» Chapitre 56 : 18h46 «

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   Quand j'ai vu que Michael n'était toujours pas à la maison - à son appartement - à 18 heures passées, j'ai compris que le père Hughes avait eu au moins une autre visite en plus de la mienne aujourd'hui. 

   A 18h06, j'ai envoyé un message à Michael pour lui demander vers quelle heure il rentrait pour pouvoir commander à manger en conséquent. J'ai trouvé que c'était une meilleure approche que «coucou, du coup il est mort l'autre?».

   A 18h09, Michael a vu le message, mais n'y a pas répondu.

   De 18h09 à 18h17, j'ai marché nerveusement à travers relativement toutes les pièces de l'appartement - un peu parce que le fait de marcher m'aide parfois à réfléchir, beaucoup car le fait de marcher m'aide souvent à ne pas paniquer.

   Mais comment ne pas paniquer, après tout ce qui est arrivé à Michael? Après tout ce qui est en train de lui arriver? Sans savoir où il est? Sans savoir comment il va après cette ultime confrontation - si ultime confrontation il y a eu - si ça se trouve, Michael vient de perdre connaissance dans un pub d'un quartier mal famé de Birmingham, où il s'était rendu en espérant qu'après un ou deux verres, il saurait s'il vaut mieux aller ou non voir le prêtre en prison - Michael n'a jamais été trop porté sur l'alcool - en comparaison avec Tommy ou Isiah, il a l'air d'un enfant de chœur à ce niveau là - non, pas enfant de chœur, expression très mal choisie et à bannir à jamais de mon vocabulaire - mais dans une situation pareille, il paraît logique qu'il ait pu boire beaucoup? Peut-être qu'il a vu mon message sans même le voir, en sortant simplement son portable de sa poche tandis... tandis qu'il vient de tomber de la chaise de bar où il était assis, et que dans un réflexe il aurait pris son portable en main pour vérifier si l'écran n'est pas cassé?  Oui, ça me paraît être typiquement Michael, de faire ça, d'avoir le réflexe de se focaliser sur ce genre de détails matériels alors qu'il y a clairement plus important à l'ordre du jour...

   A 18h18, j'ai appelé le commissariat de Birmingham pour savoir s'il y avait encore des visiteurs. A l'autre bout du fil, le sergent Moss a répondu que Michael avait quitté les lieux il y a des heures.

   A 18h20, je n'ai probablement pas remercié le sergent Moss pour ses remerciements comme il se doit - je suis quasiment sûre d'avoir raccroché sans dire un mot.

   Plusieurs heures. Cela fait plusieurs heures que Michael a potentiellement ou non quitté son...

   De 18h21 à 18h34, j'ai appelé successivement Tommy, Isiah, Finn, Ada et Arthur pour savoir s'ils avaient récemment vu Michael. J'ai essayé de parler d'un ton décontracté, en présentant la chose en mode «on était censés se retrouver ce soir mais je crois qu'il a oublié et j'arrive pas à le joindre, c'est fou comme c'est facile de se perdre à Birmingham, à force d'y habiter on a l'impression que c'est une petite ville mais en fait, pas tant que ça», mais je pense ne pas avoir convaincu personne. 

   Tous ont essayé de me rassurer en disant qu'il ne pouvait pas être bien loin, Arthur est même allé plus loin en me disant qu'effectivement, Birmingham est une grande ville - «4 millions d'habitants, Linn, tu te rends compte? C'est Linda qui me l'a dit l'autre jour, je savais pas. Tu arrives à imaginer 4 million de gens d'un coup? Moi pas - Linda m'avait dit combien de gens sur des terrains de football ça représente, je crois qu'elle a lui ça quelque part dans un magazine ou dans le journal - tu savais qu'on avait le journal en papier tous les matins, maintenant? Et ouais, il arrive tous les matins sauf le dimanche, parce que ça coûte en plus et que Linda dit que le dimanche, il se passe rien de toute façon».

   Thomas Shelby, en revanche, n'a pas été aussi optimiste que son frère ainé.

   «Trouve-le, Linn» a-t-il dit d'un ton sombre avant de raccrocher.

   Fantastique. Fantastique! 

   J'ai perdu les minutes de 18h34 à 18h36 à maudire Tommy dans le vide. «Trouve-le, Linn», ce n'était vraiment pas nécessaire - je crois que ça s'entendait à ma voix que je paniquais déjà assez comme ça. Et puis lui, ne peut-il pas faire quelque chose? Il sait toujours où est tout le monde - je suis sûre que la première chose qu'il a fait quand il a hérité de l'empire des Peaky Blinders, ça a été d'acheter 4 million de puces électroniques pour pouvoir les implanter dans chaque citoyen de cette maudite ville pour que rien ne se passe sans qu'il soit au courant. 

   De 18h37 à 18h41, j'ai fait la liste des endroits où Michael aurait pu aller en sortant du commissariat. 

   Il n'est pas chez lui, il n'est pas à Arrow House, il n'est pas à Small Heath. Ce qui nous laisse...

   Absolument tout le reste de Birmingham. A peu près tout le reste de Birmingham, puisque je ne pense pas qu'il soit allé chez... son dentiste, ou quelque chose comme ça. 

   Et soudain, la réalité me frappe de plein fouet. Je m'assieds sur le bord du canapé et mets mon visage dans mes mains pendant un court instant.

   Je ne sais pas qui est le dentiste de Michael. Pourquoi je ne sais pas chez quel dentiste il va? Est-ce que lui il sait que je vais chez quel dentiste je vais? Oui - une fois, il y a quatre ans, le téléphone avait sonné et c'était la secrétaire du dentiste qui avait appelée pour me dire que mon rendez-vous était reporté mais comme je n'étais pas là c'est Michael qui a répondu et du coup, il sait chez quel dentiste je vais.

   Il sait chez quel dentiste je vais, mais moi je ne sais pas où lui il est maintenant.

   Pour ce que j'en sais, il est parti à Londres. Il a pris un billet d'avion pour New York, pour mettre le plus de distance possible entre lui et...

   Non, il est encore là. Il est à Birmingham.

   Il est 18h43 et je crois que je sais où il est.

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant