Une autre vie

Personne pour recommencer

Hermione Granger, dix-sept ans, venait de faire un bond dans le temps, pour se retrouver en 1977. Soit un voyage de vingt-et-un ans dans le passé. La raison en était évidente : son meilleur ami lui avait lancé un sort mystérieux pour lui sauver la vie, alors qu'ils étaient sur le point d'être tués par un groupe de Mangemort.

S'il n'y avait eu personne pour recommencer l'histoire, pour changer certaines choses, la guerre aurait été définitivement perdue.

Elle avait pensé trouver en la personne de son futur professeur de potions - qui avait prouvé qu'il était le protecteur incontestable de Harry Potter - une aide bienvenue, même s'il n'était qu'un adolescent du même âge qu'elle. Mais... Après lui avoir raconté son histoire, elle s'était rendu compte qu'il avait tout oublié.

Comme si la Magie elle-même refusait d'altérer le cours du temps aussi brutalement.

Elle pouvait tenter de parler à MacGonagall, à Pomfresh ou même à Dumbledore mais elle se doutait que le résultat serait le même. Il lui fallait une autre méthode pour arriver à changer le destin tragique de son meilleur ami.

Elle s'estima heureuse que Harry n'ait eu aucun secret envers elle. Il avait partagé avec elle ses souvenirs, alors qu'ils étaient seuls tous les deux pendant la chasse aux horcruxes, pendant la défection de Ron. Elle avait alors découvert l'enfance misérable de son ami, la venue de Hagrid, et tout ce qu'ils avaient vécu. Puis, il y avait eu la résurrection de Voldemort, et la façon dont Dumbledore avait utilisé Harry.
En voyant Dumbledore forcer Harry à lui faire boire le poison pour extraire le médaillon, alors qu'ils étaient entourés d'inferi, elle s'était mise à pleurer, horrifiée, ne comprenant pas comment son ami adoré pouvait garder espoir.

La jeune fille ferma les yeux et inspira profondément, cherchant un élément du passé de Harry qu'elle pouvait modifier pour changer le futur, sans que personne n'en souffre.
Son regard tomba sur Severus Rogue, et elle cligna des yeux.

L'adolescent devant elle n'était pas encore un Mangemort. De son choix découlerait tout un ensemble d'événements qui aboutiraient à la bataille de Poudlard et au massacre qu'elle avait vu.
Selon Harry, Severus Rogue avait souffert des quolibets des Maraudeurs, puis de la perte de sa meilleure amie. Sauf que maintenant qu'elle était devant lui, elle prenait conscience que ce n'était pas de simples quolibets comme Harry l'avait pudiquement affirmé. Les Maraudeurs avaient littéralement harcelé le Serpentard, jusqu'à le frapper et l'envoyer régulièrement à l'infirmerie. Visiblement, le sauveur avait tenu à protéger l'intimité de leur professeur honni.

Hermione ne peina pas à imaginer la situation : cette souffrance quotidienne à Poudlard avait conduit le jeune homme à désirer se venger, et il avait rejoint les Mangemorts pour gagner en puissance. Il était pauvre et sang-mêlé, face à un riche sang-pur comme James Potter. Il avait donc répliqué de la seule façon qui s'offrait à lui.

Après avoir pris la marque, c'était Rogue qui avait entendu et révélé la prophétie, c'était lui qui avait tenté de sauver les Potter en devenant espion. Harry Potter était peut être le Sauveur dans la ligne temporelle que Hermione connaissait, mais c'était Severus Rogue l'origine de tout. L'origine et l'élément central.

Si Severus Rogue ne prenait pas la Marque. S'il ne s'agenouillait jamais devant Voldemort... Il y avait peut être une possibilité pour contrer Voldemort. Après tout, elle savait pour les horcruxes, et elle pouvait les localiser. Elle savait également comment les détruire, bien que le Basilic soit inaccessible et la chambre des secrets verrouillées et impossible à ouvrir. Il manquait le talent de Fourchelang de Harry...

Avec un soupir, Hermione décida de ne pas s'occuper immédiatement de la destruction des horcruxes. Tant qu'elle gardait le silence sur cet élément, c'était un avantage certain contre le Mage Noir qui voulait mettre le monde magique à feu et à sang.

Sa décision prise, elle se força à observer discrètement l'adolescent installé quelques lits plus loin. Elle devait oublier l'homme sombre qu'elle connaissait, le Severus Rogue parfois agressif, toujours sarcastique. Le sorcier solitaire, qui ne faisait confiance à personne et qui portait sur ses épaules une somme de souffrance incroyable.
Pour l'instant, il était un jeune homme de son âge. Cheveux noirs et yeux sombres, peau pâle, il était aussi maigre que Harry le serait dans le futur au retour de chez ses moldus. Même s'il tentait de cacher ses émotions, il n'était pas aussi impassible qu'il le serait dans l'avenir, et il semblait plus humain.

Elle avait noté qu'il appréciait sincèrement Pomfresh, et elle se souvint que dans l'avenir, elle l'avait souvent vu brasser des potions pour l'infirmerie, sans jamais faire la moindre réflexion. Il n'avait jamais tenu tête à Pomfresh non plus, lorsqu'il s'agaçait après Harry et que l'infirmière défendait le jeune Gryffondor. Elle comprenait mieux désormais...

S'il y avait une chose qui demeurait inchangée, c'était qu'il était aussi compliqué d'aborder le Severus adulte que le Severus adolescent. En pensant à lui en le nommant par son prénom, la jeune fille ne put s'empêcher de rougir. C'était définitivement une situation étrange.

En voyant que Severus s'agitait dans son lit, trouvant visiblement le temps long, Hermione prit une grande inspiration, ferma les yeux et se convainquit que tout irait bien. Puis, avec un sourire qu'elle espérait innocent et avenant, elle s'adressa à lui.
- Hey ? Bonjour ? Tu t'appelles comment ?

L'adolescent se redressa pour la dévisager sans complexe, ignorant le rougissement de l'adolescente. L'inspection dû être positive puisqu'il répondit, sèchement.
- Severus Rogue.
- Enchantée. Je suis Hermione Granger.

Le garçon aux cheveux noirs sembla surpris, et Hermione se sentit soudain désolée de comprendre qu'il avait l'habitude d'être rejeté et humilié. Il esquissa un vague sourire, qu'Hermione lui rendit.
- Tu crois que je pourrais demander un livre ? Je m'ennuie terriblement !

Sa question boudeuse eut le mérite de provoquer un rire chez le Serpentard, et Hermione le fixa, fascinée. Elle n'avait jamais vu son professeur rire ou même sourire sincèrement. En le réalisant, la jeune fille décida soudain qu'elle pouvait tenter de changer la vie de Severus Rogue. Devenir son amie. Le soutenir et le guider pour qu'il ne soit jamais marqué.

Il haussa un sourcil moqueur et lui montra du doigt sa besace de cours.
- J'ai un manuel de potions sur moi. De septième année. À toi de voir...

Hermione eut un petit rire amusé.
- Les potions ne me gênent pas.
Et la jeune fille se délecta de la légère rougeur sur les joues du jeune homme ainsi que de ses traits soudain détendus.