Une autre vie

Mégalomanie

Il fallut un certain temps à Minerva pour assimiler l'information. Totalement figée, elle resta longuement silencieuse. Puis elle serra les poings.
- Vous pouvez répéter ?

Hermione lança un regard inquiet à Severus mais il fixait leur collègue avec un petit sourire mauvais, comme s'il prenait enfin une revanche sur la façon dont elle l'avait ignoré autrefois.
- J'étais le gardien du secret des Potter. C'était une idée de Sirius Black en personne, et il s'est lancé un Oubliette juste après pour être certain de ne jamais les trahir.

La vieille femme vacilla et jeta un regard à Hermione, comme si elle espérait une indication que c'était une monstrueuse plaisanterie. Finalement elle se laissa tomber sur le premier siège à proximité, les mains tremblantes. Elle pinça les lèvres.
- Pourquoi accuser Sirius à tort ? Il... Ce pauvre garçon...
Severus renifla, méprisant.
- Pauvre garçon ? Nous n'avons pas les mêmes souvenirs du spécimen...

Minerva émit une vague protestation, mais elle semblait privée de sa verve habituelle. Il y eut un long silence, puis elle soupira et grogna.
- Je ne comprends pas...

Hermione ferma les yeux, hésitante. Expliquer à Minerva les raisons des actes de Dumbledore reviendrait à la mettre sur la piste de leur secret et risquait d'attirer l'attention sur Harry.
Severus prit la décision pour eux en susurrant d'une voix suave.
- Qu'est ce qu'aurait pu convoiter Dumbledore ? Black faisait obstacle à ses petits plans parfaits, évidemment.

Le silence retomba. Minerva n'était pas stupide et il lui fallut peu de temps pour comprendre. Elle souffla, horrifiée.
- Le fils des Potter. Sirius est son parrain non ? Il aurait dû l'élever... Au lieu de quoi, Albus l'a récupéré et déposé chez sa famille moldue... Ce pauvre enfant... Il aurait dû être à Poudlard mais... Il a disparu...

Minerva eut un moment d'hésitation et elle poursuivit.
- Je savais pourtant. J'ai observé ces moldus et j'ai prévenu Albus qu'ils étaient... horribles. Mais il m'a convaincu que le petit serait près des siens. Comment j'ai pu accepter ça ? Laisser un si jeune enfant sur le pas d'une porte en plein hiver ?

Severus renifla.
- La mégalomanie de cet homme n'a aucunes limites. Je ne serais même pas surpris d'apprendre qu'il a un lien avec le guet-apens dans lequel les Potter ont péri...

Minerva allait protester - surtout par habitude - quand elle fronça les sourcils et se redressa brusquement.
- Le guet-apens ? Mais ils ont été attaqué chez eux !
Hermione secoua la tête doucement.
- Non Minerva. Ils ont été attiré hors de chez eux, sous prétexte d'une réunion extraordinaire de l'Ordre du Phénix.
- Il n'y a pas... Merlin... Ce vieux fou...

Sans un mot, Hermione servit une tasse de thé à Minerva, mais cette dernière l'ignora et claqua des doigts. Un elfe apparut et elle lui demanda une bouteille de whisky pur-feu. Face à l'air surpris de Hermione, elle ricana.
- Oh voyons, Hermione. Je suis une pure fille de la lande. Ici en Écosse, il nous faut plus que du thé pour se remettre d'émotions fortes...
Après quelques gorgées d'alcool fort, elle soupira.
- Bien. Découvrir que celui à qui on a fait aveuglément confiance n'est qu'un imposteur est un sacré choc. Cependant, je dois avouer que j'avais quelques soupçons. Je pensais que je n'étais qu'une vieille femme paranoïaque mais...
Hermione soupira et haussa les épaules.
- Je suppose qu'il pense faire pour le mieux. Il ne cesse de parler de son "plus grand bien" alors...

Minerva se tendit.
- Je suis née pendant... pendant le règne de Grindelwald. J'étais jeune fille quand il a été défait, c'était juste après ma sortie de Poudlard. Mais je me souviens de certaines choses. Notamment de ses idéaux. Cet homme... il voulait asservir les moldus pour le "plus grand bien". J'ai bien peur que... Que les intentions d'Albus ne soient pas aussi désintéressées que nous le pensions.

Hermione ne pouvait pas prétendre qu'elle était surprise. Elle avait passé beaucoup de temps à se poser des questions sur les motivations de Dumbledore et elle avait compris qu'il n'était pas aussi lumineux qu'il essayait de le paraître.
Minerva semblait défaite, prenant conscience qu'elle avait suivi toute sa vie un imposteur avide de gloire.

Elle termina son verre et déglutit nerveusement.
- Dites moi que le garçon est en sûreté. Dites moi que vous savez où il est et qu'il est à l'abri des griffes du Directeur...

Hermione lui posa une main sur l'épaule, et hocha la tête.
- Il va bien Minerva. Ne vous en faites pas.

L'écossaise eut un pauvre sourire.
- Il est avec Sirius c'est ça ?
Severus grogna sourdement à l'idée que son précieux fils soit entre les mains de Black. Hermione gloussa doucement.
- Non Minerva. Sirius n'était pas vraiment apte à gérer un enfant si jeune. Il est un bon parrain bien qu'à distance.

La professeure de métamorphose dévisagea ses deux anciens élèves - désormais ses collègues - et plissa les yeux, perplexe. Puis, elle se pencha vers eux, attentive.
- Il y a plus n'est-ce-pas ?

Elle nota la lueur de peur qui passa dans les yeux de Hermione, et elle fronça les sourcils. Elle se redressa, pensive.
- Si vous craignez que j'aille raconter vos secrets à Albus, vous pouvez vous détendre. Je ne compte pas continuer à suivre ce fou mégalomaniaque. Et bien que Gryffondor, je suis tout à fait apte à me contrôler et à ne pas me précipiter dans son bureau pour le confronter.

D'un coup elle écarquilla les yeux.
- Pourquoi avoir nommé votre fils Harry ?
Les réactions du couple la renseignèrent efficacement et elle eut un rire amusé.
- C'est lui. Caché en pleine lumière, sous le nez de cet idiot. Vous l'avez récupéré et élevé.

Severus grogna.
- Il est notre fils désormais. Il sait qui il est, mais il est notre fils. Et nous ne laisserons pas Dumbledore se servir de lui pour quoi que ce soit.
Minerva fronça les sourcils.
- Bien évidemment qu'Albus ne doit pas se servir de lui. C'est un enfant, voyons ! Je suis soulagée de voir qu'il est un garçon parfaitement heureux et équilibré. Un serpentard hein ?

Hermione eut un sourire amusé.
- Harry aurait eu sa place dans n'importe quelle maison. Il a des qualités pour chacune d'entre elles. Mais effectivement, Serpentard lui convient parfaitement...
- Ainsi donc, voilà la raison pour laquelle vous travaillez à la paix entre maison. Et bien, mes enfants, vous venez de gagner une alliée. J'ignore ce qu'Albus espère, mais je compte bien m'interposer et l'empêcher de plonger le monde magique dans le chaos en réveillant une guerre terminée depuis des années.