Une autre vie

Le bout du tunnel

En se réveillant le lendemain matin, il fallut quelques instants à Hermione pour se souvenir d'où elle était. Ou plutôt de quand elle était. Vaguement nauséeuse et le cœur serré par l'angoisse, Hermione se redressa rapidement pour découvrir qu'elle était seule dans la pièce.

Visiblement, Severus Rogue était déjà sorti.

Lorsque la veille, elle avait reconnu qui il était, elle avait imaginé voir le bout du tunnel, ayant confiance en lui pour l'aider à trouver une solution. Cependant, elle craignait désormais qu'il ne décide de ne pas s'en mêler. De se tenir à l'écart d'elle.

La tête lui tourna un instant et en voyant Poppy Pomfresh se précipiter à son chevet pour prendre soin d'elle, elle soupira, abattue. Elle se laissa dorloter avant d'accepter de se recoucher, fixant une fois encore le plafond, qu'elle allait finir par connaître par cœur.

La veille au soir, Severus Rogue n'avait pas dit un mot. Il était resté silencieux, l'avait juste écoutée, mais n'avait pas fait le moindre commentaire. Hermione avait supposé qu'il avait besoin de réfléchir, et elle n'avait pas insisté. Après tout, ce n'était pas courant de rencontrer quelqu'un du futur...
Elle avait vaguement espéré pouvoir avoir une conversation au matin avec le garçon, mais il avait probablement été libéré par Pomfresh et avait probablement dû aller assister aux cours.

La matinée s'étira, interminable. Hermione n'avait jamais été habituée à être aussi passive, aussi inactive. Elle pensa à Harry avec un sourire tendre, et se jura que si elle devait le revoir, elle s'excuserait de l'avoir houspillé lorsqu'il se plaignait de ne pas aimer l'infirmerie. Elle comprenait mieux ses plaintes, maintenant qu'elle était à sa place, sans même un livre pour passer le temps.

Elle remercia poliment l'infirmière qui déposa un plateau repas devant elle pour le déjeuner, et mangea de bon appétit. Une chose n'avait pas changé à Poudlard au fil des années... c'était bien la qualité de la nourriture.

A l'image de la matinée, l'après-midi lui parut interminable. Elle était presque sur le point de supplier Pomfresh de lui donner une occupation - n'importe quoi - pourvu qu'elle puisse faire quelque chose. Tout plutôt que d'être allongée à fixer le plafond alors qu'elle se sentait en pleine forme.
Ses pensées furent interrompues par l'ouverture brusque de la porte de l'infirmerie, et elle se redressa avec curiosité.

En voyant qui entrait, elle hoqueta, choquée.

Severus Rogue était de retour. Il était soutenu par une jeune fille rousse et accompagnée de Minerva MacGonagall, qui semblait furieuse.
De toute évidence, le jeune Serpentard avait subi un passage à tabac, si elle en croyait son visage enflé et son nez qui saignait abondamment.

Hermione reconnut alors la jeune fille sans peine, puisqu'elle l'avait vue un jour sur une photographie dans l'album de Harry.

Lily Evans.

Dès que Pomfresh apparut, visiblement agacée, Severus repoussa le soutien de la jolie rouquine pour s'agripper à un lit, peinant à tenir sur ses jambes. Hermione le fixait, yeux écarquillés, et leurs yeux se croisèrent un bref instant. Mais Severus n'eut pas la moindre réaction.

Poppy aida l'adolescent à s'asseoir sur un lit, et l'examina avec douceur. Cependant, elle maugréa et invectiva violemment la Directrice des Gryffondor, lui reprochant son inaction face à ses élèves trop violents.
Voyant Lily Evans qui restait un peu en retrait, l'infirmière se tourna vers elle.
- Et bien, Miss Evans ? Vous n'avez rien de mieux à faire ? Vous êtes peut-être préfète, mais rien ne vous oblige à rester ici, d'autant plus que ce sont vos amis qui sont responsables de... cette situation.

La rouquine s'empourpra et jeta un bref coup d'œil à Severus. Celui-ci évita soigneusement ses yeux et elle finit par sortir, avec un dernier regard empli de regrets en direction son ami.
Poppy soupira et tendit une fiole de potions à Severus avant de se poster devant Minerva, les mains sur les hanches.
- Comment pouvez-vous encore cautionner ce genre de comportement, Minerva ? Vous n'avez de cesse de parler de plaisanteries, appuyée par le Directeur. Mais voyez où mènent les plaisanteries ! Voir arriver un garçon battu dans mon infirmerie est loin de me faire rire !

Avec fascination, Hermione nota l'air pincé de sa future directrice de maison, et le léger rougissement de ses pommettes. Cependant, la lionne fière ne répondit pas et elle fut fermement invitée à quitter les lieux.

Pomfresh soigna Rogue avec douceur, et soupira, en le fixant dans les yeux.
- Vous devriez vous plaindre officiellement au Directeur, jeune homme. Je peux vous appuyer, vous savez.
Le Serpentard haussa les épaules et détourna les yeux, visiblement résigné. Cette attitude révolta Hermione, mais elle resta silencieuse, préférant observer un maximum de choses pour comprendre un peu plus la personnalité de son professeur dans le futur.
- C'est gentil, Madame. Mais tout ce que j'ai gagné lorsqu'ils m'ont envoyé dans la gueule du loup-garou, c'est une retenue alors que j'aurais pu...
L'adolescent frissonna, et les sourcils de Pomfresh se froncèrent davantage. Il reprit rapidement cependant, avec un soupir.
- Alors si je me plains d'une simple... bousculade comme ils disent...

L'infirmière grogna. Elle ne répondit pas, soignant le garçon d'un episkey, puis, elle changea adroitement les vêtements de Severus en un pyjama médical.
Hermione rosit, parce que c'était Severus Rogue son professeur et qu'elle ne l'avait jamais vu autrement que couvert des pieds à la tête. Le découvrir adolescent changeait tout, et elle se demanda ce que Harry avait su de l'homme si secret.

Finalement, elle lui remit une fiole avec un petit sourire triste.
- Vous connaissez la chanson, Monsieur Rogue. Installez-vous et reposez-vous.
Il obéit sans sourciller alors que l'infirmière s'éloignait d'un pas pressé.

L'adolescent aux cheveux noirs leva les yeux verts elle, et fronça les sourcils en voyant qu'elle l'observait avec attention. Il grimaça, et parla, presque agressivement.
- Un problème ? On se connaît ?

Hermione écarquilla les yeux, et comprit soudain. Severus Rogue n'avait pas fui devant ce qu'elle avait révélé - après tout, ça ne serait pas son style de fuir dans le futur.

Il avait juste... oublié.

Quelque chose, la Magie, le destin, ou quoi que ce soit d'autre qui régisse les lois de l'Univers, avait agi et effacé la confession désespérée de la fille venue du futur.

La jeune fille comprit qu'elle devrait trouver une autre façon pour avoir de l'aide, et elle soupira, avec un léger sourire.
- Ce n'est rien. Vous... Tu ressembles juste à quelqu'un que j'ai connu.
Le tutoiement passa difficilement les lèvres d'Hermione, mais après tout, ils avaient le même âge.

En se réinstallant dans son lit, pensive, Hermione commença à penser que les semaines à venir allaient être particulièrement... intéressantes bien que compliquées pour elle.