Une autre vie

C'est dur de ne pas pleurer

Hermione arpentait les couloirs de Poudlard à grands pas, essayant de se calmer. Pourtant, ses yeux lançaient des éclairs et ses cheveux semblaient animés d'une vie propre et flottaient autour de son visage à la manière d'une gorgone vengeresse.
Elle ne s'en rendait pas compte mais sa magie irradiait autour d'elle, ne laissant aucune place au doute sur son humeur.

La jeune fille, malgré sa colère, réfléchissait méthodiquement à sa vie actuelle, dans un passé qui ne ressemblait en rien à ce qui aurait dû se passer.
Finalement, elle trouva une salle de classe libre et s'y glissa, essayant de trouver la solitude et la paix nécessaire à remettre ses idées en place.

Elle n'avait pas prévu en arrivant vingt ans dans le passé qu'elle s'attacherait à Severus Rogue, amené à devenir la chauve-souris des cachots, l'impitoyable professeur de potions qui haïrait les Gryffondor et son meilleur ami en particulier.
Harry avait pris soin de la convaincre que l'homme était digne de confiance, bien avant la bataille de Poudlard, et elle devina que son ami imprévisible avait eu dès le départ l'idée d'utiliser le sort qui l'avait envoyée en 1977. Si seulement le Survivant avait pu se montrer plus précis sur ce qu'il attendait d'elle !

Rapidement après son arrivée, elle s'était rendu compte que le passé qu'elle vivait était différent de ce que Harry avait pu mentionner.
D'abord, les Maraudeurs.

Ils étaient des adolescents idiots et frimeurs, comme Harry le lui avait dit un jour avec une grimace. Ils avaient pris Severus pour cible, et le tourmentaient sans fin.
Cependant... Cependant, le harcèlement avait laissé place à quelque chose de plus dangereux. De ce qu'elle savait, il n'y avait rien eu de pire que des humiliations après que James Potter eut empếché Rémus Lupin sous sa forme de loup de dévorer le futur Maître des potions. Or, les Maraudeurs devenaient de plus en plus agressifs, ne cachant même plus leur envie de blesser Severus.

Elle avait préféré prendre la fuite face à eux, parce qu'elle n'avait pas aimé la lueur cruelle dans leurs yeux. Un instant, elle avait vu Sirius autrement, comme s'il portait la même folie que sa cousine Bellatrix.

Les professeurs fermaient les yeux sur tout ça. Il n'y avait que l'infirmière pour prendre la défense de Severus. Minerva MacGonagall - celle qui serait si attachée à la justice dans l'avenir - fermait les yeux ou détournait le regard, et Dumbledore... Dumbledore prenait tout ça comme une légère plaisanterie sans importance.

C'était comme si tout se liguait pour pousser Severus à bout, pour l'isoler et le faire basculer dans les Ténèbres. Le jeune Serpentard avait déjà avoué à Hermione que des Mangemorts l'avaient approché pour le convaincre de les rejoindre.

Ensuite... ensuite, il y avait Lily Evans.
Harry avait su peu de choses sur sa mère, hormis qu'il avait hérité de ses yeux et qu'elle avait donné courageusement sa vie pour le sauver.

Effectivement, Harry avait les yeux de sa mère. Hermione avait un pincement au coeur à chaque fois qu'elle croisait le regard de la jeune fille, le manque de Harry la faisant presque suffoquer.

Mais Lily était plus que ce que l'Histoire retiendrait. Elle était une jeune fille pleine de vie, brillante et enjouée, avec ses qualités et ses défauts.
Elle avait un caractère entier, un peu comme Harry, capable de s'entêter sans faiblir.

La mère de son ami, tant idéalisée et imaginée, était réelle, devant elle.

Hermione était arrivée peu après la terrible dispute qui avait provoqué la fin de l'amitié entre la Gryffondor et Severus.
Bien évidemment son arrivée avait tout bouleversé. Severus n'était plus seul, et les Maraudeurs ne pouvaient plus l'atteindre puisque Hermione ne le lâchait plus.

Lily aurait dû ignorer Severus, mais elle gardait en permanence un oeil sur lui. Bien évidemment, des années d'amitié ne pouvaient pas s'effacer d'un coup, mais... parfois, Hermione avait l'impression que la rousse était jalouse de sa proximité avec le Serpentard.

La veille encore, elle avait trouvé Lily en larmes dans le dortoir et, mal à l'aise, elle avait voulu la consoler. Cependant, la jeune fille l'avait regardé avec colère et l'avait repoussé. Elle avait fini par cracher avec hargne quelques mots qui avaient perturbé Hermione.
- C'est dur de ne pas pleurer quand mon meilleur ami me repousse pour une inconnue.

Ainsi, entre les Maraudeurs qui la surveillaient et essayaient de trouver une faille pour attaquer Severus et Lily qui la regardait avec colère, comme si elle avait fait quelque chose de mal, Hermione avait fini par laisser la colère la submerger.

Elle était totalement perdue, ne comprenant pas ce qui se passait.

La porte de la salle de classe s'ouvrit doucement, et Hermione se tendit, prête à repousser l'intrus. Ce fut Severus qui entra, tranquillement, pour s'installer à côté d'elle. La Gryffondor soupira et se força à sourire, montrant au jeune homme que sa rage n'était pas dirigée contre lui.
- Quel est le problème, Hermione ?
Elle marmonna, puis ferma les yeux et souffla.
- Rien de grave. Je suis... perdue.

Un rire amusé lui fit écarquiller les yeux, alors qu'elle dévisageait son nouvel ami. C'était la toute première fois qu'il riait ainsi, totalement détendu.
- Ce qui se passe ici ne correspond pas à ce que tu connaissais ?
Hermione grogna.
- Comment as tu deviné ?

Le Serpentard leva un sourcil amusé et haussa les épaules.
- Et bien peut être que ta présence bouleverse tout ? Je ne suis pas stupide, tu sais. Je sais que sans toi, je serais resté seul et isolé. Une parfaite proie pour ces foutus Maraudeurs qui se permettent tout.
- Et il y a la jalousie de Lily que je ne comprends pas.

En sentant Severus se tendre à ses côtés, Hermione regretta immédiatement d'avoir mentionné la rousse.
- J'aime Lily. Je crois que je l'aime depuis notre première rencontre, et je suis incapable de... l'oublier. Elle a choisi Potter, j'en suis conscient. Cependant, même si je pourrais faire n'importe quoi pour elle, je refuse de... Elle n'a rien à dire sur mes fréquentations. Je ne te repousserai pas à cause d'elle, Hermione.

Même si la déclaration de Severus avait étrangement serré le coeur de Hermione, elle se sentit soulagée de savoir qu'il tenait à leur amitié. Elle lui offrit un sourire soulagé, repoussant au fond d'elle ses doutes et craintes.
Quoi qu'il arrive, elle ne laisserait pas ce Severus sombrer dans les Ténèbres. Elle s'en fit le serment.