du club Brighton Sea Holidays for Kids».

La partie nom-prénom était à remplir soi-même et au fil des années, on voit mon écriture s'améliorer, même s'il m'aura fallu attendre jusqu'à mes 8 ans pour que je sache enfin écrire les «r» minuscules de «Pritchard» correctement.

J'aimais beaucoup ce club de vacances. La plupart du temps, c'étaient des activités du type «qui arrivera à construire le château de sable sur cette plage de cailloux le plus rapidement possible?» ou encore du «allez on va se baigner dans l'eau à 19 degrés les enfants par contre vous noyez pas on a pas d'assurance spéciale pour vous», mais j'adorais y aller. Aller à la mer, c'était... c'était comme aller à la piscine municipale de Birmingham, mais en mieux. En plus froid, plus grand, plus profond, plus sauvage. En mieux, donc.

Jusqu'à ce que je passe un certain temps à New York avec Michael, c'était la seule fois de ma vie où j'étais allée à la mer. Bon, à New York, c'est l'océan et pas la mer donc théoriquement ça ne compte pas, et en plus, je n'avais même pas mis les pieds dans l'Atlantique.

J'aurais dû. J'aurais dû enlever mes sandales et tremper mes pieds dans l'eau rien que pour pouvoir ensuite dire que j'ai mis un orteil dans l'Atlantique.

Et c'est pour ça que j'ai opté pour l'Australie. Une île géante au milieu d'un océan. Un océan plus chaud que la Manche, qui plus est. Une île géante au milieu d'un océan plus chaud de la Manche, qui a l'avantage d'être à l'exact opposé de Birmingham. A l'exact opposé de tout ça.

   Le plus loin possible de Chester Campbell.

Je suis retournée au bureau pour prendre des congés. J'ai passé je ne sais pas combien de siècles en ligne à m'occuper des documents administratifs et à commander un visa.

Et je suis partie. Deux mois près de Sydney, dans un mobile-home à deux heures de bus de la prochaine ville, durant lequel je n'ai absolument rien fait à part me promener avec quelques randonneurs américains dans les environs. Ils avaient passé une éternité à l'avance à repérer les sentiers de marche de la région et ont proposé à tous ceux du camping que ça intéressait de se joindre à eux à condition d'avoir de bonnes chaussures. Je n'avais que mes Converses, mais je suis allée avec malgré tout.

J'ai bien fait. Non seulement parce que je commençais un peu à broyer du noir dans mon petit mobile-home - «mon Dieu mais qu'est-ce que je fais là en Australie, je vais rentrer encore plus dans les choux qu'avant» -, mais aussi parce que ça m'a permis de... respirer.

De voir autre chose. De mettre les choses en perspective. De ne pas avoir peur de croiser Chester Campbell à chaque coin de rue - et pas parce qu'il n'y a presque pas de rues à proprement parler ici. D'apprécier les petits bonheurs de la vie (ne pas devoir chasser des insectes plus grands que ma paume de ma douche chaque matin). De fréquenter d'autres personnes (Mary-Sue et Tim, un couple d'enseignants retraités de Nashville, Tennessee et qui étaient à l'origine des randonnées, ainsi que tous les autres participants (dont l'âge moyen devait avoisiner le triple du mien, mais là n'est pas la question)).

De faire comprendre à Harrison que j'étais sérieuse. Il m'a appelé une bonne dizaine de fois par jour au début, puis ses appels se sont faits plus espacés et au final, je crois qu'il a laissé tomber l'affaire.

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant