Une autre vie

Écoute ma voix

Hermione et Severus s'étaient installés l'un près de l'autre, en silence, attendant. Tout était silencieux, mais ils craignaient tous les deux de se retrouver face aux Maraudeurs une fois encore.
La nuit tombait, et la jeune fille frissonna, regrettant de ne pas avoir sa cape.

Elle glissa un regard en coin vers Severus et s'approcha lentement de lui, pour essayer de se réchauffer. Le Serpentard ne fit pas la moindre remarque, la laissant s'installer à son aise, sans s'écarter.
La lionne commençait à somnoler, lorsqu'elle sentit soudain l'adolescent près d'elle se tendre.

Aussitôt aux aguets, elle sortit de la douce torpeur dans laquelle elle s'était laissé aller pour saisir sa baguette et se redresser. Son coeur battait à toute vitesse, l'adrénaline coulait dans ses veines et elle eut l'impression d'être revenue en arrière, au moment où elle risquait sa vie à chaque instant pendant leur fuite en compagnie d'Harry et de Ron.

Ne voyant pas le moindre danger, elle se tourna vers Severus, pleine d'incompréhension.

L'adolescent était blême. Les yeux écarquillés, il était crispé, semblant presque en état de choc. Hermione s'approcha, inquiète, et il tendit la main dans la direction où il regardait, droit vers le ciel.

La lune, énorme et ronde, les éclairait. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre, et elle jura entre ses dents. C'était la pleine lune, et les nuits de pleine lune, un jeune loup-garou - qui n'avait pas encore accès à la potion tue-loup que Severus brasserait plus tard - se baladait dans le parc en compagnie de trois animagus qui leur étaient hostiles.

Severus à l'esprit si affûté ne sembla pas se rendre compte qu'Hermione avait immédiatement compris ce qui se passait alors même qu'elle était sensée être amnésique. Il restait silencieux, et la jeune fille se souvint de ce que Harry avait raconté un jour, la voix vibrant de colère.

Sirius avait voulu se moquer de Severus, et l'avait envoyé en direction de la cabane hurlante une nuit de pleine lune, droit dans les bras d'un Remus sous forme lupine, incontrôlable. Lorsqu'il s'en était vanté auprès de James, ce dernier, horrifié, avait saisi l'implication du geste de son ami.
Il s'était précipité pour sauver leur rival - leur victime plutôt - mais Severus était resté traumatisé. Pire encore, il avait été mis en retenue pour ne pas avoir respecté le couvre-feu et les Gryffondor n'avaient pas été inquiété de leur acte, que Dumbledore avait jugé comme une simple plaisanterie. Et bien évidemment, personne n'avait été là pour défendre le jeune Serpentard.

Selon Harry, ça avait probablement été l'origine de la haine de Severus envers les Gryffondor. Le premier acte d'une monstrueuse pièce qui devait aboutir à la marque noire sur son bras, et à sa vie irrémédiablement brisée.

Hermione ferma les yeux, essayant de se calmer et de revenir à l'instant présent. Elle avait déjà changé le passé. De ce qu'elle savait, jamais Severus n'avait été chargé par Pomfresh de s'occuper des potions pour l'infirmerie. Et elle était son amie, lui qui avait été solitaire selon Harry...

Elle avait déjà affronté Remus sous sa forme lupine, alors qu'il n'avait pas pris la potion tue-loup. Elle était en troisième année alors, et elle s'en était sortie. Déterminée, elle prit une grande inspiration, et elle s'approcha de Severus.

Elle prit le temps d'observer l'adolescent en état de choc. Le professeur qu'elle avait connu n'aurait pas bronché face au danger, comme si les épreuves de sa vie l'avaient blasé à tout ce qui pouvait se produire. Ou comme si sa vie n'avait pas de valeur. Avec douceur, elle posa ses mains sur ses joues, et l'obligea à la regarder.
Sans le quitter des yeux, sans le lâcher, elle s'adressa à lui d'une voix douce.
- Écoute ma voix, Severus. Tu n'es pas seul, et on va s'en sortir.
Le Serpentard cligna des yeux, puis il chuchota d'un ton horrifié.
- Tu ne comprends pas. Lupin... c'est...
- Un loup-garou. Je sais.

Son calme finit par agir sur Severus, et il prit une grande inspiration. Hermione l'admira et décida qu'il avait plus de courage que bien des Gryffondor... Le jeune homme se dégagea du contact de son amie, rougissant un peu, et il regarda autour de lui, sans jamais lever les yeux vers la lune qui les narguait, pleine et lumineuse.
- Au moment où il nous repérera nous serons fichus.

Hermione hocha la tête gravement, refusant de mentir pour le rassurer. Elle se doutait que le Serpentard préférerait une franchise brutale à des paroles vides de sens.
- Nous allons longer le bord du lac autant que possible, pour rester à l'abri des bosquets. Ensuite, nous aurons à courir en espérant que les autres idiots ne soient pas embusqués pour nous attendre.

Severus plissa le nez, et Hermione gloussa retrouvant une expression familière.
- Ils n'y seront pas. Ils seront persuadés que le loup suffira à nous...
- Mais ça n'arrivera pas.
La lionne l'avait coupé, catégorique. Elle l'avait fixé avec confiance, jusqu'à ce que Severus ne se détende légèrement.

La jeune fille passa sa langue sur ses lèvres sèches, repoussant sa peur au fond d'elle, plissant les yeux pour observer ce qui les entourait.
- Nous ne pouvons pas rester ici. Même si nous sommes cachés aux yeux de ces foutus Maraudeurs, Remus risque de passer par ici. Si nous n'attirons pas son attention...

Le serpentard resta silencieux, l'observant avec attention. Mais Hermione était trop plongée dans sa réflexion pour s'en soucier.
Finalement, elle lui prit la main, et l'entraîna à sa suite, sourcils froncés, déterminée.

Ils se glissèrent dans les fourrés, ombres silencieuses, sans se lâcher. De temps en temps, un bruit de branches cassées les faisaient s'immobiliser, le coeur battant, aux aguets.
Ils sursautèrent en entendant au loin le hurlement du loup-garou, et Hermione souffla doucement.
- Il est loin. Nous allons devoir courir comme jamais jusqu'au château.

Leurs mains se séparèrent presque à regrets, et Hermione observa son camarade, voulant s'assurer qu'il était prêt. Finalement elle hocha la tête, un peu hésitante, consciente de ce qu'ils risquaient.
- Quand tu veux, Severus. Je serais juste derrière toi.

Le Serpentard pinça les lèvres et prit une grande inspiration avant de s'élancer, silhouette sombre et silencieuse. Hermione le suivit de près, oubliant son souffle court et le point de côté qui menaçait, essayant de calquer ses mouvements sur les longues enjambées de Severus.

Le loup-garou hurla de nouveau, toujours loin d'eux, ce qui eut pour effet de faire accélérer Severus. L'adrénaline se déversa dans les veines de la lionne alors qu'elle craignait une attaque des Maraudeurs, et elle suivit la cadence, retrouvant un nouveau souffle.

Hors d'haleine, ils atteignirent enfin les portes du château. Avant d'entrer à la suite de Severus, Hermione se tourna et lança un regard dans le parc. En voyant la silhouette d'un cerf majestueux à l'orée de la forêt interdite, elle s'autorisa à se détendre, décidant qu'ils étaient sauf pour cette fois.