» Chapitre Quarante-Et-Un : Sparadrap «

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   Il n'avait pas prévu que ça se passe comme ça. Elle et lui dans la clairière de la forêt, les chevaux à quelques mètres de là... 

   Il a hésité à lui dire, bien évidemment. Cela fait quatre ans et demi qu'il n'y a pas un jour qui passe sans que cette petite brèche en lui lui murmure «Et si tu disais tout à Linn? Tout, dans sa totalité?». 

   Et c'était tentant. Michael s'est imaginé la scène plusieurs fois dans sa tête, mais cela ne se terminait jamais bien. Linn pleurait généralement, soit de colère, soit de dégoût. Les deux, généralement. 

   Mais maintenant, il n'a pas le choix que de lui retranscrire au moins une partie de l'histoire. En théorie, il aurait pu remplacer la partie douloureuse par «J'ai entendu dire que c'est arrivé à quelqu'un...», mais il ne veut pas.

   Il a besoin de le raconter à quelqu'un. Quelqu'un d'autre que son psychiatre, plutôt.

   Linn se tient toujours encore près de l'arbre et lui n'a pas bougé de son banc non plus. 

- Plusieurs après ce qui s'est passé avec John, commence-t-il sans la regarder, Campbell m'a contacté. Il m'a dit que c'était lui qui avait dit aux Changretta où nous trouver, et que c'était à cause de lui que John était mort.

   Il marque une pause et imagine la tête que Linn doit faire, en train d'assembler les pièces. Les sourcils froncés - le gauche un peu plus que le droit. Ou bien elle ne fait rien du tout et pense encore qu'il se moque d'elle.

- Il était sur le coup depuis plusieurs années, poursuit-il. Je suppose que tu sais que c'est à cause de Cambell que Grace est morte, elle aussi. Campbell... il veut se débarrasser de chaque goutte de sang Shelby dans Birmingham, il...

- Je sais, l'interrompt-elle avec un arrière ton amer. Il a eu l'occasion de me faire un joli exposé sur le sujet quand on s'était croisés.

- Bien sûr. Et... (Il ferme les yeux un instant.) Grace n'était que le début. John n'était que le début. Il... Linn, le jour où John est mort, on était tous censés y passer. Tommy, Arthur, John et moi. Le jeu complètement tordu que Changretta t'a fait jouer? (Michael lève la tête pour intercepter le regard de Linn. Toute couleur a quitté ses joues.) Changretta a été payé par Campbell pour nous tuer tous les quatres. 

   Michael se lève et fait un pas en direction de Linn. Il sait qu'il ne devrait pas, qu'il devrait lui laisser de l'espace - mais il sait aussi que John est un sujet très sensible et il s'en veut de devoir parsemer du sel sur d'anciennes plaies comme ça.

   Elle ne recule pas. Bon, il reste malgré tout au moins cinq bons mètres entre eux, mais elle ne recule pas. Il sait qu'il ne devrait pas, mais il s'accroche déjà à cet espoir.

- Campbell m'a donc contacté quelques mois après ça, reprend-il. Il voulait que je l'aide à tuer Thomas Shelby.

   Il faut un instant pour que Linn enregistre ce qu'il vient de dire.

- Quoi? Comment il a pu penser que tu allais l'aider à faire ça?

- D'abord, il m'a sorti la carte du «je sais que vous n'êtes pas comme les autres, monsieur Gray, vous n'avez pas grandi avec eux, ce n'est pas votre famille». Mais quand il a vu que ça n'allait pas fonctionner, il a trouvé un meilleur argument. (Il se retient de faire un pas de plus en avant.) Toi, Linn. C'était toi, l'argument. 

- Moi?

   Il n'a pas envie de lui raconter la suite. Il n'a pas envie qu'elle sache que Campbell lui a fait parvenir toute une série de photos qu'il - ou un de ses agents - avait prise d'elle lors de leurs sorties à Central Park, dans l'entrée de l'immeuble...

[ TOME 2 ] Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant