Une autre vie

Cours !

Hermione se demanda comment elle pouvait encore se trouver dans des situations impossibles, même au travers du temps.

Après la conversation avec Remus, puis l'avis sans appel du loup-garou, Hermione avait quitté la salle commune, à grands pas, pour rejoindre son dortoir. Elle ne comprenait pas comment le Gryffondor si tolérant dans l'avenir puisse être si borné à dix-sept ans. La jeune fille avait eu envie de le secouer, de lui demander comment lui entre tous pouvait rejeter quelqu'un juste sur un critère d'apparence.

Mais elle n'était pas sensée connaître le secret du préfet de Gryffondor.

A peine entrée dans son dortoir, elle croisa le regard vert de Lily, interrogateur. Elle lui adressa un sourire crispé avant de faire demi-tour brusquement. Elle avait un terrible doute, soudain. Elle avait quitté des yeux les fichus Maraudeurs, et puisque l'heure du couvre-feu n'était pas passée, Severus pouvait encore être dans les couloirs. Surtout si Madame Pomfresh avait eu besoin de lui.

Elle vit le portrait de la Grosse dame se refermer et entendit juste la mention de l'infirmerie. Horrifiée, elle partit en courant, espérant arriver avant eux.

Puisque le temps pressait, Hermione se glissa dans un des passages secrets qu'ils avaient découvert avec Harry et Ron, et qui conduisait de la tour Gryffondor presque aux portes de l'infirmerie. C'était particulièrement utile avec un ami comme Harry qui passerait dans quelques années un temps fou auprès de Pomfresh...
Elle ne ralentit pas du trajet au risque de tomber dans le noir et se blesser, haletante, se jurant de rendre coup pour coup aux Maraudeurs s'ils osaient recommencer à s'en prendre à Severus, furieuse contre eux de continuer à vouloir blesser le jeune homme, furieuse contre elle-même d'avoir baissé la garde.

Jusqu'à présent, elle avait tenté de séparer Severus de ses tourmenteurs, pensant que s'il était hors d'atteinte, les Gryffondors abandonneraient. Mais visiblement, ce n'était pas le cas. Ils continuaient encore et encore à vouloir s'en prendre au Serpentard. Il était peut être temps qu'elle soit plus offensive et qu'elle cherche à savoir exactement ce qui se passait à Poudlard.

Après tout, dans l'avenir, Remus arriverait à converser civilement avec Severus, et ce dernier - probablement sous l'impulsion de Dumbledore - lui fournirait la potion tue-loup sans trop rechigner.

Avant de sortir du passage secret, Hermione s'accorda quelques secondes pour reprendre son souffle. Puis, elle glissa un oeil prudent dans le couloir, s'assurant qu'il était désert. Elle eut une brève pensée pour la cape d'invisibilité de Harry et elle espéra que les Maraudeurs ne s'en servaient pas à cet instant. Pas plus que de leur foutue carte.
Elle prit une grande inspiration, et sortit dans le couloir, pour entrer dans l'infirmerie brusquement.

Severus était derrière un chaudron, un peu à l'écart, concentré sur sa tâche. En entendant la porte s'ouvrir, il avait jeté un coup d'oeil distrait, et avait froncé les sourcils en voyant Hermione. Celle-ci se maudit, puisqu'elle n'avait pas pensé à préparer une excuse pour expliquer sa présence. Elle était juste entrée, sans avoir réfléchi une seule seconde au fait qu'elle devrait se justifier.
Avant que le Serpentard ne puisse lui demander des raisons de sa présence, Pomfresh arriva.
- Miss Granger.

Hermione la salua, un peu hésitante. Puis elle se mordilla les lèvres et finalement murmura qu'elle avait du mal à digérer, que son estomac la faisait terriblement souffrir. C'était la pire excuse qui soit, puisque personne ne se déplaçait jamais pour si peu. Mais au moins, elle pouvait se plaindre sans risquer de terminer dans un lit sous la surveillance de l'infirmière.
L'infirmière fronça les sourcils, puis lança un regard en direction du jeune homme qui terminait de mettre sa potion en fioles, avant de revenir sur Hermione. Elle hocha la tête, avec un demi-sourire et la lionne comprit qu'elle avait été percée à jour. Visiblement, l'infirmière ne ferait pas le moindre commentaire, signe incontestable de son affection sincère pour Severus.

Pomfresh lui tendit une fiole de potion, et Hermione fronça le nez avant de la boire. Cependant le mélange avait un agréable goût de menthe et elle rendit la fiole vide à l'infirmière avec un sourire reconnaissant.

La jeune fille n'avait plus rien à faire à cet endroit, et elle salua l'infirmière lentement, indécise. Pomfresh jeta un bref coup d'oeil au Serpentard.
- Severus, mon petit. Vous pouvez y aller. Vous avez suffisamment travaillé pour moi ce soir, je crois.

Le Serpentard ne fit pas le moindre commentaire, rejoignant juste Hermione, et les deux amis quittèrent les lieux ensemble.
- Ton estomac hein ?
Hermione rougit, et haussa les épaules, sans répondre. Severus, ricana, mais ne posa pas plus de questions au grand soulagement de Hermione.

Lorsqu'elle le suivit en direction des cachots, il soupira.
- Je te raccompagne. J'ai besoin de marcher un peu je crois.
Au même instant, ils arrivèrent face à James et Sirius, baguettes brandies. Peter était derrière eux, jubilant. Habituellement, Hermione ne prenait pas la fuite face à eux, préférant les confronter. Cette fois pourtant, une lueur étrange dans le regard des deux Gryffondor la crispa, et elle tira Severus par le poignet.
- Cours !

Le Serpentard lui obéit immédiatement, non sans avoir emmêlé ses doigts aux siens. Ils s'élancèrent tous les deux, prenant la direction du hall de l'école, espérant croiser quelqu'un.
Le couvre feu était proche cependant, et ils se retrouvèrent presque acculés dans le hall. Les pas de leurs poursuivants se rapprochaient dangereusement. Pour éviter toute confrontation - l'instinct de Hermione lui hurlait qu'il y avait un problème et elle avait pris l'habitude de s'y fier -, ils décidèrent de sortir du château. Après tout, les abords de la forêt interdite offraient beaucoup de cachettes et Hermione savait exactement jusqu'où allait la carte du Maraudeur. Harry l'utiliserait suffisamment dans le futur pour qu'elle la connaisse parfaitement.

Hors d'haleine, ils s'adossèrent à un arbre, essayant de rester silencieux. Lorsqu'il eut repris son souffle, Severus lui lança un regard sévère.
- Ton estomac. Ou plutôt des idiots décidés à s'en prendre à moi ?

Hermione crispa les poings, prête à se justifier, puisqu'elle connaissait le caractère de Severus.
- Tu es mon ami ! Je n'allais pas rester tranquillement dans ma salle commune en sachant qu'ils...
Cependant, Severus l'attira dans ses bras pour la serrer contre lui.
- Stupide Gryffondor... Je... Personne n'a jamais fait ça pour moi avant...
La jeune fille se détendit légèrement.
- Tu n'es pas fâché ?

La réponse mit un certain temps à venir, mais Severus finit par souffler, tout contre son oreille.
- Non.